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« Dictature par le droit » et étouffement de la société civile dénoncés devant le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU

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GENÈVE, le 14 mars 2018 (VCHR) – M. Võ Văn Ái, Président du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (VCHR), s’exprimant au nom du VCHR et de son partenaire Agir ensemble pour les Droits de l’Homme, a dénoncé devant le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, réuni pour sa 37e session du 26 février au 23 mars 2018, une répression aggravée contre la société civile vietnamienne et le renforcement d’une véritable « dictature par le droit ».

« Le Vietnam prétend qu’il n’y a pas de prisonniers politiques, juste des personnes ayant « violé les lois ». Mais les lois en question sont toutes incompatibles avec le droit international ». C’est par ces mots que le Président du VCHR Võ Văn Ái a dénoncé devant le Conseil cette « dictature par le droit » qui consiste pour le régime vietnamien à adopter « tout un arsenal de lois anéantissant les libertés fondamentales ». Les articles du Code pénal sur les atteintes à la « sécurité nationale » constituent ainsi le socle de toute la répression des dissidents politiques et religieux, des militants de la société civile et des défenseurs des droits de l’Homme.

Cette répression s’est considérablement intensifiée avec une « multiplication des arrestations et condamnations arbitraires, des violences policières et mauvais traitements en détention, ainsi qu’un recours accru à la peine de mort ». Durant les quatorze derniers mois, 62 militants de la société civile ont ainsi été arrêtés ou condamnés à de lourdes de peines de prison. Parmi eux, M. Võ Văn Ái cite le cas du Dr Hồ Văn Hải arbitrairement condamné à 4 ans de prison et 2 ans d’assignation à résidence, alors qu’il n’avait « fait que dénoncer les effets toxiques des rejets en mer de Formosa ». Quant aux deux blogueuses Mẹ Nấm et Trần Thị Nga, respectivement condamnées à 10 et 9 ans de prison, qui sont mères d’enfants en bas âge, les autorités vietnamiennes viennent de les transférées dans des prisons éloignées de plus de 1000 km de chez elles pour empêcher les visites de leur famille.

« Les dissidents et les militants de la société civiles emprisonnés souffrent d’un régime spécial de sanction : ils sont arbitrairement et injustement condamnés, placés dans des conditions de détention très dures, privés de soins médicaux. Ils sont ensuite isolés et déniés de tout le réconfort qu’apportent les visites des familles », a commenté Võ Văn Ái. « Ces agissements sont contraires à la Convention contre la Torture à laquelle le Vietnam a accédé sans intention de la respecter, comme tous les autres traités sur les droits de l’Homme ».

 

 

Le Vietnam s’était engagé auprès de la communauté internationale de réviser ces articles pour les conformer au droit international. Mais la révision du Code pénal, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, n’a fait que changer les numéros des articles en question et à étendre le pouvoir arbitraire des autorités en leur permettant de poursuivre non seulement les atteintes à la « sécurité nationale » mais aussi leur « préparation » qui, en vietnamien, englobe le simple fait d’y penser.

Les violations systématiques des droits de l’Homme sont détaillés dans le nouveau rapport du VCHR « Libertés Niées, évaluation de la situation des droits de l’Homme au Vietnam au cours du 2e cycle de son Examen Périodique Universel » que M. Võ Văn Ái a présenté au Conseil des Droits de l’Homme. Ce rapport se veut un état des lieux un peu moins d’un an avant la tenue du prochain Examen Périodique Universel du Vietnam, prévu en janvier 2019.

Dans son intervention, M. Võ Văn Ái s’est également fortement inquiété de la situation de la liberté religieuse. Selon le Rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté de religion ou de conviction, le Dr Ahmed Shaheed, le Vietnam figure parmi les 5 pays donnant lieu au plus grand nombre de signalements de violations de la liberté religieuse auprès de l’ONU et parmi les 10 États ayant « l’attitude la plus négative à l’égard de la liberté de religion ou de croyance dans le domaine public et privé ». Au début de cette année, ce sont ainsi 10 bouddhistes hoa hao qui ont été arbitrairement condamnés à des peines de prison de 2 à 12 ans.

Depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2018, de la Loi sur les Croyance et la Religion la situation des religions « non-reconnues » est devenue particulièrement précaire. En effet, la Loi rend obligatoire l’enregistrement des religions et les place sous le contrôle de l’État. Les religions qui ne peuvent ou ne veulent pas s’enregistrer sont déniées de tout droit à l’existence et a fortiori à la liberté religieuse, à l’instar de l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV), dont le Patriarche Thích Quảng Độ est en détention depuis plus de 35 ans à cause de son engagement pour les droits de l’Homme et la démocratie ainsi que de son refus d’enregistrer l’EBUV.

Le Très Vénérable Thích Quảng Độ, une des plus grande figure de la dissidence vietnamienne, a en effet toujours considéré l’obligation d’enregistrer les religions comme contraire à la liberté de religion ou de croyance, aux droits de l’Homme en général et finalement à la démocratie. Sa vision est confirmée par le Rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté de religion ou de conviction qui a déclaré en marge du Conseil que « le respect de la liberté de religion ou de croyance pose les fondations du respect des droits de l’Homme, du pluralisme et de la démocratie. Dans le même temps, il ne peut y avoir de liberté de religion ou de croyance si les droits de l’Homme et les libertés démocratiques sont niés ».

M. Võ Văn Ái a clos son intervention en appelant le Vietnam à « libérer tous les prisonniers de conscience et à inviter les Rapporteurs spéciaux sur les défenseurs des droits de l’Homme et la liberté d’opinion et d’expression pour des visites in situ».

 

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