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Le Comité Vietnam dresse un tableau sinistre des violations des droits des femmes au Vietnam dans un rapport à l’ONU

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GENÈVE, 9 juillet 2015 (CVDDH) – Alors que le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination à l’égard de la femme (CEDAW) doit examiner le cas du Vietnam, M. Vo Van Ai, Président du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (CVDDH), s’adresse aujourd’hui aux experts du CEDAW, au Palais des Nations à Genève, pour rendre public son rapport alternatif préparé conjointement avec la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) et exprimer ses préoccupations face aux graves violations des droits des femmes au Vietnam.

Le Vietnam a accédé à la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes en 1982, il y a plus de trois décennies. M. Ai regrette que «  trente-trois ans après, les Vietnamiennes ne sont toujours pas conscientes de leurs libertés et droits fondamentaux ».

« A lire le rapport du Vietnam, le gouvernement fait un sans-faute pour promouvoir les femmes et les manquements ne sont dus qu’à un manque de moyens », a dit Vo Van Ai. « Notre rapport montre un tout autre visage, une situation déplorable où les femmes sont les grandes perdantes du mélange de libéralisation économique et de répression politique au Vietnam. Il règne aujourd’hui un climat de terreur qui empêche toute protection efficace des droits des femmes. Non seulement le gouvernement se désintéresse des populations les plus vulnérables mais en plus il réprime celles qui voudraient promouvoir les droits des femmes ».

Selon le rapport alternatif du CVDDH et de la FIDH, bien que le Vietnam se cache derrière son sous-développement et ses maigres ressources pour expliquer ses piètres résultats dans le domaine des droits des femmes, c’est en réalité toute sa structure politique, qui ne souffre aucun contre-pouvoir ni aucun pluralisme, qui empêche toute amélioration du sort des femmes. En effet, les lois fourre-tout sur la « sécurité nationale » punissent très sévèrement tout comportement pouvant « porter atteinte aux intérêts de l’État », comme faire valoir ses droits fondamentaux ou critiquer les politiques gouvernementales. Les femmes sont ainsi dissuadées de porter plainte ou de s’engager dans la défense des droits des femmes. En outre, les autorités recourent maintenant à la violence contre les femmes défenseurs des droits de l’Homme, les blogueuses et autres militantes. En effet, les agressions, y compris sexuelles, commises par la police se multiplient contre elles, et les conditions de détention sont particulièrement dures pour celles qui sont emprisonnées.

Le rapport révèle par ailleurs que par son système de quadrillage et de contrôle de la population, le Vietnam aggrave considérablement les inégalités, en particulier aux dépens des femmes. Par exemple, le permis de résidence obligatoire (hộ khẩu) est essentiel pour toutes les démarches administratives (aides sociales, certificats de naissance, etc.), et sans lui, le citoyen est hors-la-loi. Or il est délivré et retiré discrétionnairement par le policier de secteur chargé du contrôle politique de la population, et sa délivrance ou non donne lieu à toutes sortes d’abus de pouvoir et de faits de corruption. Les enfants des victimes du trafic des femmes n’obtiennent pas ce permis et n’ont ainsi aucun droit. En outre, le permis de résidence délivré aux migrants intérieurs ne donne pas les mêmes droits qu’aux résidents permanents. Ces migrants paient ainsi l’eau, l’électricité, les soins médicaux plus cher et se voient refuser de nombreuses aides. Les femmes, qui représentent 70% des migrants intérieurs, sont les premières victimes de ces inégalités.

Pour ce qui est du droit à la terre, les certificats du droit d’usage de la terre (Land Use Rights Certificates ou LURC) ne portent que dans 10,9% des cas le nom des épouses des fermiers, du fait de la négligence des fonctionnaires et d’une mauvaise information sur les lois. Si leur mari décède, les épouses sont dépossédées et expulsées de leurs terres sans aucun dédommagement. Ces paysannes sont ainsi venues s’ajouter aux centaines de milliers de paysans victimes des expropriations forcées, allant manifester dans les villes pour exposer pacifiquement leurs doléances. C’est contre ces « victimes d’injustice » que les autorités vietnamiennes ont adopté en 2005 le décret 38 et la circulaire 09 interdisant les manifestations devant les bâtiments publics.

La libéralisation économique a eu des effets très négatifs sur la condition féminine. Concernant l’accès des femmes à l’éducation, la politique vietnamienne dite de « socialisation de l’éducation », qui à bien des égards est une privatisation de l’éducation, a mis fin à la gratuité de l’école et obligé les familles à payer pour la scolarisation de leurs enfants. Les familles pauvres perdent ainsi l’accès à l’école et, si elles doivent choisir, préfèrent payer pour la scolarisation des garçons plutôt que celles des filles. Les filles des minorités ethniques sont particulièrement touchées puisque 20% d’entre elles ne sont jamais allées à l’école.

Les conditions de travail des femmes sont très souvent pires que celles des hommes, et finissent par détériorer gravement leur état de santé. Quant à leurs salaires, ils systématiquement moins élevés que ceux des hommes, alors même que les salaires vietnamiens sont parmi les plus bas du Sud-Est Asiatique, à dessein puisque les autorités cherchent à faire du pays une terre de délocalisation grâce à des niveaux de rémunération minimale particulièrement bas. En outre, la situation professionnelle des femmes est également plus précaire puisque dans certaines entreprises, tomber enceinte durant les 3 premières années vaut rupture du contrat de travail.

Le rapport note que le trafic des femmes comme main d’œuvre ou pour leur exploitation sexuelle s’accroît de façon alarmante. Les jeunes filles sont envoyées de force en Chine ou au Cambodge où leur passeport est confisqué. Une jeune fille a rapporté avoir été violée par 47 hommes dès sa première nuit en Chine.

Alors que la violence physique est traditionnellement admise pour l’« éducation » des épouses et des enfants par les maris (une femme décède tous les trois jours du fait des violences conjugales), le Vietnam continue de perpétuer des stéréotypes défavorables aux femmes depuis les livres scolaires jusqu’aux programmes de réinsertion des prostituées qui sont orientées vers des activités « féminines » (couture, coiffure, etc.). Le planning familial, centré sur les femmes à l’exclusion des hommes, est à cet égard un échec puisque l’avortement est devenu le principal moyen de contrôle des naissances avec un des taux les plus élevé au monde.

Vo Van Ai conclut en appelant le Vietnam à « lancer des réformes politiques » et « créer un climat ouvert sur la diversité et le pluralisme politique pour que toutes les femmes puissent participer au processus de développement social, économique, intellectuel et politique ». Parmi ses 25 recommandations, le rapport de du CVDDH/FIDH demande au Vietnam d’autoriser l’établissement d’ONG de femmes, de mouvements de la société civile, de journaux et de syndicats véritablement indépendants. Ces acteurs constitueront des garde-fous contre les pratiques discriminatoires et des mécanismes alternatifs pour la protection des droits des femmes.

 

 

 

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