FIDH – 22 janvier 2021 – Chaque année, l’Union européenne et la société civile organisent conjointement un forum traitant des droits humains dans le monde. La FIDH fait partie des organisateurs et se réjouit que la 22ème édition du forum en décembre 2020 ait été l’occasion de s’interroger sur l’un des grands défis contemporains : assurer une gouvernance technologique fondée sur les droits humains.
Pour la FIDH, les droits humains doivent devenir une priorité incontournable du débat sur les nouvelles technologies. L’enjeu est de taille. Le numérique, les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle ont désormais investi notre destin, aussi bien outils de communication, d’information, de pression et de protestation qu’outils de performance et de rationalisation économique, climatique ou médicale. À se précipiter dans une concurrence mondialisée sans avoir préalablement posé les bases, l’avenir est incertain. Or à ce stade, les droits humains ne sont pas inclus comme il se doit dans la réflexion de l’utilisation de ces nouvelles technologies.
Alice Mogwe, présidente de la FIDH, a ouvert l’évènement aux côtés de Michelle Bachelet, haut commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies et d’Eamon Gilmore, le représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme.
Elle a rappelé l’urgence d’une approche de cette question fondée sur les droits humains. L’appropriation technologique dans un contexte d’influence croissante des régimes illibéraux et des activités commerciales non réglementées, de manque de savoir et de conscience général et d’inadéquation des cadres existants, ne peut qu’alerter collectivement quant aux risques encourus pour les droits humains, l’accès de tous au bien commun et la préservation de notre autodétermination. Instruite par le vécu des défenseurs à travers le monde, elle interroge la façon d’aborder les enjeux technologiques et leur impacts qu’il s’agisse des villes intelligentes, de contrôle d’internet, de surveillance et de manipulation de l’information.
Sharon Hom, directrice de Human Rights in China, organisation membre de la FIDH, est intervenue pour poser les termes du débat aux côtés de Heidi Hautala (vice-présidente du Parlement Européen), de Giuseppe Abbamonte (directeur à la Commission européenne, DG connect), de Michael O’Flaherty (directeur à l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne), de Marie Arena, présidente de la Sous-commission en charge des droits humains au Parlement européen) et d’Eliska Pirkova (analyste pour Access Now).
Elle a comparé la vitesse à laquelle on pourrait voir émerger un contrôle algorithmique de nos vies à la lenteur de nos mécanismes d’adaptation. Spécialiste de la Chine, elle considère le régime de Pékin comme un cas d’école du potentiel autoritaire des nouvelles technologies, tout en rappelant que les autorités chinoises entendent bien exporter leur modèle et se positionner comme leader mondial. La question ne résiderait pas seulement dans le risque de voir les technologies détournées par des régimes ou des individus néfastes mais également, dans le modèle d’entreprise qui régit leur développement. Sharon Hom interroge les moyens à disposition pour assurer une technologie humaine, développée selon des impératifs de dignité, d’autonomie et de choix éclairés. (Voir « Between a Rock and a Hard Place : Human Rights Defenders in China, » une version texte élargie des remarques de Mme Hom.)
Enfin, Penelope Faulkner, vice-présidente du VCHR (Vietnam Committee on Human Rights), organisation membre de la FIDH, est intervenue pour parler des obligations des États et du secteur privé en terme de gouvernance technologique.
Forte de son expertise sur le Vietnam, elle pointe la participation de Facebook à la politique répressive du régime en place. Plus largement, elle documente l’inconséquence de nos États qui tout en s’adonnant à des échanges commerciaux peu respectueux des droits humains, s’engagent aussi dans ce qu’on pourrait qualifier aujourd’hui de sous-traitance technologique de la défense de la démocratie. Il est en effet inconséquent de s’en remettre au bon vouloir de géants de la technologie en espérant un heureux dénouement. Les cadres législatifs nationaux sont insuffisants et les concepts d’éthique et de sécurité restent ambigus. Il est nécessaire de renforcer le cadre international en matière de droits humains et d’en garantir l’effectivité.
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