PARIS, 4 septembre 2016 (VCHR) – Trois organisations basées en France, la FIDH, le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (CVDDH) et la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) ont écrit une Lettre Ouverte au Président français François Hollande à la veille de sa visite au Vietnam (5 au 7 septembre 2016). Au nom de leurs organisations, Dimitris Christopoulos (Président de la FIDH), Vo Van Ai (Président du CVDDH) et Françoise Dumont (Présidente de la LDH), appellent le Président français à soulever la question urgente des droits de l’Homme lors de ses discussions avec les dirigeants vietnamiens, en particulier la répression en cours contre les libertés d’expression, de religion et d’assemblée pacifique. Elles demandent au Président Hollande de presser le Vietnam pour qu’il cesse la répression politique des défenseurs des droits de l’Homme, des blogueurs et de ceux qui critiquent le gouvernement, et pour qu’ils libèrent toutes les personnes détenues pour avoir exprimé de manière pacifique leurs opinions politiques ou leurs croyances religieuses.
SUR LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME AU VIETNAM
Monsieur François Hollande
Président de la république Française
Palais de l’Élysée
55 Rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
France
Monsieur le Président de la République,
A l’occasion de votre visite au Vietnam, du 5 au 7 septembre, la FIDH et ses organisations membres, le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (CVDDH) et la Ligue française des Droits de l’Homme (LDH), souhaitent vous faire part de leur plus grande préoccupation concernant les graves violations des droits de l’Homme en cours dans ce pays.
Les autorités de la nouvelle administration désignée par le XIIème Congrès du Parti Communiste Vietnamien en janvier 2016, ont intensifié les actes de répression contre ceux qui critiquent le gouvernement et contre les membres de la société civile. Les militants et les défenseurs des droits de l’Homme sont l’objet de manière routinière d’agressions physiques, de surveillance, de restrictions sur leur liberté de mouvement, d’arrestations et de détentions arbitraires.
Parmi les derniers cas significatifs de cette tendance, les autorités ont prorogé au mois d’août la détention préventive de l’avocat des droits de l’Homme Nguyen Van Dai, la portant à 12 mois au total. Dai a été arbitrairement arrêté l’an dernier, à la veille du dialogue sur les droits de l’Homme avec l’UE, pour avoir donné des cours sur les droits humains. Par ailleurs, les tribunaux continuent à condamner les militants et les défenseurs des droits de l’Homme à des peines de prison pour le simple exercice de leur droit à la liberté d’expression, comme dans le cas du célèbre blogueur Nguyen Huu Vinh, également connu sous le nom Anh Ba Sam, condamné à 5 ans d’emprisonnement en mars 2016.
Durant les quatre derniers mois, les autorités ont violemment réprimé une vague de manifestations pacifiques dans tout le pays organisées en réponse à un désastre environnemental sans précédent qui a provoqué la mort massive des poissons et affecté gravement les moyens de subsistance de nombreuses communautés dans les provinces du Centre du Vietnam. Dans de nombreux cas, les forces de sécurité ont rudement tabassé et arbitrairement arrêté des dizaines de manifestants.
Conséquence de la répression en cours contre ceux qui critiquent le gouvernement, le Vietnam se distingue maintenant et tristement pour compter le plus grand nombre de prisonniers politiques parmi les pays du Sud-Est Asiatique. Le Vietnam garde actuellement environ 130 dissidents derrière les barreaux.
Un cas particulièrement emblématique est celui de Thich Quang Do, chef de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (un groupe religieux arbitrairement interdit depuis 1981), qui est actuellement assigné à résidence à Ho Chi Minh Ville. Thich Quang Do, nominé pour le Prix Nobel de la Paix 2016, est détenu de façon arbitraire sous diverses formes depuis plus de 30 ans.
Nous vous demandons de faire pression sur les dirigeants pour qu’ils ordonnent la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques et pour qu’ils mettent fin à toutes les formes de harcèlement contre les militants et les défenseurs des droits de l’Homme.
La législation existante criminalise l’exercice du droit à la liberté d’opinion et d’expression, du droit à la liberté d’assemblée pacifique et du droit à la liberté de religion ou de croyance. Sont particulièrement préoccupants les articles du Code pénal sur la « sécurité nationale » interprétée au sens très large qui fournissent aux autorités les moyens légaux pour leur répression incessante contre la dissidence. Ces dispositions, dont certaines ne font aucune distinction entre les actes de terrorisme et la dissidence pacifique et prévoient la peine de mort, sont incompatibles avec les obligations internationales du Vietnam au regard du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
De récents amendements au Code pénal, approuvés en novembre 2015, ont aboli la peine capitale pour sept crimes. Cependant, 18 crimes sont toujours passibles de la peine de mort. Nous vous pressons d’en appeler aux dirigeants vietnamiens de s’engager de façon urgente sur la voie de l’abolition de la peine de mort au Vietnam et de commuer toutes les peines de mort en peines d’emprisonnement.
Un autre point de préoccupation est le projet de Loi sur la Croyance et la Religion qui doit très prochainement être votée. Si elle était adoptée en l’état (projet en date du 8 août 2016), cette loi serait un grave recul pour la liberté de religion ou de croyance au Vietnam et violerait les obligations internationales du pays en vertu de l’article 18 du PIDCP. La loi légalisera l’ingérence de l’Etat dans la vie religieuse en introduisant un système draconien d’enregistrement des groupes religieux. Elle exacerbera les restrictions contre les membres des groupes religieux « non-reconnus », qui souffrent déjà de harcèlements, d’arrestations et de détentions arbitraires.
Nous vous demandons de soulever toutes ces questions lors de vos entretiens avec le Président Tran Dai Quang et le Premier Ministre Nguyen Xuan Phuc et d’exiger que le gouvernement respecte, promeuve et remplisse ses obligations internationales ainsi que les nombreuses recommandations faites par divers mécanismes de protection des droits de l’Homme des Nations Unies.
Nous espérons que vous apporterez votre soutien à la société civile indépendante lors du message que vous devez délivrer à l’Université Nationale du Vietnam à Hanoi. Alors que toujours plus de Vietnamiens, en particulier la jeunesse vietnamienne, demande de plus en plus des réformes démocratiques et le respect des droits de l’Homme et de l’Etat de droit, il est important de montrer que la France se tient à leur côté.
“La Liberté, l’Egalité et la Fraternité” ne sont pas des concepts dépassés. Ces mots sont le vecteur de valeurs fondamentales auxquelles la France doit rester attachée. La France doit promouvoir ces valeurs dans un pays où demeurent de graves entraves à la pleine jouissance des principaux droits civils et politiques.
Nous vous remercions de votre attention et nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de notre très haute considération.
Président de la FIDHVo Van Ai
Président du CVDDH
Françoise Dumont
Présidente de la LDH
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