Agence France Presse
HANOI, 28 juin (AFP) – Le plus célèbre dissident bouddhiste vietnamien, le vénérable Thich Quang Do, a été libéré de sa résidence surveillée plus de deux mois avant la date prévue, un geste « humanitaire » du pouvoir de Hanoi que les diplomates refusent de considérer comme un véritable signe d’ouverture.
Do, 75 ans, numéro deux de l’Eglise bouddhiste unifiée du Vietnam (EBUV, dissoute), avait été condamné à deux ans de résidence surveillée le 1er juin 2001 après avoir lancé un appel à la démocratie.
Les autorités vietnamiennes avaient indiqué qu’il ne serait libéré qu’en septembre. Mais vendredi, un tribunal de Ho Chi Minh-Ville (sud) a levé la sanction.
Selon l’agence de presse vietnamienne, la décision a été prise « en vertu de la politique du Parti communiste vietnamien (PCV) et de l’Etat, pour l’unité de la nation » ainsi que pour des raisons « humanitaires ».
« Elle est liée à l’indulgence du gouvernement, à son comportement satisfaisant pendant sa résidence surveillée et au fait que c’est un homme âgé et faible », a indiqué à l’AFP un fonctionnaire local.
Do a une longue expérience de la dissidence au sein de l’EBUV, interdite depuis 1981 au Vietnam, après le refus de ses dirigeants de se placer sous la tutelle du PCV.
En août 1995, il avait écopé de cinq ans d’emprisonnement pour avoir organisé une mission humanitaire dans le delta du Mékong (sud) sans en référer aux autorités. Il avait bénéficié d’une grâce présidentielle le 2 septembre 1998.
Le Vénérable Thich Huyen Quang, 86 ans, numéro un de l’Eglise, est quant à lui de facto en résidence surveillée depuis 1982 dans sa pagode de Quang Nai (centre). Hanoi n’a jamais précisé en vertu de quel texte il était ainsi surveillé.
La libération de Do intervient après l’envoi par le régime de Hanoi de plusieurs signaux positifs à l’égard de l’EBUV ces derniers mois.
Quang avait notamment obtenu en mars l’autorisation de se faire soigner d’une tumeur à l’œil. Il avait ensuite rencontré le Premier ministre Phan Van Khai début avril, pour la première fois depuis vingt ans, sous le regard des caméras de la télévision officielle.
Mais les premières réactions occidentales samedi étaient plus que mesurées sur la libération d’un septuagénaire qui ne représente plus grand danger pour le régime.
Le Bureau international d’information bouddhiste (IBIB), basé à Paris, s’est réjouit de sa libération, tout en exprimant « sa tristesse qu’il ait perdu deux ans de sa vie détenu à l’isolement de façon arbitraire et dans des conditions difficiles, ce qui est contraire aux lois vietnamiennes et internationales ».
Nul n’oubliait surtout la condamnation à 13 ans de prison pour espionnage, le 18 juin, d’un médecin dissident coupable notamment d’avoir traduit sur internet un article appelé « Qu’est-ce que la démocratie ».
« Cette décision peut simplement être un effort pour regagner une crédibilité internationale après la condamnation sévère du cyber-dissident Pham Hong Son », a estimé un diplomate.
La condamnation a provoqué un tollé, notamment aux Etats-Unis où une loi sur les droits de l’homme au Vietnam visant à lui supprimer l’aide non-humanitaire doit être discutée prochainement au Congrès.
Elle intervenait après l’arrestation il y a six mois de trois autres dissidents, dont Amnesty International a affirmé vendredi qu’ils seraient jugés pour « espionnage ».
Un durcissement manifeste du régime que la libération anticipée de Do ne permettra pas de compenser.
« Pour commencer, il est regrettable que Do ait été placé en détention administrative, et il est aussi profondément regrettable que les autorités disposent de la détention arbitraire dans leur arsenal », ajoutait le diplomate.
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