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Vo Van Ai appelle le Président du Vietnam à gracier Phan Minh Man et à abolir la peine de mort

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PARIS, le 24 juillet 2010 (COMITE VIETNAM) – M. Vo Van Ai, Président du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme, une affiliée de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), vient d’écrire au Président de la République Socialiste du Vietnam Nguyen Minh Triet pour lui demander de gracier un étudiant de 20 ans, Phan Minh Man, condamné à mort le 17 juillet 2010 à Ho Chi Minh Ville (Saigon) pour le meurtre de son père qui, alcoolique, battait régulièrement sa femme et ses enfants.

Phan Minh Man lors de son procès, le 17 juillet 2010 - Photo Vu Mai
Phan Minh Man lors de son procès, le 17 juillet 2010 – Photo Vu Mai

Vo Van Ai a appelé à la clémence pour cet étudiant brillant issu d’une famille pauvre, considérant que cette affaire relevait « plus du drame social que de la pure délinquance » et illustrait les graves problèmes économiques et sociaux que traverse le Vietnam d’aujourd’hui. C’est en effet parce que le père de Phan Minh Man perdait peu à peu son travail de routier et qu’aucune aide ou assistance de l’Etat n’était prévue pour son cas qu’il avait sombré dans le désespoir et l’alcoolisme et qu’il retournait « sa colère contre sa famille, son épouse et ses enfants, les battant parfois presqu’à mort ».

C’est également et probablement parce qu’en dépit des discours satisfaits du gouvernement vietnamien sur la protection des droits des femmes, la situation particulièrement préoccupante des femmes au Vietnam reste sans réponse adéquate, notamment en ce qui concerne les violences conjugales, que Phan Minh Man n’a pu agir autrement pour sauver sa mère. M. Ai rappelle dans sa lettre qu’une Vietnamienne meurt tous les trois jours des suites de violences conjugales.

L’éxécution de Phan Minh Man, à la suite d’une condamnation à mort sans aucun égard pour les circonstances qui entourent cette affaire, signifierait, selon M. Vo Van Ai, que le Vietnam reste aveugle à la souffrance du peuple vietnamien en privilégiant la répression sur la prévention et le règlement des problèmes sociaux et économiques.

Vo Van Ai a terminé son appel de grace pour Phan Minh Man en demandant à ce que le Vietnam rejoigne « les pays civilisés qui ont aboli la peine de mort ».

– Sur la peine de mort au Vietnam, voir notre dossier publié à l’occasion du 4ème Congrès contre la peine de mort « The Death Penalty in the Socialist Republic of Vietnam » (en anglais)

– Voir ici le texte intégral de la lettre de Vo Van Ai :

Paris, le 24 juillet 2010

Monsieur le Président,

Je vous écris aujourd’hui pour vous demander la clémence pour Phan Minh Man (20 ans) qui a été condamné à mort par le Tribunal Suprême de Ho Chi Minh Ville, le 17 juillet dernier, pour le meurtre de son père.

Le crime, qu’il a reconnu et qu’il regrette, est terrible, mais le Vietnam gagnerait à ne pas se montrer trop sévère dans une affaire qui relève plus du drame social que de la pure délinquance. La famille de Phan Minh Man est pauvre. Sa mère s’échine à trouver de l’argent pour payer ses hautes études économiques à Phu Lam, où il se distingue comme l’un des étudiants les plus agréables et les plus prometteurs. Son père, chauffeur routier, a de moins en moins de travail, sombre dans l’alcoolisme et retourne sa colère contre sa famille, son épouse et ses enfants, les battant parfois presqu’à mort.

C’est à la suite d’une de ces bastonnades, où sa mère avait particulièrement souffert, que Phan Minh Man a commis l’irréparable. Le juge n’a malheureusement pas pris en compte les circonstances qui pouvaient expliquer son geste et l’a condamné à la peine capitale.

L’exécution de Phan Minh Man va-t-elle pour autant dissuader tous les autres drames de ce type au Vietnam ? Nous ne le croyons pas. Tout d’abord, elle va ruiner encore un peu une famille déjà amputé d’un de ses piliers, et elle va lui faire perdre l’espoir de voir l’un des siens sortir de la misère à force de persévérance dans les études.

Ensuite, cette affaire doit rappeler à nos consciences, à votre conscience, que le Vietnam souffre encore de terribles problèmes économiques et sociaux qui plongent nombre de nos concitoyens dans la précarité et le désespoir, et que cela mène trop souvent à des tragédies. Il est impératif de répondre à ces maux non par une répression trop sévère mais par la prévention, à savoir la sauvegarde des droits de travailleurs et une assistance pour les chômeurs et autres travailleurs précaires.

En outre, en dépit de tous les efforts du Vietnam pour garantir le droit des femmes, une Vietnamienne meurt tous les trois jours de violences conjugales. Cette réalité largement répercutée dans la presse vietnamienne devait être à l’esprit de Phan Minh Man quand il voyait sa mère, qu’il aimait tant et qu’il voulait protéger, être battue régulièrement.

Monsieur le Président,

L’exécution de Phan Minh Man serait un très mauvais signal envoyé par le Vietnam alors qu’il préside l’ANASE et sa Commission Intergouvernementale sur les droits de l’Homme. Elle serait un message de répression des crimes certes implacable mais aveugle aux circonstances atténuantes, aveugle aux violences contre les femmes et les enfants, aveugle à la détresse des travailleurs vietnamiens réduits à une main d’œuvre corvéable. Une répression, enfin, faucheuse d’un avenir brillant qu’était celui de Phan Minh Man avant ce drame.

C’est pourquoi, Monsieur le Président, j’en appelle à vous, à votre humanité et à votre générosité, pour que Phan Minh Man soit gracié. Ce serait là un geste mémorable, et nous espérons que de ce fait, le Vietnam rejoindra enfin et très prochainement les pays civilisés qui ont aboli la peine de mort.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.

Vo Van Ai
Président

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