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Le décret 92 du gouvernement renforce les contrôles sur les religions au Vietnam

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PARIS, 29 novembre 2012 (BIIB) – Le Bureau International d’Information Bouddhiste est très préoccupé par un nouveau décret du gouvernement vietnamien qui accroît le contrôle des religions par l’Etat et sape davantage la liberté religieuse au Vietnam. Le Décret 92 (réf. 92/2012/ND-CP) sur les « Directives et mesures pour mettre en œuvre l’Ordonnance sur les Croyances et la Religion », signé par le Premier Ministre Nguyen Tan Dung le 8 novembre 2012, doit entrer en vigueur le 1er janvier 2013. Il remplace le Décret 22, pris en 2005, qui avait été le premier texte d’application de l’Ordonnance sur les Croyances et la Religion adoptée en 2004 et constituant le fondement de la législation religieuse au Vietnam.

Le Décret 92, qui compte cinq chapitres et 46 articles, reprend nombre des dispositions les plus restrictives du Décret 22, comme l’article 2 qui interdit strictement toute activité perçue comme un « abus du droit à la liberté de croyance et de religion pour nuire à la paix, l’indépendance et l’unité nationale…, pour disséminer des informations contre les lois et les politiques de l’Etat ; pour semer la division dans le peuple, les groupes ethniques et les religions ; pour troubler l’ordre public ; pour porter atteinte à la vie, à la santé, à la dignité et à l’honneur des gens ». Mais il y ajoute de nouvelles obligations et des dispositions vagues qui donnent aux autorités une plus grande latitude pour sanctionner et restreindre les activités religieuses.

L’article 6 (1a) dispose que les organisations religieuses demandant une pleine reconnaissance légale doivent apporter la preuve d’un fonctionnement stable de 20 ans et qu’elles « n’ont pas violé les dispositions de la loi ». Il se réfère spécifiquement à l’article 15 de l’« Ordonnance sur les Croyances et la Religion » qui édicte que les activités religieuses doivent être prohibées si elles « enfreignent la sécurité nationale ». Cette disposition implique une interdiction généralisée dans la mesure où la moindre activité religieuse sans reconnaissance de l’Etat constitue une violation de la « sécurité nationale », selon le Code pénal du Vietnam. Aujourd’hui, de très nombreux membres des communautés religieuses non-reconnues, comme l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam, les Hoa Hao, les Cao Dai ou les Eglises à domicile protestantes, sont en prison ou en résidence surveillée simplement pour avoir pratiqué leur religion hors des groupes religieux d’Etat.

Les deux plus importants chapitres du Décret 92, le Chapitre III sur les « Organisations Religieuses » et le Chapitre IV sur les « Activités Religieuses », qui comptent à eux deux 36 articles divisés en 14 sections, organisent un contrôle intrusif du gouvernement et du Parti Communiste dans tous les aspects de la vie religieuse. Chaque activité religieuse, qu’il s’agisse de la célébration des prières, des festivals religieux, de l’ordination des dignitaires religieux, du cursus des écoles religieuses ou des séminaires, doit être approuvée à l’avance par le Comité Populaire du village, du district ou de la province, voire par le gouvernement ou le Premier Ministre lui-même. A chaque échelon, les autorités ont le pouvoir de refuser arbitrairement les demandes d’activité religieuse d’une simple déclaration écrite.

Même les étrangers vivant au Vietnam doivent soumettre une demande écrite pour organiser des rassemblements religieux (article 40), ce qui n’était pas le cas dans le Décret précédent.

Le Décret 92 souligne le rôle prédominant du Ministre de l’Intérieur pour superviser les activités religieuses (article 42). Au sein des écoles pour la formation des religieux, par exemple, le Ministre de l’Education et de la Formation était auparavant en charge du cursus, qui devait obligatoirement comporter des études de l’histoire et du droit vietnamiens. Sous l’empire du Décret 92, le Ministre de l’Intérieur et le Ministre de la Justice doivent travailler avec le Ministre de l’Education et de la Formation pour déterminer le contenu des cours, superviser les enseignements et faire des inspections (article 15). L’histoire et le droit vietnamiens sont élevés au rang de « sujet majeurs » lors de la formation religieuse, et ce au détriment de toutes les études religieuses (article 14.2). La priorité du gouvernement n’est pas l’éducation religieuse en soi, mais la production d’une armée d’agents politiques versés dans la politique vietnamienne de répression religieuse et entraînés à appliquer une législation religieuse incompatible avec les normes du droit international.

Le seul élément positif dans le Décret semble être la réduction du délai imparti au Premier Ministre (45 jours au lieu de 90 dans le Décret 22) et au Comité Populaire Provincial (30 jours au lieu 60) pour décider de reconnaître ou non une communauté religieuse (article 8.2). Pour arriver à cette étape, cependant, la procédure de reconnaissance reste extrêmement ardue et dure plusieurs années. En outre l’examen extrêmement pointilleux des autorités politiques, au niveau du village jusqu’à celui du gouvernement central, le manque de transparence et les stricts contrôles sur tout le processus d’enregistrement montrent clairement que le Vietnam ne cherche pas à promouvoir une plus grande liberté religieuse, mais bien plutôt à appliquer la directive du Parti Communiste du Vietnam d’« accroître la gestion des affaires religieuses par l’Etat ».

En fait, le Décret 92 ne fait qu’ajouter un « vernis de légalité » sur la charpente de la politique de répression religieuse, planifiée au plus haut niveau du Parti Communiste et de l’Etat, méthodiquement appliquée dans tout le pays, et qui vise à étouffer tous les mouvements indépendants et placer les religions sous le contrôle strict du Parti Communiste.

Cette politique est contrôlée et mise en œuvre par le Bureau des Affaires Religieuses du Gouvernement (BARG), le Front de la Patrie, le Département de la Propagande et de la Mobilisation du Parti Communiste, et le Ministère de l’Intérieur. Le BARG est dirigé par le Lieutenant-Général Pham Dung, un ancien haut cadre du Ministère de la Sécurité Publique. Le réseau des cadres religieux et la « police religieuse » (A41) sous son commandement n’ont absolument aucune formation ou connaissance dans les affaires religieuses, mais ont tout pouvoir pour contrôler les activités religieuses dans tous les aspects de la vie des fidèles.

Le Bureau International d’Information Bouddhiste dénonce fermement la politique de répression religieuse du Vietnam, qui contrevient de façon flagrante au droit à la liberté religieuse garantie par la Constitution vietnamienne et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’ONU, auquel le Vietnam a accédé en 1982. Il en appelle à la communauté internationale pour faire pression sur le Vietnam afin qu’il modifie son « Ordonnance sur les Croyances et la Religion » de 2004 et abroge toutes les législations sur la religion incompatibles avec les normes du droit international.

Dans son Rapport 2012 sur la Liberté Religieuse Internationale, la Commission américaine sur la Liberté Religieuse (USCIRF) a fait figurer le Vietnam parmi les pires violateurs de la liberté religieuse et recommandé son placement sur la liste des « Pays Particulièrement Préoccupants » (CPC, « Countries of Particular Concern ») en matière de liberté de religion.

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