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Document présenté à la 1ère session du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU (19-30 juin 2006)

Vietnam Committee : 2006 : Graves violations des droits de l’Homme au Vietnam
Document présenté à la 1ère session du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU (19-30 juin 2006)

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Le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme dénonce vigoureusement la politique vietnamienne alliant absence de dialogue avec les mécanismes de protection des droits de l’Homme de l’ONU et violation systématique des droits fondamentaux des citoyens vietnamiens.

Alors que le Vietnam veut intégrer la communauté internationale, il refuse de se conformer à ses règles et de remplir ses obligations internationales. Le Vietnam a en effet cessé tout dialogue avec les mécanismes de protection des droits de l’Homme de l’ONU : Son rapport concernant le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels est attendu depuis le 30 juin 1995 et celui concernant la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) depuis le 19 mars 1999. Les autorités vietnamiennes ne prennent aucun compte des recommandations de l’ONU, en particulier celles du Comité des Droits de l’Homme qui avait examiné le rapport vietnamien concernant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) en juillet 2002 et qui avait demandé à ce que les lois vietnamiennes se conformassent au PIDCP (1). Il ne répond aux présentations de faits avérés que par des dénégations systématiques et générales, et ne donne aucune suite aux demandes de visite de suivi du Groupe de travail sur la détention arbitraire ou de la Rapporteuse Spéciale sur la liberté religieuse, et de visite in situ du Rapporteur spécial sur la liberté d’expression.

Les prisonniers de conscience

Pareillement, le gouvernement vietnamien n’a pas fourni les informations exigées par le Comité des Droits de l’Homme en 2002 sur les prisons et camps. Or, alors que le discours officiel est à l’inexistence de prisonniers de conscience au Vietnam, le cyberdissident Nguyen Khac Toan, condamné en 2002 à 12 ans d’emprisonnement mais amnistié en 2006 grâce à la pression internationale, a dénombré, dans un document daté du 12 mai 2006) pas moins de 241 prisonniers politique dans une seule section de la Prison Ba Sao à Nam Ha (nord du Vietnam), dont 225 Montagnards protestants, arrêtés en 2001 et 2004. Parmi les prisonniers politiques, Nguyen Khac Toan cite : Truong Van Suong (en perpétuité depuis 1977) ; Vu Dinh Thuy (30 ans d’emprisonnement dont 10 pour avoir écrit de la « poésie réactionnaire » en prison) ; les adolescents hmongs Vu A Do (13 ans) et Sung Va Giong (15 ans) condamnés à 13 ans d’emprisonnement ; Hoang Xuan Thuy et Pham Van Viet (70 ans) (perpétuité) condamnés pour avoir fondé le « Nouveau Parti Démocratique ».

De même, Thich Thien Minh, libéré en 2005 après 26 ans de détention arbitraire en camp, avait fourni une liste de 66 prisonniers de conscience (certains très âgés) détenus dans le camp Z30A à Xuan Loc, province de Dong Nai (sud du Vietnam) depuis des décennies dans des conditions inhumaines. Thich Thien Minh et sa famille sont régulièrement menacés de mort pour qu’il cesse ses témoignages.

La légalisation de l’arbitraire

En dépit de signes d’ouverture et des concessions obtenues sous la pression internationale, le Vietnam viole systématiquement les droits de l’Homme. En effet, à côté de mesures cosmétiques en faveur des droits de l’Homme, l’Etat vietnamien s’échine à « légaliser » les pratiques arbitraires, ainsi de l’interdiction de manifester pacifiquement (décret 38/2005/ND-CP du 18.03.2005), la censure de la presse et de l’internet (voir plus bas), la détention arbitraire (décret 31/CP du 14.04.1997 sur la « détention administrative »), la répression politique et religieuse (Chapitre sur les atteintes à la « sécurité nationale » du Code pénal)… Le Comité des Droits de l’Homme avait considéré ces pratiques incompatibles avec le PIDCP, en 2002.

Cette « légalisation » de l’arbitraire permet aux autorités vietnamiennes d’instaurer un climat d’insécurité juridique et par-là d’instituer une censure permanente chez les Vietnamiens. A la suite des scandales de corruption touchant les plus hautes sphères du Parti Communiste et de l’Etat, le Premier Ministre Phan Van Khai a demandé de sanctionner les agences de presse et les journalistes impliqués dans la mise au jour de ces scandales (Capital Security newspaper, Hanoi 11 mai 2006). Cette demande paraît incompréhensible de la part d’un gouvernement qui s’est attaché à la lutte contre la corruption.

Les abus de pouvoir des cadres du PC et de l’Etat

Le Major-général Trinh Xuan Tu, Directeur adjoint du Département général de la Sécurité, a révélé à l’Assemblée Nationale, le 12 juin 2006, qu’au moins un tiers des confiscations de terres abusives (sans indemnisations) sont le fait de cadres du Parti Communiste et du gouvernement. Il cite, entre autre exemple, le cas de l’expropriation de 522 hectares par les autorités locales de Van Giang (province de Hung Yen). Ces terres abritaient 3940 familles qui ne se sont vu offrir aucun plan de reconversion professionnelle ou d’indemnisation (2). Ce sont ces « victimes d’injustices » (dân oan) qui viennent par centaines depuis des années dans le Parc Mai Xuan Thuong, à Hanoi, pour protester contre les abus, pacifiquement mais illégalement depuis le décret 38/2005/ND-CP cité plus haut.

Le verrouillage de la liberté d’expression par internet

Le tout nouveau décret 26/2006/ND-CP (*) sur les « sanctions administratives dans le domaine de la culture et de l’information » (6 juin 2006) renforce les moyens de censure pour toutes les activités de diffusion de l’information (presse, internet…). Il restreint considérablement la liberté des journalistes et institue des amendes exorbitantes pour pour la mise sur l’internet d’informations au « contenu nocif », la nocivité étant laissée à l’appréciation des autorités locales et de la police.

Ainsi l’article 7 punit d’une amende de 10 à 20 millions de dongs (670 à 1350 dollars US (3)) la circulation sans autorisation de communiqués de presse, de nouvelles ou de journaux électroniques ; et de 20 à 30 millions de dongs (2000 dollars US) la circulation sans autorisation de journaux imprimés, publicités, émissions radios, etc..

L’article 17, portant spécifiquement sur l’internet, prévoit une amende de 10 à 25 millions de dongs pour les informations à « contenu nocif » pouvant avoir des « conséquences graves ». Une amende de 3 à 10 millions de dongs pourra également être infligée pour le fait de circuler des informations ou des photos à « caractère nocif » à l’étranger par courrier électronique ou mise sur une page Web ; de recevoir ou conserver de telles documents ; de diffuser des publications électroniques non autorisées par l’Etat. Les autorités pourront également confisquer les ordinateurs et couper les accès à l’internet pour une durée de 90 à 180 jours. Les fournisseurs d’accès à internet et les cybercafés qui laisseraient leurs clients diffuser ces informations ou photos au « contenu nocif » seront sanctionnés d’une amende de 1 à 3 millions de dongs. Les clients devront donc informer les cybercafés du contenu des informations qu’ils consulteront ou enverront, sous peine d’une amende de 200.000 à 500.000 dongs.

Parallèlement, dès le 1er juillet 2006, date de l’entrée en vigueur du décret 26/2006/ND-CP, le Vietnam lancera une campagne de 3 mois pour contrôler tous les fournisseurs d’accès à internet, cybercafés, hôtels, et tout autre lieu offrant un accès à internet.

Le contrôle de l’internet a déjà abouti à des situations dramatiques : Les cyberdissidents vietnamiens, tels Pham Hong Son et Nguyen Vu Binh, sont lourdement condamnés pour « espionnage » (article 80 du Code pénal) ou « abus des libertés démocratiques » (article 258). Ils sont détenus dans des conditions très dures. Par ailleurs, Truong Quoc Tuan, Truong Quoc Huy et Lisa Pham arrêtés, le 19 octobre 2005, pour leur participation à un forum de discussion, qualifiée d’incitation à « renverser le pouvoir », sont incarcérés à la prison B34 (237 Nguyen Van Cu, Quan 1) à Ho Chi Minh Ville, et n’ont pas le droit de recevoir de visite de leurs proches.

L’article 21 du décret punit également tout article « disséminant l’idéologie réactionnaire » ou « révélant des secrets du Parti, des secrets d’Etat, des secrets militaires ou des secrets économiques » d’une amende de 30 millions de dongs (2000 dollars US). Il s’agit ici d’appréhender les articles trop peu graves pour être appréhendés par la loi sur la presse qui prévoit au pénal des peines allant jusqu’à 15 ans d’emprisonnement. Le travail des journalistes vietnamiens est soumis à des conditions de plus en plus restrictives puisque leur est désormais interdit de publier des articles citant des « sources anonymes » (3 millions de dongs) et de refuser de faire lire leur article aux personnes interviewées avant publication (7 millions de dongs).

Les atteintes à la liberté religieuse

Tout en proclamant le respect de la liberté religieuse, le Vietnam persécute sans relâche les religions « non-reconnues », c’est-à-dire non soumises au Parti Communiste. Les mesures d’ouverture religieuse au Vietnam ne bénéficient en réalité qu’aux Eglises d’Etat et ne concernent qu’une liberté de culte, sans véritable liberté de religion. Ainsi, sous la pression internationale, le gouvernement vietnamien a proposé de légaliser l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, indépendante, interdite arbitrairement en 1981), mais à la condition qu’elle change de nom et que ses deux principaux chefs (et dissidents parmi les plus déterminés), le Patriarche Thich Huyen Quang et Thich Quang Do, en soient exclus. Derrière ces exigences, se dissimule le plan gouvernemental de faire de l’EBUV une coquille vide,

En attendant, l’EBUV, qui représente 80% de la population vietnamienne, est très durement réprimée. Tous ses hauts-dignitaires sont détenus, harcelés, menacés quotidiennement. Ainsi, alors que le gouvernement vietnamien ne cesse d’affirmer que le Patriarche Thich Huyen Quang et son adjoint Thich Quang Do sont « totalement libres », ceux-ci restent assignés à résidence respectivement dans le Monastère Nguyen Thieu (province de Binh Dinh) et le Monastère Zen Thanh Minh (Ho Chi Minh Ville), et ne peuvent se déplacer librement. Ils ont été reconnus victimes de détention arbitraire par le Groupe de travail sur la détention arbitraire (avis 18/2005), en 2005. Ainsi, Thich Quang Do, qui voulait rendre hommage au Patriarche de l’EBUV Thich Huyen Quang à l’occasion du Nouvel An Lunaire, a été arrêté à la gare de Ho Chi Minh Ville, le 15 février 2006, où une centaine d’agents de la Sécurité l’attendaient. Les policiers se sont emparés de lui avec une très grande brutalité, l’ont mis au secret pendant 6 heures, avant de le ramener de force à sa pagode.

En outre, depuis que l’EBUV a créé des Comités représentatifs dans 13 provinces pour guider les activités spirituelles et porter assistance aux habitants pauvres, le régime vietnamien a lancé une campagne de répression et de harcèlement contre les membres de ces comités afin de les faire quitter l’EBUV. Le 1er juin 2006, la nonne Thich Nu Thong Man a été expulsée de la Pagode Dich Quang (province de Khanh Hoa), après de longs mois de harcèlements, de menaces, de « sessions de dénonciation publique » et de pressions sur les familles des novices de la pagode. Dans la nuit du 28 au 29 mai 2006, une dizaine de jeunes voyous étaient venus vandaliser la pagode. Le lendemain, les autorités locales avaient averti les fidèles bouddhistes qu’il ne fallait pas intervenir pour protéger la nonne de telles attaques car les vandales agissaient sur leurs ordres et « continueront ces actes de sabotage jusqu’à ce que Thich Nu Thong Man parte ». Celle-ci a finalement décidé de partir le 1er juin, craignant pour sa vie et celle des novices.

De pareils harcèlements touchent d’autres membres des Comités provinciaux de l’EBUV comme Thich Chon Tam (province de An Giang), Thich Thien Minh (Bac Lieu), Thich Tam Lien (Binh Dinh), Thich Nhat Ban (Dong Nai), Thich Vinh Phuoc (Ba Ria-Vung Tau), Thich Thanh Quang (Da Nang), Thich Thien Hanh (Hue), Thich Vien Dinh et Thich Khong Tanh (Ho Chi Minh Ville)…

Les minorités ethniques (Montagnards) sont également victimes d’une répression religieuse des plus dures. Depuis 2001, plus de 350 Montagnards ont été condamnés à des peines d’emprisonnement pour leur engagement politique ou religieux pacifique dans la plupart des cas. Majoritairement protestants, les Montagnards sont victimes d’arrestations arbitraires, de harcèlements, voire de tortures en partie pour qu’ils renoncent à leur religion. La Sécurité est déployée dans les villages pour maintenir un climat de terreur parmi les Montagnards. L’Etat vietnamien violent l’accord avec le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies selon lequel il s’engageait à n’exercer aucune représaille contre les Montagnards rapatriés du Cambodge où ils avaient fui les persécutions. Selon des témoignages concordants, les rapatriés seraient emprisonnés et battus.

Les gestes d’ouverture religieuse à l’endroit des Protestants apparaissent là encore comme des mesures cosmétiques : Alors que le gouvernement annonce la légalisation de 200 Eglises protestantes (sur 1200 « House Churches »), il en interdit au moins 200 nouvelles.

Conclusion

Au vu de ce tableau déplorable pour les droits de l’Homme, le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme estime qu’il est urgent que le nouveau Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU se saisisse des exactions du régime vietnamien et le presse de renouer le dialogue avec les mécanismes de protection des droits de l’Homme de l’ONU, notamment en acceptant les visites des Rapporteurs Spéciaux sur la liberté religieuse et sur la liberté d’expression, de la Représentante Spéciale sur les Défenseurs des droits de l’Homme et du Groupe de travail sur la détention arbitraire, en vue d’une amélioration réelle de la situation des droits de l’Homme au Vietnam.


(*) NOTA BENE : Concernant le décret sur les sanctions administratives dans le domaine de la culture et de l’information

Le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme a été informé que le récent Décret sur “les sanctions administratives dans le domaine de la culture et de l’information” (signé le 6 juin 2006, entrée en vigueur prévue le 1er juillet 2006), mentionné dans notre communiqué de presse aujourd’hui, comporte deux références dans la presse officielle vietnamienne. Le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme a obtenu le texte du décret le 13 juin 2006 sur le site internet de Nhan Dan (Le Peuple), “Organe central du Parti Communiste du Vietnam, la Voix du Parti, de l’Etat et du Peuple du Vietnam”. Le décret y est référencé 26/2006/ND-CP. Aujourd’hui 20 juin 2006, la référence reste inchangée sur le site de Nhan Dan. Un autre site de la presse officielle, celui de VietnamNet, parlait du décret comme le décret 26 (13 juin 2006).

Toutefois, le site internet de Vietnam News, dans un article du 12 juin 2006, donne la référence du décret comme étant 56/2006/ND-CP. La référence correcte sera publiée dans le journal officiel (Official Gazette) qui devrait publier prochainement le décret. En dehors de cette différence dans le numéro du décret, les textes sont identiques et notre analyse reste pertinente. Nous publions cette note afin d’éviter toute confusion.


(1) Observations finales du Comité des droits de l’homme : Viet Nam, 26 juillet 2002, réf. CCPR/CO/75/VNM
(2) Over one-third of land offenders State, Party members, VietnamNet 13 juin 2006
(3) Le salaire moyen annuel d’un ouvrier vietnamien est d’environ 264 dollars

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