HO CHI MINH-VILLE (AFP) – Ho Chi Minh-Ville a célébré samedi les trente ans de la fin de la guerre du Vietnam, le 30 avril 1975, en délaissant l’orthodoxie communiste pour honorer avant tout les symboles de son développement, du capitalisme et de la consommation de masse.
Les plus hauts dirigeants de l’Etat et du Parti communiste vietnamiens (PCV) étaient réunis pour célébrer l’anniversaire de la chute de Saïgon, capitale du régime sud-vietnamien pro-américain, aux mains des forces communistes. L’événement avait aussi scellé la fin de la déroute américaine en Asie du sud-est.
Plus de 50.000 personnes avaient été mobilisées le long de l’avenue Le Duan, qui donne sur l’ex-palais présidentiel devenu “palais de la réunification”. “Cette gloire et cette victoire reviennent tout d’abord à l’héroïque peuple vietnamien”, a déclaré Nguyen Minh Triet, membre du Politburo du PCV et secrétaire du Comité du Parti de la municipalité. Mais le régime de Hanoï n’a imposé qu’une propagande minimum à une cité toute entière tournée vers le capitalisme et dont environ les deux-tiers de la population n’ont pas connu la guerre.
Le président Tran Duc Luong a rendu hommage au rôle de locomotive joué par une ville qui représente officiellement 8,6% de la population du pays, mais 20% de son PNB et 40% de sa production industrielle et de ses exportations. La ville “est capable de s’appuyer sur ses capacités propres très importantes et d’attirer beaucoup d’investissements étrangers (…). Elle constitue une force motrice accélérant le développement de cette région et du pays”, a notamment souligné le président.
La parade n’a fait ensuite que confirmer le pragmatisme économique sans réserve aux côtés du communisme vietnamien. Le millier de soldats défilant en uniforme et la scène brièvement reconstituée de la liesse populaire, autour d’un char d’assaut en carton, ont été vite relégués par des motos de grosses cylindrées et des jeunes filles en tutu rose.
Les grands portraits de Ho Chi Minh, le père toujours très vénéré du Vietnam moderne, alternaient alors avec des podiums dédiés à Internet, à l’incontournable opérateur local Saigon Tourist ou à la banque d’Etat Vietcombank, dont le char exhibait un distributeur automatique de billets et était sponsorisé par un géant mondial de la carte de crédit. Des jeunes filles en débardeur bleu à paillettes apparaissaient ensuite poussant des caddys du supermaché local regorgeant de cadeaux, avant qu’un avion gonflé à l’hélium ne crédite le porte-drapeau national, Vietnam Airlines. “Je préfère ça à un défilé au pas de l’oie façon Corée du Nord. Il faut jeter un regard positif” sur ces célébrations, estimait un observateur étranger.
Le défilé ne faisait finalement que confirmer le faible poids de l’idéologie dans une cité matérialiste entre toutes, dépolitisée et galvanisée par une croissance annuelle qui a atteint l’an passé les 10%, soit 3 points de plus que la moyenne nationale. “Les Saïgonnais se sont débarrassés de la politique”, estimait même l’observateur.
L’ex-ennemi américain, devenu l’indispensable partenaire de l’intégration économique internationale, n’a été victime d’aucune forme d’attaque. Vendredi, le Premier ministre vietnamien avait souligné combien le pays entendait guérir les dernières plaies de la guerre. “Nous clôturons le passé et regardons vers l’avenir à l’égard des gens qui étaient dans l’autre camp, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur du pays”, avait déclaré Phan Van Khai.
Mais certains opposants ne désarment pas. Vo Van Ai, président du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme, basé à Paris, a lancé un nouvel appel samedi à la démocratisation. “Il n’y a toujours pas de démocratie au Vietnam. Pas de partis d’opposition, pas de syndicats libres, pas de presse libre, pas d’organisation humanitaire indépendante”, a-t-il indiqué dans un communiqué. “Pendant trente ans, le peuple vietnamien a vécu dans un monde muet”.