Les principaux opposants politiques du Laos, Cambodge et Vietnam ont critiqué l’absence de sanction de l’Union européenne face aux multiples manquements aux droits de l’Homme dans ces pays, lors d’une audition publique organisée, le 12 septembre à Bruxelles, par le Parlement européen.
Cette audition sur la situation des droits de l’homme au Laos, Cambodge et Vietnam a été organisée à l’initiative de la sous-commission des Droits de l’Homme du Parlement européen. Les intervenants ont notamment rappelé que les accords d’association bilatéraux signés en 1997 avec le Laos et le Cambodge, en 1996 avec le Vietnam, stipulent que le respect des droits de l’homme est une condition pour le maintien de l’aide européenne dans ces pays. Interpellée à plusieurs reprises, la Commission européenne n’a pas pu, faute de temps, répondre à ces critiques.
S’exprimant « au nom des compatriotes sans voix et sans droits », Mme THEPHSOUVANH, présidente du mouvement Laotien pour les droits de l’homme, a brossé un tableau accablant de la situation au Laos. Le régime Laotien, de parti unique, instauré en 1975 et consacré par la constitution de 1991, ne permet que le « droit à la pensée muette », a-t-elle souligné. Elle a indiqué que le système judiciaire était « aux mains du parti », que la liberté d’expression est entravée par un code pénal qui « interdit de critiquer le gouvernement » ; « les minorités ethniques sont pourchassées et traquées » à l’image des Hmong, « qui subissent une situation désespérée ». Elle a expliqué que la répression entrave la liberté de religion, que tous les secteurs de la vie publique sont verrouillés, à l’exemple de l’utilisation d’Internet, « surveillée et soumise à restrictions » par une loi du 11 octobre 2000. Mme Thepsouvanh a souligné certains effets pervers de l’aide européenne : « Bruxelles a choisi de poursuivre la coopération avec le Laos sans vérifier au préalable si les conditions démocratiques étaient remplies ». Et de conclure qu’il serait « nécessaire de demander plus d’avancées concrètes avant d’ouvrir le tiroir-caisse ».
Des accusations confortées par le témoignage de Ruhi HAMID, journaliste à la BBC et auteur d’un documentaire sur la « catastrophe humanitaire » vécue par les Hmong. Entrée en tant que touriste, elle a pu rejoindre les camps de fortune de ces populations totalement isolées, contraintes à la survie « en s’alimentant de racines et de feuilles », sous la menace permanente des attaques de l’armée gouvernementale. Ceux-ci, qui ne demandent qu’à « réintégrer pacifiquement la société Laotienne », se voient stigmatisés comme des « rebelles cherchant à renverser le régime ».
Le troisième intervenant, le député de l’opposition cambodgienne Sam RAINSY, a présenté pour sa part – avec ironie – son pays comme « le plus chanceux des trois, étant le seul où il existe une opposition parlementaire ». Une opposition, a-t-il précisé, « en piteux état » car soumise aux assauts d’un pouvoir confisqué par les ex-communistes. Certains députés de l’opposition, dont M. Rainsy – qui dénoncent un appareil judiciaire « instrumentalisé pour éliminer l’opposition », ont ainsi perdu toute immunité parlementaire. « J’ai été accusé de création d’armée illégale. C’est en sautant dans le premier avion que j’ai échappé à la prison. J’apprécie beaucoup mes derniers instants de liberté, ici au Parlement européen » a-t-il ajouté, ayant décidé malgré tout de retourner dans son pays. S’il ne dément pas la générosité de l’aide internationale, il pointe l’aggravation de la pauvreté au Cambodge à cause de la corruption, qui détourne l’aide pour alimenter une « démocratie de façade ».
Au Cambodge, a poursuivi Mme Khek GALABRU, présidente de la ligue cambodgienne pour la protection et la défense des droits de l’homme, la liste des violations des droits de l’homme est longue. Les droits de la femme et de l’enfant sont ignorés, tout comme la liberté de rassemblement et de manifestation, a-t-elle précisé.
Quant au Vietnam, VO VAN AI, président du comité « Viêt Nam pour la défense des droits de l’homme », vice-président de la FIDH, et président du forum « démocratie en Asie », le rôle actif du Parlement européen et sa mission d’enquête de 1985 n’ont pas permis d’avancées significatives dans un pays qui reste « une prison pour son peuple ». Le pouvoir politique est monopolisé par le parti Communiste, « mafia rouge financée par le contribuable européen, qui paye pour graver dans le marbre l’impossibilité de mettre en place l’opposition démocratique ». Il a conclu son intervention en demandant au Parlement européen d’adopter d’urgence une résolution appelant le Vietnam à améliorer la situation des droits de l’homme.
Au Vietnam, la principale force d’opposition émane des communautés religieuses. Le témoignage de l’ancien moine bouddhiste THICH TRI LUC illustre la répression dont elles sont victimes. Ayant obtenu un statut de réfugié au Cambodge, il a été néanmoins enlevé, refoulé au Vietnam pour y être emprisonné un an. Aujourd’hui réfugié en Suède, il a « pris conscience de l’importance de l’implication du Parlement européen ».
Le députe européen M. Marco PANNELLA (ALDE, IT), a souligné « la complicité du PE session après session » et l’attitude complaisante vis-à-vis de ces régimes autoritaires.
En effet, depuis trois ans, le Parlement Européen a voté dix résolutions d’urgence qui n’ont pas abouti à une amélioration de la situation sur le terrain. La présidente de sous commission des Droits de l’Homme, Mme Hélène FLAUTRE (Verts/ALE, FR) a proposé ainsi de débattre de cette question en session plénière plutôt que d’accumuler des déclarations.