M. Vo Van Ai, Directeur du Bureau International d’Information Bouddhiste (BIIB) et porte-parole international de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, indépendante, interdite depuis 1981), s’est félicité de l’annonce par la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice du maintien du Vietnam sur la liste des « pays particulièrement préoccupants » (CPC) du fait de ses graves violations de la liberté religieuse. Les huit pays que sont l’Arabie Saoudite, la Birmanie, la Chine, la Corée du Nord, l’Erythrée, l’Iran, le Soudan et le Vietnam sont désignés comme les pires violateurs de la liberté religieuse en 2005. « Ces pays ont commis ou tolèrent des atteintes particulièrement graves à la liberté religieuse durant l’année qui vient de passer », a déclaré la Secrétaire d’Etat Rice alors qu’elle dévoilait le 7ème Rapport Annuel du Département d’Etat sur la Liberté Religieuse Internationale, hier, mardi 8 novembre 2005. La Loi sur la Liberté Religieuse Internationale de 1998 permet aux Etats-Unis d’imposer une série de mesures, y compris des sanctions économiques, aux Etats inclus dans la liste des CPC.
Le Vietnam a été placé sur la liste des CPC pour la première fois au mois de septembre 2004. Au mois de mai 2005, le Département d’Etat avait signé un accord avec le gouvernement vietnamien dans lequel celui-ci s’engageait à améliorer la situation de la liberté religieuse. En dépit de cet accord, selon le rapport du Département d’Etat, le Vietnam a continué à montrer une « hostilité d’Etat envers les minorités et les religions non-reconnues » en 2005 et est par conséquent reconduit sur la liste des CPC pour la prochaine année.
« Le Vietnam aurait pu être retiré de la liste des CPC s’il avait fait de réels efforts pour respecter la liberté religieuse et améliorer son bilan concernant les droits de l’Homme. Il a malheureusement manqué cette importante occasion », a déploré Vo Van Ai. « Les déclarations du Vietnam sur le respect de la liberté religieuse ne sont que pour l’exportation. En réalité, le gouvernement poursuit sa politique de répression contre toutes les communautés religieuses indépendantes ».
M. Ai note que l’EBUV, interdite, reste la cible des persécutions religieuses. Le Patriarche Thich Huyen Quang, 87 ans, et son adjoint Thich Quang Do, 76 ans, sont toujours incarcérés dans leurs monastères, totalisant chacun presque trente ans de détention. Les Nations Unies ont confirmé qu’ils étaient « victimes de détention arbitraire » au mois de mai 2005. Les membres des comités provinciaux de l’EBUV, mis en place en juillet-septembre 2005, sont l’objet de harcèlements continuels et d’interrogatoires répétés par la Sécurité. Les bonzes libérés lors des « amnisties », comme Thich Thien Minh, sont également harcelés et menacés de mort, et ne jouissent pas de tous leurs droits fondamentaux.
La semaine dernière, le 4 novembre 2005, le Comité Populaire de Phu Nhuan à Saigon a rejeté (Décision 849/QD-UBDN du 4 novembre 2005) l’appel interjeté par le bonze de l’EBUV Thich Vien Phuong contre sa condamnation à une amende de 15 millions de dongs pour avoir filmé le message de Thich Quang Do pour la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies. La Sécurité avait arrêté Thich Vien Phuong le 30 mars 2005 et confisqué le message video, puis l’avait poursuivi pour « production de films ou de video-cassettes dont le contenu calomnie et porte atteinte au prestige des organisations, l’honneur ou la dignité des individus ». Thich Vien Phuong avait fait appel contre cette condamnation à une amende exorbitante — l’équivalent de 43 fois le salaire minimum au Vietnam — déclarant qu’il avait simplement exercé son droit à la liberté d’expression garanti dans la Constitution vietnamienne (article 69) réaffirmé dans le « Livre Blanc sur les droits de l’Homme » rendu public par le Vietnam au mois d’août 2005. Ayant rejeté son appel, le Comité populaire de Phu Nhuan a exigé de Thich Vien Phuong qu’il paie l’amende dans les 30 jours.
Lors des auditions du Congrès américain des 20 juin et 26 octobre 2005, Vo Van Ai avait spécifiquement pressé les Etats-Unis de laisser le Vietnam sur la liste des CPC tant que les autorités vietnamiennes n’auraient pas franchi des étapes concrètes minimales vers le respect de la liberté religieuse, à commencer par la libération inconditionnelle du Patriarche Thich Huyen Quang et de Thich Quang Do, le rétablissement du statut légal de l’EBUV et de tous les mouvements religieux non-reconnus. Dans une lettre à la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice en date du 5 septembre 2005, M. Ai avait écrit : « Il ne peut y avoir de réelle liberté religieuse tant qu’une Eglise aussi importante que l’EBUV reste interdite. Aussi, je vous demande solennellement de maintenir le Vietnam sur la liste des Pays Particulièrement Préoccupants tant qu’il n’aura pas rétabli le statut légal de l’EBUV et des autres religions « non-reconnues ».