SANTIAGO DU CHILI – S’adressant à la Troisième Réunion Ministérielle de la Communauté des Démocraties, qui se tenait à Santiago du Chili du 28 au 30 avril 2005, Vo Van Ai, Président du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme et de Quê Me : Action pour la Démocratie au Vietnam, a appelé les gouvernements démocratiques du monde à « soutenir un processus de démocratisation au Vietnam ». Les délégations gouvernementales de 146 pays, incluant 44 Ministres des Affaires étrangères ainsi que 40 représentants de la société civile sélectionnés parmi 196 ONG d’Europe, d’Amérique, d’Asie, d’Afrique et du Moyen-Orient, se réunissaient à Santiago pour cette Troisième Réunion Ministérielle de la Communauté des Démocraties sous le thème « Coopérer pour la Démocratie ». La Communauté des Démocraties a été fondée à Varsovie en 2000 à l’initiative d’Etats, comme la Pologne, l’Inde, le Mali, la République Tchèque, le Chili, la Corée du Sud ou les Etats-Unis d’Amérique, pour promouvoir la démocratie à travers le monde, et a tenu sa deuxième réunion à Séoul, en Corée du Sud, en 2002.
Lors de la cérémonie d’inauguration, le Président chilien Ricardo Lagos Escobar a souligné la valeur de la démocratie : « Seule la démocratie peut apporter un véritable progrès. Il n’y a pas de dictature qui ait apporté le progrès au peuple ». La Secrétaire d’Etat Condoleeza Rice a renvoyé à sa propre expérience pour réfléchir sur la démocratie : « La démocratisation n’est pas un événement, c’est un processus. Elle peut prendre des décennies pour réaliser pleinement les promesses de réformes démocratiques. Pendant presqu’un siècle après la fondation des Etats-Unis, des millions de Noirs américains comme moi étaient encore réduits à un statut bien en dessous de la pleine citoyenneté. Lorsque les Pères Fondateurs de l’Amérique ont dit « Nous le Peuple », ils ne m’y incluaient pas… »
Vo Van Ai a rappelé à l’assemblée que le 30 avril marquait le 30ème anniversaire de la fin de la guerre du Vietnam et de l’avènement du Communisme au Vietnam, par cette Déclaration à la Troisième Réunion Ministérielle de la Communauté des Démocraties de Santiago, le 30 avril 2005 :
« L’Asie est le plus grand défi de la démocratie. Ce continent vaste et complexe, patrie de plus du quart de l’humanité, est une région d’économies en plein essor. Elle recouvre la plus vieille démocratie du monde, l’Inde, mais également certaines des pires dictatures et sociétés fermées politiquement du monde. Nous possédons une diversité de grandes philiosophies comme le Bouddhisme, le Confusianisme, le Taoïsme, l’Hindouisme, l’Islam, mais nous sommes unis dans une aspiration commune pour la démocratie et le respect des droits l’Homme.
« La clef pour la démocratie en Asie est la Chine, car une Chine démocratique aura un impact sur toute l’Asie et sur le monde. L’Asie du Sud-Est, et notamment le Vietnam, est également un point géopolitique stratégique. Le Vietnam, démocratique ou dictatorial, jouera un rôle-clef pour le futur de cette région. Un futur de stabilité et de paix, ou un fait de violence et de conflits ? Cela dépendra de l’engagement des nations démocratiques aujourd’hui. Car la démocratie est le garant de la paix et une Asie démocratique est la clef de la stabilité et de la prospérité dans le monde.
« Il y a exactement 30 ans aujourd’hui, la guerre du Vietnam prenait fin. Pour un moment, un radieux moment, nous les Vietnamiens avons cru que nous allions connaître la paix et la liberté dans notre pays. Nous avions cru à la paix parce que les Accords de Paris, ratifiés par 12 pays, prônaient la réconciliation, la concorde et la fin de toutes les représailles. Nous avions cru au soutien des démocraties du monde pour assurer une transition démocratique au Vietnam.
« Mais nos espoirs se sont écroulés le 30 avril 1975 quand les tanks nord-vietnamiens sont entrés dans Saigon. Ce n’est pas seulement au Vietnam, mais aussi au Cambodge et au Laos, que le mois d’» Avril Noir » a marqué le début d’une ère de répression brutale, avec le génocide de millions de Cambodgiens par les Khmers Rouges et l’exode tragique des Boat-people vietnamiens fuyant sur la mer de Chine vers la liberté. Durant les années qui ont suivi, plus de 2 millions de personnes ont été envoyées dans les goulags vietnamiens. Plus de 65.000 personnes ont été exécutées et des milliers ont disparu sans laisser de trace. La communauté internationale nous a abandonnés et nous a laissé combattre ce nouveau combat seuls.
« Aujourd’hui, 30 ans après, il n’y a toujours pas de démocratie au Vietnam. Il n’y a pas de partis d’opposition, pas de syndicats libres, pas de presse libre, pas d’ONG indépendantes. Durant les 30 années passées, le peuple vietnamien a vécu dans un monde muet — Nous n’avions pas le droit de parler et quiconque osait parler risquait l’arrestation immédiate.
« Les mouvements religieux indépendants, la seule société civile du Vietnam, sont étouffés et brutalement réprimés. Alors que je vous parle, le plus éminent dissident bouddhiste du Vietnam, Thich Quang Do, est détenu incommunicado dans son monastère simplement parce qu’il a lancé un « Appel pour la Démocratie au Vietnam » avec un plan en 8 points pour la démocratisation. Hier encore, des journalistes étrangers qui voulaient lui rendre visite à l’occasion du 30ème anniversaire [de la Chute de Saigon] ont été refoulés par la Sécurité.
« Les cyberdissidents et même les plus éminents vétérans du Parti Communiste Vietnamien comme le général Vo Nguyen Giap, héros de la victoire que Hanoi célèbre aujourd’hui, protestent contre l’absence de progrès et de réformes au Vietnam. Dans une lettre au Politburo, le général Giap déplorait la lenteur des politiques de réforme du Vietnam qui, disait-il, négligent « le développement économique, la culture, l’éducation, la santé et le bien-être du peuple. En 2020, le Vietnam sera toujours la plus pauvre nation de l’ASEAN, avec 20 ans de retard sur la Thailande ». Le général Giap dénonçait également les abus de pouvoir des services secrets militaires, le Département Général N°2 ou DG2, véritable Etat dans l’Etat qui use de la torture, de l’intimidation et des assassinats politiques pour renverser les factions politiques au sein du Parti Communiste et destabiliser les très haut-cadres.
« Aujourd’hui, j’appelle tous les membres de la Communauté des Démocraties à soutenir un processus de démocratisation au Vietnam. Je vous demande de façon urgente de faire pression sur le Vietanm pour qu’il abolisse l’article 4 de la Constitution sur le monopole du Parti Communiste, et accepte le pluralisme politique ; pour qu’il libère le Patriarche de l’EBUV Thich Huyen Quang, Thich Quang Do et tous les prisonniers politiques et religieux, et cesse les harcèlements et la surveillance policière des dissidents pour l’expression pacifique de leur opposition, comme Hoang Minh Chinh, Nguyen Thanh Giang, Tran Khue, Nguyen Dan Que, Hoang Tien, Pham Hong Son, Nguyen Vu Binh, Nguyen Khac Toan, etc. ; pour qu’il légalise toutes les religions interdites comme l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam ; pour qu’il autorise la publication d’un journal indépendant comme forum pour un débat démocratique. Ces quatre mesures concrètes constitueront les premières étapes sur la route vers les réformes démocratiques.
« Les peuples vivant sous la dictature poursuivront leur lutte pour la démocratie, mais ils ne peuvent livrer cette bataille seuls. Ils ont besoin du soutien de la Communauté des Démocraties pour les aider à mettre en marche ce processus aujourd’hui ».