Alors que plusieurs centaines de millions de Bouddhistes dans le monde célèbrent, ce 2 juin 2004, le 2548ème anniversaire de la naissance du Bouddha, ou Vesak et qu’une cérémonie de « Reconnaissance Internationale du Jour du Vesak » s’est tenue aux Nations Unies à New York, les dignitaires de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, indépendante, interdite depuis 1981) ont passé une nouvelle fois le Vesak en détention du fait de leur engagement pacifique pour la liberté religieuse, les droits de l’Homme et les réformes démocratiques.
l Le Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan a souligné la nécessité des efforts soutenus pour subjuguer l’intolérance religieuse, dans son Message du Vesak à l’occasion de la « Journée Internationale de Reconnaissance de la Cérémonie du Vesak », célébrée aux Nations Unies à New York ce mardi 1er juin 2004. La Journée du Vesak (le jour de la pleine lune du mois de mai, qui tombe cette année le 2 juin, au Vietnam) a été reconnue par les Nations Unies le 15 décembre 1999 lors de la 54ème session de l’Assemblée générale de l’ONU (Résolution 115) et est devenue une Journée Internationale depuis. Suivent des extraits du Message de M. Annan :
« …Chaque année, en ce jour, nous marquons la naissance, l’illumination et la mort du Bouddha Siddhartha Gautama il y a quelques 2500 ans, et rendons hommage à la contribution du Bouddhisme dans la recherche de la paix dans le monde.
« Cette année, je voudrais profiter de ce recueillement pour exprimer mes préoccupations concernant les récents événements — dont les attaques terroristes du 11 septembre 2001, la guerre en Irak et le conflit perdurant et tragique entre les Israeliens et les Palestiniens — qui ont aggravé les tensions entre les fidèles des principales religions du monde.
« Nous devons nous éloigner des stéréotypes, des généralisations et des préjugés, et prendre soin à ne pas condamner un peuple entier, une région entière ou une religion entière à cause des méfaits de quelques individus. Comme le Bouddhisme l’enseigne, nous devons agir envers chaque être humain en toute équité et objectivité, en s’abstenant de toute méchanceté, de toute agressivité et de tout acte causant du tort. La tolérance est essentielle mais elle n’est pas suffisante. Nous devons aller plus loin et nous astreindre à un effort positif pour apprendre plus sur les autres et pour découvrir le meilleur dans les croyances et les traditions d’autrui.
« En ce Jour de Vesak, faisons le vœu de faire notre part de ce qui doit être une campagne soutenue pour refonder la confiance entre les peuples de différentes fois et de différentes cultures. Reconnaissons, comme le Bouddhisme l’a fait, notre interdépendance fondamentale. Et suivons cette voie en partenaires. C’est dans cet esprit que je vous souhaite à tous un joyeux vesak ».
l Le Patriarche Thich Huyen Quang avait lui-même exhorté avec force les Bouddhistes vietnamiens à rester « fermes et inébranlables » dans leur quête de liberté pour le Bouddhisme et le Vietnam, dans son traditionnel Message du Vesak, envoyé clandestinement du Monastère Nguyen Thieu dans la province de Binh Dinh à l’étranger. Dans un monde où les tensions religieuses ne cessent de s’aiguiser, ajoutait-il, les Bouddhistes ne devraient jamais recourir « à la violence pour conjurer la violence » mais plutôt « développer la compassion et la sagesse » afin de dissiper l’ignorance, cause de toute intolérance et du fanatisme. « A moins que nous puissions dissiper l’ignorance et ses fondements les plus profonds, la violence et le terrorisme, si présents aujourd’hui, conduiront inéxorablement à la destruction de l’espèce humaine ». « A l’époque moderne, accablée par les divisions, les conflits, la haine et la destruction, que l’union quadripartite des bonzes, nonnes, laïcs et des laïques, qui forment la base du Bouddhisme, soit le symbole de l’unité, de la conciliation, de l’amour et de l’édification pour chacun et pour tous », a-t-il déclaré, appelant les Bouddhistes à « s’unir dans un esprit de tolérance et de solidarité pour affronter les contradictions et les conflits de notre monde »…
l Commentant les célébrations du Vesak au Vietnam, M. Vo Van Ai, porte-parole international de l’EBUV et Directeur du Bureau International d’Information Bouddhiste (BIIB) à Paris (France), a vigoureusement dénoncé « l’hypocrisie des politiques religieuses du Vietnam » concernant le Bouddhisme, la religion majoritaire au Vietnam. « La liberté religieuse est garantie par la Constitution de la RSV et, aujourd’hui, le Vesak est célébré en grande pompe dans tout le Vietnam. Mais seuls les Bouddhistes de l’Eglise Bouddhiste du Vietnam, l’Eglise d’Etat placée sous le contrôle du Parti Communiste du Vietnam et du Front de la Patrie, sont autorisés à assister aux célébrations, tandis que les membres de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam interdite sont réduits au silence et réprimés. Cette politique hypocrite mine la tradition vieille de 2000 ans du Bouddhisme vietnamien qui est toujours resté résolument indépendant du pouvoir politique. Aujourd’hui, les véritables Maîtres Bouddhistes languissent en prison ou en résidence surveillée parce qu’ils ont refusé de faire des courbettes devant les autorités communistes et ont continué à réclamer le respect de la liberté religieuse et des droits de l’Homme pour tous les Vietnamiens ».
M. Vo Van Ai a exprimé sa préoccupation particulière pour le sort du Patriarche de l’EBUV Thich Huyen Quang, âgé de 86 ans, et de son adjoint, le Très Vénérable Thich Quang Do, tous deux placés en résidence surveillée en octobre 2003 sur des allégations de « détention de secrets d’Etat », crime puni de peine de mort au Vietnam. La santé du Patriarche de l’EBUV Thich Huyen Quang est très dégradée du fait de son incarcération dans le Monastère Nguyen Thieu, dans la province de Binh Dinh. La Sécurité contrôle étroitement les accès au Monastère et intercepte tous les visiteurs. Même les bonzes résidents sont fouillés dès qu’ils entrent ou sortent. Les lignes de téléphone et de fax ont été coupées depuis la campagne gouvernementale de répression anti-EBUV du mois d’octobre 2003. Le numéro 2 de l’EBUV Thich Quang Do est lui aussi emprisonné dans sa chambre du Monastère Zen Thanh Minh à Ho Chi Minh Ville (Saigon). Détenu incommunicado, Thich Quang Do a également vu sa santé se détériorer avec ses conditions d’incarcération. Bien qu’ayant subi une opération à cœur ouvert et souffrant de diabète et d’hypertension, le bonze de 75 ans, nominé pour le Prix Nobel de la Paix 2004, ne reçoit que des soins basiques et n’est autorisé ni à se rendre à l’hôpital pour des check-up réguliers ni à recevoir la visite des médecins.
M. Ai a également ajouté qu’au moins neuf autre hauts-membres de l’EBUV sont officiellement en « détention administrative » depuis le répression d’octobre 2003 et de nombreux autres bonzes purgent de lourdes peines de prison pour leurs soutien et attachement à l’EBUV. Le Vénérable Thich Thien Minh (nom séculier Huynh Van Ba), 49 ans, purge par exemple une double peine de détention perpétuelle au camp de rééducation Z30A à Xuan Loc, dans la province de Dong Nai. Depuis 1979, année de son arrestation, il a passé de longues périodes d’isolation au cachot et est soumis aux travaux forcés dans des conditions exténuantes. Thich Thien Minh a été reconnu victime de détention arbitraire par le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire (avis 21, décembre 1997).