PARIS, 3 octobre 2005 (BIIB) – L’ambassadeur du Royaume-Uni au Vietnam, M. Robert Gordon, et l’ambassadeur de l’Union Européenne au Vietnam, M. David Milliot, se sont rendus de Hanoi à Ho Chi Minh Ville afin de rendre visite à Thich Quang Do, deuxième dignitaire de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, indépendante, interdite depuis 1981), dans son Monastère Zen Thanh Minh, ce vendredi 30 septembre 2005. C’est la première fois que les deux ambassadeurs rencontrent Thich Quang Do, qui est assigné à résidence depuis la répression anti-EBUV d’octobre 2003. Le Royaume-Uni occupe actuellement la présidence de l’Union Européenne.
Lors d’une conversation téléphonique avec le Directeur du BIIB Vo Van Ai, le Vénérable Thich Quang Do a rapporté que la rencontre a été extrêmement positive et amicale, et a duré de 11h30 à 13h00. Les ambassadeurs ont informé Thich Quang Do qu’ils avaient pris connaissance des témoignages de Vo Van Ai et de l’ancien bonze de l’EBUV Thich Tri Luc, prononcés le 12 septembre 2005 lors d’une audition publique sur le Cambodge, le Laos et le Vietnam au Parlement Européen à Bruxelles, et qu’ils venaient entendre son propre point de vue sur les droits de l’Homme et la liberté religieuse au Vietnam.
Thich Quang Do a raconté aux ambassadeurs la répression continuelle dont souffrent les membres de l’EBUV depuis 1975 et la résistance pacifique de 30 ans de l’EBUV, qui a commencé avec l’immolation de 12 bonzes et nonnes de l’EBUV à la Pagode Duoc Su, à Can Tho, le 2 novembre 1975. Depuis 1975, plus de 20 Bouddhistes se sont immolés pour demander le respect des droits de l’Homme et de la liberté religieuse. En outre, les membres de l’EBUV continuent de subir emprisonnement, assignation à résidence et harcèlements du fait de leurs convictions et croyances exprimées pacifiquement. Il a également dit aux deux ambassadeurs que le Patriarche de l’EBUV Thich Huyen Quang et lui-même sont privés de leur liberté de mouvement et de leurs droits fondamentaux sans aucune justification ou charge, en dépit des affirmations du Vietnam selon lesquelles ils sont “complètement libres”. La Sécurité l’a systématiquement intercepté lorsqu’il a tenté de rendre visite à Thich Huyen Quang, dans la province de Binh Dinh. De même, Thich Huyen Quang a de manière répétée demandé à pouvoir visiter Thich Quang Do à Saigon, mais les autorités locales ont refusé parce qu’elles “n’ont pas reçu d’autorisation d’en haut”.
Thich Quang Do a fait remarquer que les droits de l’Homme sont garantis par la Constitution vietnamienne et que cette garantie est réitérée dans le “Livre blanc sur les droits de l’Homme” que les autorités de Hanoi ont rendu public en août 2005, mais qu’ils ne sont pas respectés dans la pratique. “La liberté au Vietnam est comme le dessin d’un gâteau (banh ve en vietnamien) : il paraît délicieux sur le papier — mais vous ne pouvez pas le manger !” Le peuple vietnamien, a-t-il dit, est affamé de démocratie véritable et de droits de l’Homme. La libéralisation économique (doi moi) sans les garde-fous d’une presse libre et d’une société civile indépendante a créé de graves problèmes sociaux comme les violations des droits des travailleurs, la traite des femmes, etc.. Ils ne pourront être résolus sans un véritable processus de libéralisation politique.
En conclusion, Thich Quang Do a lancé un appel aux ambassadeurs du Royaume-Uni et de l’Union européenne : “L’Union européenne est l’un des plus important donateur et partenaire commercial du Vietnam. Je presse l’Union européenne de mettre en œuvre l’article 1er de l’Accord de Coopération de 1995 qui conditionne les relations UE-Vietnam par le respect des principes démocratiques et des droits de l’Homme. Il est vital que l’Union Européenne soutienne le processus de démocratisation au Vietnam. La démocratie est la clef des vastes problèmes qui assaillent notre nation depuis 30 ans. La démocratie est la clef du développement durable du Vietnam ainsi que de la paix et de la sécurité dans la région Asie-Pacifique”.
l Concernant le “Livre blanc sur les droits de l’Homme” présenté par le régime de Hanoi, un envoyé de l’ambassade du Vietnam à Bruxelles avait demandé à ce que le “Livre blanc” fût distribué lors de l’audition publique du Parlement Européen, le 12 septembre dernier. La Présidente de la Sous-Commission des droits de l’Homme du PE, Mme Hélène Flautre, a catégoriquement rejeté cette demande parce que le chapitre 4 du “Livre blanc” vietnamien constituait, a-t-elle qualifié, “un morceau d’anthologie du dénigrement des défenseurs des droits de l’Homme qui est inadmissible au Parlement Européen”. Avant l’audition publique, les ambassadeurs du Vietnam, du Laos et du Cambodge étaient venus voir Mme Flautre pour protester contre l’événement et l’empêcher. Mme Ton Nu Thi Ninh, Vice-Présidente de la Commission des affaires étrangère de l’Assemblée Nationale vietnamienne et ancienne ambassadrice du Vietnam auprès de l’Union Européenne, avait également écrit au Parlement Européen pour que l’audition publique ne se tînt pas. Le chapitre 4 du “Livre Blanc” accusait notamment le porte-parole international de l’EBUV Vo Van Ai de “se cacher derrière le masque de la démocratie et des droits de l’Homme” pour protéger “les violateurs de la loi” et “profiter de sa position de Vice-Président de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) pour s’oppose au Vietnam à la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU”.
l Le lundi 3 octobre 2005, le bonze de l’EBUV Thich Vien Phuong s’est rendu au Bureau d’Inspection du Comité Populaire de l’arrondissement de Phu Nhuan, à Saigon, pour s’enquérir (en vain) de la plainte qu’il avait déposée, le 21 september dernier, contre contre l’ordre l’enjoignant de payer une amende de 15 millions de dongs (environ 1000 dollars US/850 euros) pour avoir filmé Thich Quang Do pour le message vidéo que celui-ci voulait envoyer à la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU au mois d’avril 2005. La “Décision” prise par le Comité Populaire de Phu Nhuan (réf. 697/QD-XPHC, 15 septembre 2005) accuse Thich Vien Phuong (nom séculier Nguyen Thanh Tho) “d’activité de production de films ou de cassette vidéo dont le contenu calomnie et porte atteinte au prestige des organisations, l’honneur ou la dignité des individus, mais n’est pas assez sérieux pour être puni par la loi pénale…”. Le 30 mars 2005, la Sécurité avait arrêté Thich Vien Phuong alors qu’il quittait le Monastère Zen Thanh Minh, confisquant sa caméra vidéo et la séquence du message de Thich Quang Do. Le jeune bonze avait ensuite été l’objet d’interrogatoires intensifs de la police pendant plusieurs jours. Toutefois, les Bouddhistes de l’EBUV avaient réussi a faire parvenir au BIIB une version audio du message qui avait pu être rendu public à la Commission des Droits de l’Homme, à Genève, le 4 avril 2005.
Dans sa plainte, Thich Vien Phuong proteste vigoureusement contre le montant exorbitant de l’amende — plus de 43 fois le salaire minimum mensuel d’un ouvrier vietnamien — déclarant qu’il exerçait simplement ses droits constitutionnels : “L’article 69 de la Constitution vietnamienne garantit que “les citoyens ont la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de presse, le droit d’être informé…” et le chapitre 2 du “Livre Blanc sur les droits de l’Homme” déclare que “le Vietnam respecte et garantit la liberté d’expression, la liberté de la presse et le droit à l’information de tous les citoyens”.
“Je rejette la “Décision” de me faire payer cette amende car elle déforme la vérité et fait de moi un criminel. Je suis respectueux de la loi, je n’ai commis aucun délit. Je demande donc aux autorités compétentes de réexaminer mon cas, de retirer cet ordre fallacieux et de restaurer ma dignité et mon honneur”.
Le Bureau International d’Information Bouddhiste condamne fermement la décision illégale du Comité Populaire de Phu Nhuan contre Thich Vien Phuong. Cette décision est incompatible avec l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques portant sur le droit de “rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières… part tout moyen de son choix”. Le Vietnam a accédé au Pacte en 1982. De tels abus violent les obligations qu’a souscrites le Vietnam auprès de l’Union Européenne, des Etats-Unis d’Amérique et de ses autres partenaires de respecter la liberté religieuse et les droits de l’Homme. Le BIIB en appelle à la communauté internationale pour qu’elle veille de près sur Thich Vien Phuong.
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