PARIS, 15 juin 2018 (BIIB) – L’ambassadeur des Etats-Unis au Vietnam Daniel J. Kritenbrink a rendu visite au dissident bouddhiste et Patriarche de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV) Thích Quảng Độ dans le Monastère Zen Thanh Minh à Ho Chi Minh Ville (Saigon). L’ambassadeur était accompagné de la Consule générale américaine Mary Tarnowka, de l’officier politique du Consulat Justin Brown et de deux assistants. Il s’agit de la première visite de l’ambassadeur américain qui a pris ses fonctions à Hanoi en novembre 2017.
La visite a eu lieu le jeudi 14 juin à partir de 10 heures et a duré plus d’une heure. Thích Quảng Độ a confié au Directeur du Bureau International d’Information Bouddhiste (BIIB) Võ Văn Ái que l’entretien avait été très ouvert et cordial. Il a remis à la délégation américaine un Mémorandum de 12 pages détaillant la répression systématique par le gouvernement contre l’EBUV depuis 43 ans, ainsi que ses principales préoccupations comme la liberté religieuse, les relations sino-vietnamiennes, le récente loi sur la cybersécurité, les droits de l’Homme et la démocratisation du Vietnam.
Dans ce document, le Patriarche Thích Quảng Độ, aujourd’hui âgé de 90 ans, décrit la répression que subit l’EBUV ainsi que sa propre détention en résidence surveillée depuis 2003 : « Comme vous le voyez, l’espace dans lequel je vis est petit. C’est tout mon univers depuis les 15 dernières années. Le gouvernement ne m’a jamais formellement accusé d’un quelconque crime – il dit même que je suis libre. Mais ma liberté s’arrête avec ces quatre murs. Je suis interdit de voyager, mes communications sont surveillées et la police garde un œil sur moi nuit et jour ».
Sa détention, écrit-il, n’est qu’une partie d’une politique globale visant à étouffer toute critique et toute dissidence : « Le gouvernement cherche à me réduire au silence en me détenant. Tout comme la police a recouru à la violence et la force brute durant les derniers jours pour faire taire les citoyens qui manifestent dans tout le pays pour protester contre l’adoption de nouvelles lois qui vendent nos intérêts nationaux et brident nos droits à la libre expression ».
Il constate que les protestations récentes et massives reflètent le profond mécontentement populaire à l’égard du projet de loi discuté à l’Assemblée Nationale sur les Zones Economiques Spéciales (ZES). Cette loi permettrait de louer des terrains à des investisseurs étrangers pour une durée de 99 ans. « nous, Vietnamiens, connaissons les ambitions de notre voisin du nord, car le Vietnam a été le vassal de la Chine pendant 1000 ans. Les manifestations qui ont éclos ce week-end étaient une réaction spontanée à l’abandon de nos ressources et de nos terres par le Parti Communiste ».
« Bien qu’enfermé dans mon monastère », écrit-il, « je me sens très proche des gens qui descendent dans les rues et risquent leur liberté pour défendre leurs idéaux. Leurs protestations sont un avertissement pour notre gouvernement – un appel à défendre notre souveraineté et protéger notre patrie, mais également un appel pour le pluralisme, la démocratie et les droits de l’Homme ». Thích Quảng Độ a dénoncé la loi sur la cybersécurité, adoptée cette semaine par l’Assemblée Nationale, qui « viole gravement la liberté d’expression sur internet » et « donne à Hanoi de nouveaux outils pour censurer internet, emprisonner les opposants et étouffer la dissidence ».
Il a informé l’ambassadeur américain que depuis 1975, quand le Parti Communiste a pris le pouvoir au Vietnam, l’EBUV a invariablement maintenu qu’il ne pouvait y avoir de développement ou de progrès au Vietnam sans démocratie ni droits de l’Homme. « Dans mes nombreux appels au gouvernement vietnamien et au Parti Communiste, j’ai toujours insisté sur le fait que nous ne pouvions défendre notre pays si l’on nous déniait notre droit à participer en toute égalité aux affaires de la nation ».
« La liberté religieuse elle-même ne peut exister sans démocratie et droits de l’Homme. Avec la nouvelle loi sur la croyance et la religion, nous avons une liberté de culte minimale, mais la véritable liberté de religion ou de conviction reste taboue ».
Thích Quảng Độ a pressé l’ambassadeur américain de s’assurer que la liberté religieuse et les droits de l’Homme restent un priorité de premier ordre dans les relations des Etats-Unis avec le Vietnam, et en a appelé à lui pour qu’il cherche toutes les occasions, autant privées que publiques, « pour presser le Vietnam de mettre un terme à la répression contre l’EBUV et toutes les autres communautés religieuses non-reconnues ; de rétablir le statut légitime de l’EBUV et de nous permettre d’avoir une pleine liberté pour nos activités religieuses en paix ».
Dans son « Mémorandum » sur les violations de la liberté religieuse contre l’EBUV, Thích Quảng Độ a fait les recommandations suivantes au gouvernement vietnamien :
- Le Vietnam devrait reconnaître le statut légitime de l’EBUV et de toutes les autres communautés religieuses « non-reconnues » et leur permettre une pleine liberté pour leur activités religieuses ;
- Libérer tous les membres du clergé et tous les fidèles détenus en résidence surveillée ou en prison en raison de l’exercice ou l’expression non-violente de leurs croyances religieuses ;
- Cesser les harcèlements et actes d’intimidation des membres de l’EBUV, y compris ceux du Mouvement Bouddhiste de la Jeunesse, et leur donner la pleine liberté de s’engager dans des activités éducatives, spirituelles, humanitaires et sociales ;
- Rendre tous les biens et terrains de l’EBUV confisqués après 1945 dans le nord du Vietnam et après 1975 dans le sud ;
- Abroger ou amender toutes les législations concernant la religion qui restreignent les activités des organisations religieuses ou les soumettent au contrôle du Parti Communiste ; amender la nouvelle loi sur la croyance et la religion pour la rendre conforme à l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ;
- Retirer toutes les dispositions vagues et imprécises du Code pénal qui criminalisent l’exercice de la liberté de religion ou de conviction ;
- Réviser la loi sur la cybersécurité et les autres lois concernant la liberté d’expression en ligne et hors ligne pour les rendre conformes à l’article 19 du PIDCP ;
- Garantir les droits fondamentaux à la liberté de conscience, d’expression, d’assemblée pacifique et d’association telles que garanties par le PIDCP des Nations Unies dont le Vietnam est partie.
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