HANOI, 19 sept 2003 (AFP) – Le bras de fer continue entre l’Eglise bouddhiste unifiée du Vietnam (EBUV) et le gouvernement de Hanoi, qui a placé sous étroite surveillance une réunion au sommet de l’organisation dissidente, tout en essayant de convaincre son numéro un d’intégrer la hiérarchie officielle.
Interdite depuis sa création en 1981, pour avoir refusé de se soumettre à l’autorité du Parti communiste vietnamien (PCV) -comme doivent le faire toutes les organisations religieuses-, l’EBUV est aujourd’hui confrontée à un mélange de pressions et d’offensives de charme dont l’issue est difficilement prévisible.
Vendredi, le patriarche Thich Huyen Quang, en résidence surveillée sans procès depuis 1982, et son second Thich Quang Do, récemment libéré, tenaient dans une pagode de la province de Binh Dinh (centre) une réunion destinée à évoquer l’avenir de leur église et à rafraîchir sa hiérarchie. Seuls dix moines étaient présents.
« Nous sommes cernés par la police mais elle n’est pas encore intervenue », a indiqué à l’AFP par téléphone vendredi un membre de l’Eglise. « Certaines personnes ont eu du mal à venir. La réunion devait se finir vendredi mais elle durera plus longtemps que prévu ».
Selon le Bureau international d’information bouddhiste (IBIB), porte-parole de l’EBUV basé à Paris, la police a « systématiquement interrogé et intimidé les moines de l’EBUV ces dix derniers jours, après avoir appris que ses deux chefs avaient convoqué un rassemblement ».
Hanoi a violement réagi vendredi contre ces informations qu’il a qualifié de « fabriquées ». Evoquant l’unification des églises bouddhistes en 1981, le ministère des Affaires étrangères a rappelé que l’EBUV n’existait « ni par son nom ni en réalité ».
Des dizaines de moines « ont été soumis a des ‘sessions de travail’ (interrogations) de la police et à des menaces de représailles s’ils se rendaient à la réunion ou acceptaient une fonction au sein de l’EBUV », a pourtant affirmé l’IBIB.
Mais l’intimidation ne touche pas les deux leaders charismatiques : Quang, 86 ans, et Do, 75 ans, ont passé la majorité de leurs vingt dernières années en prison ou en résidence surveillée, et ne montrent nul volonté de renoncement.
Le 12 septembre, toujours selon l’IBIB, neuf responsables politiques et religieux ont rendu visite à Do dans sa pagode de Ho Chi Minh-Ville (ex-Saïgon) pour le dissuader de se rendre à la réunion.
Après avoir enjoint ses interlocuteurs de lui fournir un document officiel, le moine est monté dans une voiture et s’est rendu à Binh Dinh. La police l’a suivi sans intervenir.
En revanche, l’attitude du pouvoir vis-à-vis de Quang est plus concilliante.
En avril dernier, le Premier ministre Phan Van Khai l’avait reçu devant les caméras de télévision, geste sans précédent depuis vingt ans.
Ces deux derniers mois, affirme l’IBIB, trois hauts-responsables dont le vice-ministre de la Sécurité, Nguyen Van Huong, lui ont rendu visite dans sa pagode de Quang Nam (centre) pour lui proposer un poste au sommet de la hiérarchie de l’Eglise bouddhiste du Vietnam (EBV, officielle).
L’offre, non confirmée vendredi par Hanoi, a été rejetée. Mais « le fait que les autorités le proposent à Quang montre qu’elles reconnaissent son rôle », estime un diplomate étranger.
« Elles savent qu’elles devront régler les cas de Quang et Do. Elles en ont déjà trop fait pour s’arrêter en chemin », a-t-il ajouté.
Il est pourtant bien difficile de décoder les réelles intentions du pouvoir.
La semaine dernière, l’IBIB a indiqué que Thich Tri Luc, moine de l’EBUV kidnappé au Cambodge l’an dernier alors qu’il avait le statut de réfugié, serait bientôt jugé au Vietnam pour « défection à l’étranger et opposition à l’administration du peuple ».
Hanoi n’a fait aucun commentaire sur ce point.
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