PARIS, 28 décembre 2009 (COMITE VIETNAM) – Le Vietnam vient de condamner Tran Anh Kim (60 ans) à 5 ans et demi de prison et 3 ans de « détention probatoire » (assignation à résidence) pour avoir demandé la démocratie. « Cette parfaite parodie de justice démontre une fois de plus le mépris du régime de Hanoi pour ses citoyens ainsi que l’arrogance des dirigeants vietnamiens qui osent encore et toujours violer le droit international auquel ils ont pourtant formellement souscrit en signant et ratifiant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en 1982 » s’est insurgé M. Vo Van Ai, Président du « Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme » et de « Quê Me : Action pour la Démocratie au Vietnam ».
« En septembre dernier, les dirigeants vietnamiens avaient en effet montré la même arrogance lors de leur Examen Périodique Universel devant le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU en rejetant du revers de la main toutes les recommandations visant à l’application réelle et sincères de leurs obligations internationales, comme celles d’abroger les lois sur la « sécurité nationale » qui criminalisent les libertés démocratiques et les droits de l’Homme (1). Il y a un mois, le Parlement Européen demandait la libération des personnes détenues indûment sous les lois de « sécurité nationale » (2). C’est sur ces lois que Tran Anh Kim vient d’être cyniquement condamné ».
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques garantit le droit du peuple à déterminer librement son statut politique (article 1er) et Tran Anh Kim n’a demandé le respect de ce droit qu’au travers du dialogue et de la non-violence, provoquant pourtant l’ire du gouvernement. Celui-ci l’avait donc condamné bien avant son procès en diffusant et publiant ses aveux forcés dans la presse officielle au mois d’août 2009, en violation de la présomption d’innocence garantie par le Code de Procédures Pénales (article 9). Et bien qu’il ne l’ait obligé à « confesser » que la « propagande contre l’Etat » (article 88 du Code pénal), il a soudainement alourdi, début décembre, le chef d’inculpation, et Tran Anh Kim a été condamné pour une charge bien plus grave, celle de « tentative de renverser le gouvernement du peuple » (article 79 du Code pénal) qui peut conduire à l’emprisonnement perpétuel ou la peine capitale.
L’article 79 du Code pénal, sur lequel se fonde la sentence, est l’un des textes vagues et fourre-tout sur la « sécurité nationale » que dénonce l’ONU depuis 15 ans (dénonciation encore renouvelée en septembre 2009 lors de l’Examen Périodique Universel du Vietnam). En 1995 déjà, après sa visite au Vietnam l’année précédente, le Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU s’inquiétait de ce « que la rédaction actuelle de l’article 73 [actuel article 79] est si vague qu’elle peut conduire à sanctionner non seulement des personnes qui ont fait usage de la violence à des fins politiques, mais aussi d’autres personnes qui n’ont fait qu’exercer leur droit légitime à la liberté d’opinion ou d’expression » (3).
M. Vo Van Ai a ajouté : « Le lieu du procès de Tran Anh Kim est en outre très symbolique : La province de Thai Binh est le berceau de la Révolution vietnamienne et l’enfant gâté du régime. Or, il y a 12 ans, à la suite des révoltes paysannes massives dans cette province, l’enquête sociologique très pointue du Pr Tuong Lai, Directeur de l’Institut des Sciences Sociales de Hanoi, commandée par le Premier Ministre, décelait les causes des troubles dans le manque de démocratie : « La démocratie a été violée crûment » (4). Il appelait donc à une démocratisation véritable ».
« Ce rapport de 1997 n’a pas eu de suite et cette sentence illustre, s’il en était encore besoin, à quel point les dirigeants vietnamiens sont accrochés au pouvoir et ses privilèges : Tran Anh Kim est un ancien lieutenant-colonel maintes fois décoré pour ses actions au service du Parti Communiste du Vietnam. Sa condamnation extrêmement lourde et inique est le symbole le plus implacable de la trahison de ce Parti unique pour les aspirations du peuple vietnamien pour les droits de l’Homme et la démocratie ».
M. Vo Van Ai a conclu par ses inquiétudes : « Cette sentence est de très mauvaise augure pour les procès à venir de ses quatre compagnons, poursuivis sur les mêmes charges : Le Cong Dinh, Nguyen Tien Trung, Tran Huynh Duy Thuc et Le Thanh Long devraient être jugé courant janvier 2010 ».
(1) Voir notre communiqué de presse du 24 septembre 2009 « Examen Périodique Universel du Vietnam à Genève : Le Vietnam méprise les recommandations pour les droits de l’homme à l’ONU se prépare à juger arbitrairement des dissidents »
(2) Voir notre communiqué de presse du 26 novembre 2009 « Le Parlement Européen condamne les persécutions religieuses et les violations des droits de l’Homme au Vietnam »
(3) Visite au Vietnam, Rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire, réf. ECN.4/1995/31 Add.4, §58)
(4) Le rapport du Pr Tuong Lai a été publié dans « La Démocratie étouffée, Les Voix de la Dissidence vietnamienne », Editions Quê Me 2003.