PARIS, 31 juillet 2014 (VCHR) – A l’issue d’une visite au Vietnam du 21 au 31 juillet, le Rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté religieuse Heiner Bielefeldt a regretté le fait d’avoir été suivi de près et de ne pas avoir pu rencontrer certains groupes religieux parce qu’ils étaient trop étroitement surveillés. Lors d’une conférence de presse à Hanoi aujourd’hui, il a annoncé avoir constaté de sérieuses violations de la liberté de religion au Vietnam.
Le vendredi 25 juillet dernier, il avait cependant réussi à rendre visite au Patriarche de l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV) Thich Quang Do afin d’évaluer la situation actuelle de cette Église qui n’est pas reconnue par les autorités vietnamiennes.
Vo Van Ai, Président du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (CVDDH) et porte-parole international de l’EBUV, a déploré les obstacles posés par le gouvernement vietnamien au bon déroulement de la mission de l’expert de l’ONU : « En 1998, après la précédente visite d’un Rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté religieuse, les autorités de Hanoi avaient proclamé que plus jamais elles « n’accepteraient qu’un individu ou une organisation vienne enquêter sur la liberté religieuse ou les droits de l’Homme ». Cette fois, elles ont autorisé la visite mais intimidé les groupes religieux et restreint leur accès à M. Bielefeldt. Au moins, le Rapporteur spécial de l’ONU a pu se rendre compte lui-même des politiques de répression religieuse du Vietnam ».
M. Ai a dit que le CVDDH avait travaillé durement pour cette visite qui aurait dû avoir lieu il y a longtemps déjà. M. Ai a rencontré M. Bielefeldt à Genève avant son départ et lui a remis un « Mémorandum sur les politiques et pratiques du Vietnam dans le domaine religieux, et sur la situation de l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam ». Ce document de 32 pages détaille les stricts contrôles que fait subir aux religions l’État à Parti unique vietnamien, des plus hauts échelons du gouvernement aux niveaux les plus bas de l’administration, et les persécutions contre toutes les communautés religieuses, dont l’EBUV.
Le Rapporteur spécial de l’ONU a pu rencontrer Thich Quang Do au Monastère Zen Thanh Minh à Ho Chi Minh Ville (Saigon), où il est en résidence surveillée de facto depuis 2003. Ses adjoints Thich Nhu Dat et Le Cong Cau (Directeur du Mouvement Bouddhiste de la Jeunesse de l’EBUV, Gia đình Phật tử Việt Nam) étaient venus de Hué pour l’occasion.
Thich Quang Do a pu décrire la répression systématique contre les fidèles de l’EBUV, mise hors-la-loi tout au long des 39 années du régime communiste. Le Bouddhisme vietnamien, avec son héritage culturel et spirituel de 2000 ans, a été réduit à un simple outil politique dans les mains du Parti communiste depuis la création de l’Église bouddhiste d’État (le Sangha bouddhiste du Vietnam) en 1981 et l’interdiction de fait de l’EBUV, a-t-il dit à M. Bielefeldt. Thich Quang Do a cité sa propre situation comme exemple de l’arbitraire dont souffrent les Bouddhistes de l’EBUV dans tout le Vietnam : Trente ans de prison, d’exil intérieur et d’assignation à résidence simplement pour avoir demandé pacifiquement le respect de la liberté de religion. « Je suis prisonnier dans ma propre pagode » lui a-t-il dit.
Thich Nhu Dat et Le Cong Cau ont fait le rapport de la répression en cours contre l’EBUV à Hué, Danang et dans les provinces du centre du pays depuis plus de 7 mois. Ils ont commencé par la répression par le gouvernement des célébrations de la Journée de Mémoire en janvier 2014, à la Pagode Long Quang (siège du Secrétariat de l’EBUV, à Hué) puis ont fait la liste des harcèlements, intimidations et détentions arbitraires des Bouddhistes qui sont constants. Plus de cent membres du Mouvement Bouddhiste de la Jeunesse dans le centre du Vietnam restent en résidence surveillée et sont l’objet d’interrogatoires et de menaces de la part de la police.
Thich Quang Do a remis à M. Bielefeldt un document sur « La situation de l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam » préparé spécialement pour la visite. Y sont soulignées les restrictions légales sur la liberté de religion, comme le décret 92, ainsi que la nouvelle stratégie du régime de Hanoi qui vise à « exporter la dissidence religieuse » comme a pu personnellement le constater Le Cong Cau. En effet, à quelques jours de l’arrivée de M. Bielfeldt, le 8 juillet 2014, la police a convoqué Le Cong Cau et lui a proposé de l’aider à émigrer aux États-Unis, à condition qu’il ne reviennent jamais au Vietnam. Les policiers lui ont fait savoir qu’il s’agissait là du seul moyen pour lui d’échapper à des poursuites. Le Cong Cau a refusé. « Si je dois choisir entre aller en prison ou quitter mon pays, je préfère la prison », a dit Le Cong Cau au CVDDH.
Le document comprenait les recommandations suivantes :
L’EBUV en appelle aux Nations Unies pour qu’elles pressent le gouvernement vientamien de :
- Mettre en œuvre les recommandations de respecter la liberté religieuse et les droits fondamentaux faites lors du second cycle de l’Examen Périodique Universel du Vietnam devant le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, en février 2014 ;
- Remplir ses obligations en tant que membre du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU de respecter les normes les plus hautes en matière de droits humains ;
- Reconnaître la légitimité de l’EBUV et lui autoriser une pleine liberté pour ses activités religieuses ;
- Libéer tous les religieux et fidèles de l’EBUV, ainsi que tous les autres fidèles religieux emprisonnés du seul fait de l’exercice ou l’expression non-violents de leurs croyances religieuses ;
- Abroger ou réviser les décrets et directives sur la religion qui imposent des restrictions sur les activités des organisations religieuses ou les soumettent au contrôle du Parti Communiste ;
- Respecter et promouvoir les droits fondamentaux à la liberté de conscience, d’expression et d’association tels que garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel est partie le Vietnam.
L’EBUV en appelle également aux Nations Unies pour qu’elles :
- Surveillent étroitement le statut des croyants religieux emprisonnés ou en residence surveillée et les visitent régulièrement autant qu’il est possible ;
- S’assurent que tous les financements du PNUD et des autres agences d’aide au développement de l’ONU aboutissent à des progrès concrets pour le respect de la liberté religieuse et des droits de l’Homme, et si ce n’est pas le cas ils doivent être annulés.
Le Rapporteur spécial a promis que les Nations Unies prendraient en compte les préoccupations de l’EBUV et feraient tout leur possible pour faire pression sur le Vietnam pour améliorer le respect de la liberté religieuse.
Le CVDDH avait préparé ce communiqué de presse après l’entrevue du 25 juillet. Nous avons cependant différé sa publication jusqu’à la conclusion du séjour de M. Bielefeldt au Vietnam, à la demande du bureau du Rapporteur spécial.
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