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Intervention orale de Vo Van Ai, Président du VCHR, à l’occasion de l’examen des deuxième, troisième et quatrième rapports du Vietnam concernant le PIDESC

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Vo Van Ai

 

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les experts,

Au nom du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme, je vous remercie de nous permettre de participer à ce débat.

En dépit d’une croissance économique notable et de progrès certains du niveau de vie, la situation du Vietnam reste fragile : 8% de la population se trouvent dans une extrême pauvreté, plus de 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté, et des millions de Vietnamiens se trouvent dans une situation précaire juste au dessus de ce seuil.

Loin de prendre en compte cette précarité, le Vietnam a adopté une politique qui « oublie » cette population au profit d’une minorité qui détient le pouvoir économique et politique du pays et détournent les institutions pour servir ses intérêts privés.

En effet, comme l’a noté la Banque Mondiale, il existe de très grandes inégalités au Vietnam, non seulement en matière de revenus mais également et surtout en termes d’égalité des chances et de jouissance des droits fondamentaux. Une très grande majorité de la population ne peut donc pas se faire entendre ni influer sur les affaires publiques, ne peut pas accéder à certains services, ne peut pas faire valoir ses droits. Les minorités ethniques et les femmes sont particulièrement mal loties.

En effet, il n’y a pas, au Vietnam, de véritable société civile indépendante, de presse libre, de syndicat libre, de juridiction indépendante, de pluralisme politique. Dans les faits, le Parti au pouvoir, qui détient tous les leviers de la société dans le domaine politique, économique, judiciaire et policier musèle, y compris par la répression, tous ceux qui veulent exercer leur droits économiques, sociaux et culturels. Les victimes des violations des droits de l’Homme, des abus de pouvoir ou des expulsions illégales de leurs terres n’ont pas de voie de recours efficace.

L’un des moyens de ce déni des droits de l’Homme est l’utilisation de la loi. En effet, les autorités vietnamiennes n’évaluent leur État de droit qu’à l’aune du nombre de lois adoptées. Or, ces lois, pléthoriques, sont trop souvent si vagues qu’elles permettent le plus grand arbitraire, quand elles ne l’organisent pas elles-mêmes à dessein.

En outre, beaucoup de textes sont manifestement incompatibles avec le droit international. Le gouvernement a par la circulaire 11 de 2013 autorisé le travail des enfants de 13 à 15 ans. D’autres lois, comme les articles du Code pénal sur la « sécurité nationale » ou sur l’« abus des libertés démocratiques », servent à réprimer les défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels.

Étouffant déjà très durement toute parole jugée dissidente, le Vietnam encadre très fermement la pensée et l’expression en matière d’éducation, de recherche scientifique et de culture. Ainsi, tout récemment, le texte de la traduction en vietnamien du livre « The spy who loved us » de Thomas Bass est paru censuré en 444 endroits, en dépit des engagements du Vietnam envers l’auteur.

Dans le domaine culturel, le gouvernement se fait juge de ce qu’il appelle les « belles traditions » et les pratiques culturelles « malsaines », surtout aux dépens des minorités ethniques qui souffrent de discriminations intolérables.

Dans le domaine de la recherche, le décret 97 de 2009 interdit les publications scientifiques qui pourraient critiquer ou remettre en cause les politiques de l’État, conduisant le premier et seul institut de recherche indépendant (Vietnam Institute of Development Studies) à se saborder la même année.

Dans le domaine historique, l’enseignement garde sa vocation de propagande qui nuit à la vérité historique, comme le déplorent les historiens et enseignants vietnamiens eux-mêmes. Il vise en effet à n’inculquer qu’une seule vision de l’Histoire et non à développer l’esprit critique. Plus grave, le seul manuel d’histoire utilisé au Vietnam enseigne des faits parfois faux et transmet aux enfants une vision tronquée de l’Histoire. Nous sommes, en outre, particulièrement inquiets du langage parfois haineux employé dans ce manuel qui est en contradiction avec la promotion de la paix et de compréhension entre les peuples.

Enfin, le Vietnam présente à sa population une vision des droits de l’Homme contraire à celle de la communauté internationale puisqu’en les conditionnant aux « valeurs asiatiques », c’est-à-dire à de prétendues « circonstances historiques » ou « spécificités régionales », il en nie le caractère indivisible et universel.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les experts,

Pour que le Vietnam remplissent ses obligations au regard du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, il est impératif qu’il :

– Abroge ou révise toutes ses lois vagues et incompatibles avec le Pacte ;

– Cesse de réprimer les défenseurs des droits de l’Homme ;

– Autorise l’émergence d’une véritable société civile, avec des syndicats, des associations et des communautés religieuses véritablement libres ;

– Revoie ses programmes scolaires pour former les élèves à l’esprit critique, à l’ouverture sur le monde et à la promotion des droits de l’Homme universels.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les experts, je vous remercie.

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