PARIS, 10 octobre 2011 (COMITE VIETNAM) – Alors que les abolitionnistes du monde célèbrent la IXe Journée Mondiale contre la Peine de Mort sur le thème de « l’inhumanité de la peine de mort », Quê Me : Action pour la Démocratie au Vietnam et le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme en appellent à l’abolition de la peine capitale en République Socialiste du Vietnam.
« La peine capitale est une violation du droit à la vie proclamé dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme », a dit Vo Van Ai, Président de Quê Me. « En outre, elle devient particulièrement dangereuse dans un Etat à Parti unique comme le Vietnam, où la Justice est subordonnée au Parti Communiste et où les citoyens peuvent être condamnés à mort sous prétexte de crimes contre la « sécurité nationale » pour simplement avoir milité pour la démocratie ou les droits de l’Homme ».
Le Vietnam rend une centaine de décisions de condamnations à mort chaque année, la plupart concerne des affaires de traffic de drogue, selon les informations trouvées dans la presse officielle. Celle-ci vient de faire état de trois condamnations à mort pour traffic d’héroïne dans la province de Lao Cai, le 5 octobre 2011. Les chiffres réels restent toutefois inaccessibles. En 2004, à la suite des condamnations internationales contre le recours trop fréquent à la peine de mort au Vietnam, le gouvernement a adopté un décret classant les statistiques sur les peines de mort et les exécutions dans les « secrets d’Etat ».
« Le Vietnam continue d’exécuter ses citoyens » continue Vo Van Ai, « mais il proclame maintenant que les exécutions sont « plus humaines ». Au mois de juillet 2011, copiant le modèle chinois — comme il le fait pour la censure sur internet et la répression contre les dissidents —, le Vietnam a adopté une nouvelle législation sur les exécutions, celles-ci se faisant dès lors par injection létale et non plus par peloton d’exécution. La nouvelle loi autorise également les proches des condamnés à récupérer le corps pour procéder à l’inhumation. Le directeur pénitentiaire à la retraite Nguyen Duc Minh justifie ce changement ainsi : « l’injection létale sera moins douloureuse et les corps des prisonniers exécutés resteront intacts, ce qui réduira la pression psychologique sur les bourreaux ». Selon les médias d’Etat, de nombreux policiers souffrent de traumatisme après avoir dû exécuter un condamné.
M. Ai presse le Vietnam de signer le Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort dès que possible, et d’appliquer immédiatement un moratoire comme première étape vers l’abolition de la peine de mort au Vietnam.
Contexte : Vingt-deux crimes du Code pénal vietnamien sont passibles de la peine de mort, dont sept relèvent de la « sécurité nationale » comme la trahison, les activités visant à renverser le gouvernement, l’espionnage, le banditisme, le terrorisme, la menace contre la paix, etc.. La définition des crimes contre la « sécurité nationale » restent extrêmement vagues et les Nations Unies expriment fréquemment leur inquiétude que des personnes qui ne font qu’exercer leur droit pacifique à la liberté d’expression soient condamnées à mort sous l’empire de ces incriminations.
Par exemple, le crime d’« espionnage » (article 80 du Code pénal) sanctionne des actes non-politiques comme le fait de « rassembler ou fournir des informations et autres matériaux [c’est-à-dire qui ne sont pas des secrets d’Etat] pour qu’ils soient utilisés par des pays étrangers contre la République Socialiste du Vietnam ». Les cyberdissidents et les blogueurs peuvent ainsi être condamnés à mort du simple fait de faire circuler à l’étranger des points de vue d’opposition.
L’article 79 du Code pénal prévoit la peine de mort pour les personnes qui « établissent ou rejoignent des organisations avec l’intention de renverser l’administration du peuple… ou causent des conséquences sérieuses… » (c’est nous qui soulignons). Les dissidents peuvent donc être condamnés à mort du seul fait de l’« intention » de changer le gouvernement ou de former des mouvements d’opposition. En janvier 2010, des militants pro-démocratie, comprenant l’avocat des droits de l’Homme Le Cong Dinh, Le Thanh Long, Tran Huynh Duy Thuc et Nguyen Tien Trung, ont été condamnés sous l’empire de l’article 79 pour avoir promu pacifiquement la démocratie. Leurs peines s’échelonnent de 5 à 16 ans d’emprisonnement.