HANOI, 2 juillet 2006 (AFP) – Un décret sur la presse entré en vigueur samedi au Vietnam suscite de vives questions sur la façon dont le régime communiste entend gérer des médias certes sous contrôle, mais qui ont montré ces derniers mois de fortes velléités d’indépendance.
Le décret relatif aux “Sanctions administratives des activités de l’Information et de la Culture” regroupe un ensemble de dispositions jusqu’ici éparpillées dans plusieurs lois.
Long de cinq chapitres et 77 articles, il prévoit des amendes allant jusqu’à 70 millions de dongs (4.375 dollars).
Il permet de sanctionner des informations qui “violent les traditions culturelles” ou contiennent des éléments “nocifs” ou “superstitieux”, ainsi que toute publication de “secrets du Parti, de l’Etat, de l’armée, de la sécurité, de l’économie, de la diplomatie et d’autres secrets définis par la loi”.
Il vise aussi ce qui “déforme la vérité historique, dénie les acquis révolutionnaires, porte atteinte à la Nation, aux grands hommes et héros nationaux, calomnie et porte atteinte au prestige des services et organisations”.
Hanoï se défend d’une volonté répressive. Le décret “ne vise pas à limiter les activités de la presse mais à assurer que ses activités soient en accord avec la loi”, a indiqué à l’Agence vietnamienne d’information (AVI) le vice-ministre de la Culture, Do Qui Doan.
Le texte comporte des articles qui défendent les médias. Des amendes jusqu’à 10 millions de dongs (625 dollars) sont prévues contre quiconque profère des menaces de mort contre un journaliste.
Mais pour les opposants au régime, il permet de punir les journalistes avec des dispositions très vagues.
Selon le Comité Vietnam pour les droits de l’homme, basé à Paris, le texte “impose un contrôle strict sur les journalistes vietnamiens, réduisant sévèrement la liberté d’expression et la portée du journalisme d’investigation”.
Le décret intervient alors que la presse a été très active à dénoncer cette année un scandale de détournements de millions de dollars au sein du ministère des Transports, qui a ébranlé le sommet de l’Etat jusqu’au congrès du Parti communiste vietnamien (PCV), en avril.
Les analystes soulignent que l’affaire n’a pu être révélée au public sans le feu vert du pouvoir. Mais il semble que les journalistes aient conquis pendant quelques semaines une liberté d’action inhabituelle.
Depuis le congrès en revanche, la réserve a repris le dessus et l’affaire a disparu de la Une des journaux.
Le décret, signé par l’ex-Premier ministre Phan Van Khai, sera mis en oeuvre par son successeur Nguyen Tan Dung, un réformateur sur le plan économique aussi connu pour son orthodoxie idéologique et sa carrière dans l’armée et la police.
“Il y a un nouveau gouvernement qui a promis des réformes économiques mais pas politiques. Il faut attendre de voir comment ce décret va être appliqué”, estime un observateur étranger.
“Dung n’est pas un mou. Mais ce décret pourrait aussi n’être que le coup de fouet au sol du dompteur qui veut impressionner ses tigres. La presse va peut-être rester prudente pendant six mois puis recommencer”, espère-t-il.
Un diplomate étranger confirmait en tout cas une certaine tension dans la presse. “L’ambiance chez les journalistes est très morose. Sur le plan politique, c’est le tour de vis”, estimait-il.
Prête à faire des réformes économiques pour l’entrée du Vietnam dans l’Organisation mondiale du commerce, la nouvelle équipe n’a rien dévoilé de ses projets politiques.
“On a la sensation du maintien de la ligne politique vis-à-vis de la presse,” ajoutait le diplomate. “Est-ce que la nouvelle génération (de dirigeants) va se débarrasser des aspects les plus choquants du régime ? On ne sait pas”.