PARIS, 1er juin 2006 (BIIB) – Le Bureau International d’Information Bouddhiste (BIIB) vient de recevoir des informations urgentes selon lesquelles la Sécurité a expulsé la nonne bouddhiste Thich Nu Thong Man et tous ses novices de sa pagode Dich Quang, dans le district de Ninh Hoa, dans la province centrale de Khanh Hoa. M. Nguyen Van Ba, chef des autorités locales du village, a sommé la nonne de quitter la pagode aujourd’hui, 1er juin à 18 heures (heure locale).
La Sécurité vietnamienne accuse Thich Nu Thong Man de “troubler l’ordre public” et de ne pas avoir de permis de résidence. Pourtant Thich Nu Thong Man est la Nonne Supérieure de la Pagode Dich Quang depuis 10 ans et sa pagode a été officiellement inaugurée au mois de février 2005, en présence des cadres locaux du Parti Communistes et du Bureau des Affaires Religieuses.
En réalité, Thich Nu Thong Man est la cible d’incessants harcèlements, menaces, “sessions de dénonciation publique” et répression policière depuis décembre 2005, lorsqu’elle est devenue membre du Comité Représentatif de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, indépendante, arbitrairement interdite en 1981) de la province de Khanh Hoa (voir le communiqué du BIIB du 13 mars 2006). Le Bureau des Affaires religieuses local et la Sécurité accusent ainsi Thich Nu Thong Man de “commettre des actes frauduleux en étant membre de l’Eglise Bouddhique Unifiée, en violation de la Charte du Sangha Bouddhiste du Vietnam [Eglise d’Etat] et des lois de la République Socialiste du Vietnam”. Ils lui ont ordonné de quitter le Comité Représentatif provincial de l’EBUV et de rompre tout contact avec l’EBUV, mais Thich Nu Thong Man a systématiquement refusé de se plier à ces injonctions.
Afin de la forcer à quitter la pagode, les autorités pratiquent l’intimidation. Ainsi, durant la nuit du 28 au 29 mai 2006, un gang de 10 jeunes gens ont fait irruption sur le domaine de la Pagode Dich Quang, vandalisant tout sur leur passage, criant des injures et donnant de violents coups contre les portes. Terrifiée, la nonne Thich Nu Thong Man a appelé aux secours les bouddhistes du village par téléphone portable. Les fidèles bouddhistes ont réussi à arrêter un des jeunes et Thich Nu Thong Man a porté plainte auprès de la police et des autorités locales, mais aucune suite n’a été donnée. Au contraire, le lendemain (29 mai 2006), le chef du Bureau des Affaires Religieuses local, M. Lac, a convoqué les bouddhistes de sa congrégation et les a informés que les vandales agissaient sur ordre du chef des autorités communistes locales et “continueront ces actes de sabotage jusqu’à ce que Thich Nu Thong Man parte”. Les agents de la Sécurité ont également menacé les parents des jeunes novices de la Pagode Dich Quang des “graves conséquences” qu’ils encouraient s’ils ne les pressaient pas de quitter la pagode.
Thich Nu Thong Manh a déclaré au BIIB, par téléphone, qu’elle n’avait commis aucun crime et qu’elle restait attachée à l’EBUV. Elle a cependant indiqué qu’elle avait décidé de quitter la Pagode Dich Quang car elle était trop effrayée pour rester. La Sécurité fait régulièrement des irruptions nocturnes dans sa pagode pour des “contrôles d’identité” ainsi que des injures ou menaces téléphoniques, a-t-elle rapporté. Avec les récentes violences, elle craint pour sa vie si elle et ses novices ne quittent pas la pagode.
Le Vénérable Thich Tam Tri, Chef du Comité Représentatif de l’EBUV de la province de Khanh Hoa, a envoyé deux lettres (les 30 mai et 31 mai 2006) au Vénérable Thich Quang Do, deuxième dignitaire de l’EBUV et Directeur de l’exécutif de l’EBUV (Vien Hoa Dao), pour l’informer de cette répression. Il y dit que Thich Nu Thong Man a été visée par ces persécutions particulièrement dures à cause de son attachement très fort à l’EBUV. Pendant plus d’une décennie (1980-90), elle rendait visite de façon régulière au Patriarche Thich Huyen Quang et à Thich Quang Do dans leur exil intérieur dans les provinces respectivement de Quang Ngai et Thai Binh, et apportait des colis de nourriture aux dignitaires de l’EBUV détenus dans les camps de rééducation A20 à Xuan Phuoc (Phu Yen), Z30A à Xuan Loc (Dong Nai) et la prison de Ba Sao (Nam Ha).
Le cas de Thich Nu Thong Man n’est qu’un exemple de la répression systématique du Vietnam contre les membres des 13 Comités Représentatifs provinciaux de l’EBUV, créés depuis juillet 2005 pour défendre les droits fondamentaux des habitants des provinces pauvres du centre et du sud du pays. Le gouvernement a déclaré ces Comité “illégaux” et soumis ses membres aux harcèlements et interrogatoires continuels de la police. Ils sont accusés de “s’engager dans des activité politiques”, de “comploter pour renverser le gouvernement” et de “défendre la démocratie et le pluralisme”.
Le bonze de l’EBUV Thich Chon Tam, Président du Comité Représentatif de l’EBUV pour la province d’An Giang et Commissaire de l’EBUV pour l’Education, est lui aussi systématiquement harcelé depuis plus de 6 mois pour son appartenance au Comité. Au mois de mai 2006, M. Ha Minh San, Directeur adjoint du Département de la Propagande et de la Mobilisation du Parti Communiste local, lui a offert 4,8 millions de dongs par an (environ 320 dollars US) pour qu’il devienne un informateur du Parti Communiste sur les activités de l’EBUV. Il s’agit là d’une somme énorme dans un pays où le salaire moyen annuel d’un ouvrier est de 264 dollars US. Alors que Thich Chon Tam refusait, M. San l’a interrompu : “Ne soyez pas gêné de prendre cet argent. Vous ne serez pas le seul à faire ça. Nous avons nos informateurs dans toutes les autres communautés religieuses…”