PARIS, 6 juin 2011 (BIIB) – L’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, arbitrairement interdite depuis 1981) a informé le Bureau International d’Information Bouddhiste (BIIB) à Paris que la Sécurité de Saigon avait bouclé toutes les pagodes de l’EBUV de Saigon durant toute la journée de dimanche (5 juin 2011) et empêché le Vénérable Thich Quang Do et les bonzes de l’EBUV de répondre à l’appel lancé par la jeunesse vietnamienne de manifester pacifiquement devant le Consulat chinois, sis 39 rue Nguyen Thi Minh Khai, dès 8h00 du matin.
La manifestation était organisée par les jeunes et les étudiants qui ont utilisé l’internet et les téléphones portables pour appeler à soutenir leur protestation non-violente contre l’incursion chinoise dans les eaux et les territoires vietnamiens, en particulier la récente attaque des patrouilleurs chinois contre un navire d’exploration appartenant à la Compagnie pétrolière nationale PetroVietnam, qui menait des tests sismiques dans les eaux surjacentes au plateau continental, à environ 120 miles nautiques de la côte de Phu Yen. Les patrouilleurs chinois avaient harcelé les navires vietnamiens, coupant notamment un des câbles qu’ils avaient tendus.
Policiers en civil et en uniforme se rassemblant devant le Monastère Zen Thanh Minh, à l’aube
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Policiers à l’extérieur du Monastère Zen Thanh Minh
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Le Vénérable Thich Quang Do avait prévu de se rendre à la manifestation à 7h30, dimanche matin, mais à l’aube, des dizaines de policiers en uniforme et en civil se sont déployés autour du Monastère Zen Thanh Minh, à Saigon, où le dissident et chef de l’EBUV est assigné de fait à résidence. Plusieurs policiers sont entrés dans la pagode pour scruter tous les mouvements. Six officiers de la Sécurité en uniforme ont ordonné aux bonzes d’aller chercher Thich Quang Do dans sa chambre et de le mener à l’étage pour une « session de travail » (interrogatoire). Thich Quang Do a fait transmettre son refus de les rencontrer à moins qu’ils ne présentent un mandat.
A 7h00, un bonze de l’EBUV est arrivé en taxi afin d’amener Thich Quang Do à la manifestation. La Sécurité l’a immédiatement renvoyé et interdit à Thich Quang Do ainsi qu’à tous les autres bonzes de quitter les lieux. Les policiers sont demeurés autour du Monastère toute la journée et toute la nuit, et ne sont partis qu’au matin du 6 juin.
Les pagodes de l’EBUV dans toute la ville ont été soumises au même blocus et les bonzes de l’EBUV ont été systématiquement interceptés quand ils tentaient de quitter leurs pagodes pour rejoindre la manifestation. A la Pagode Giac Hoa, dans l’arrondissement Binh Thanh, le Vénérable Thich Vien Dinh, Bonze Supérieur et Secrétaire général de l’EBUV, a ainsi été stoppé par la police alors qu’il appelait un taxi avec d’autres bonzes, puis reconduit dans sa pagode. Il a de nouveau tenté, un peu plus tard, de partir mais a encore une fois été intercepté et forcé par les policiers de rester dans sa pagode. La police lui a indiqué : « L’incident de la Mer de Chine, c’est le problème du gouvernement. Le peuple n’a aucun droit d’interférer. C’est contre nos principes, et en plus, cela peut ruiner les relations diplomatiques ».
Le Vénérable Thich Quang Do a rapporté par téléphone avec le Directeur du BIIB Vo Van Ai, ce matin : « Je suis un bonze, mais je suis également un citoyen du Vietnam. Lorsque notre souveraineté est bafouée et que nos terres sont perdues, nul ne peut rester sans rien faire. Je suis âgé mais je suis heureux de voir nos jeunes gens prendre soin de notre patrie. Ils ont appelé à cette protestation pour réveiller la conscience publique sur la menace des incursions chinoises. C’est pourquoi je voulais leur apporter mon soutien, comme l’ont fait de nombreux bonzes de l’EBUV. Qui aurait cru que le Vietnam ordonnerait à sa police de réprimer le patriotisme de son propre peuple ? »
Le Vénérable Thich Quang Do a également appelé les Vietnamiens de toutes les familles politiques et religieuses à former une « Alliance contre les empiètements de la Chine » afin de presser le gouvernement du Vietnam de prendre des mesures plus fermes dans ses relations avec la Chine et de s’opposer aux incursions de la Chine sur les territoires disputés, y compris les îles Paracel et Spratley.
Du troisième à gauche à droite : Nguyen Dinh Dau (90 ans) ; l’ancien Chef-adjoint du Front de la Patrie de Ho Chi Minh Ville Le Hieu Dang ; le poète Do Trung Quan ; le journaliste Nguyen Quoc Thai ; Mme Tran Tu Van Anh ; Andre Menras Ho Cuong Quyet et Huynh Tan Mam
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Au moins 1000 personnes se sont jointes à cette rare manifestation de protestation à Saigon, certains ayant parcouru plusieurs centaines de kilomètres depuis les provinces du Centre du pays. Aux côtés des étudiants et des jeunes, se trouvaient nombre de vétérans du Parti Communiste, de membres de l’ancien Front de Libération Nationale sud-vietnamien (FLN) et d’autres personnalités connues, dont Huynh Tan Mam, ancien Président de l’Union des Etudiants de Saigon (avant 1975), Le Hieu Dang, ancien Chef-adjoint du Front de la Patrie de Ho Chi Minh Ville, le Professeur de Hanoi Tuong Lai, les poètes Nguyen Duy et Do Trung Quan, le blogueur Osin Huy Duc, l’intellectuel catholique de 90 ans Nguyen Dinh Dau, et André Menras Ho Cuong Quyet, un Français naturalisé vietnamien qui, il y a 30 ans, avait fait flotter le drapeau du FLN sur le Mémorial de la Marine devant l’Assemblée Nationale du Sud-Vietnam. Sur une pancarte en vietnamien, M. Menras avait inscrit : « En tant que citoyen franco-vietnamien, j’en appelle à la Chine de cesser sa politique agressive et expansionniste : Paix et Justice pour les îles Paracel et Spratley ».
Un des membres de ce groupe de personnalités, Do Trung Quan, a décrit les échanges verbaux entre les manifestants et la police. Lorsqu’un officier de la Sécurité a ordonné aux manifestants de se disperser « dans le respect de la loi », M. Cao Lap, un vétéran de la Révolution qui a passé plusieurs années dans la prison de Con Dao pour fait de résistance contre les Français, a rétorqué : « La loi devrait protéger le Vietnam et son peuple, pas les Chinois ! » Le Hieu Dang demandait quant à lui au policier : « De quel côté êtes-vous, de la Chine ou du Vietnam ? » Arrivé à un certain point, ce groupe a été invité à débattre au siège de l’Union de la Jeunesse Communiste, sis 1 rue Pham Ngoc Thach, juste en face du Consulat chinois. Lorsque les cadres du Mouvement de la Jeunnesse Communiste ont appelé à cesser la manifestation de protestation, Huynh Tan Mam a répliqué : « Nous nous sommes levés. Si les autorités prennent compte de nos préoccupations, nous les soutiendrons. Sinon, nous continuerons à protester ».