PARIS, 12 mars 2016 (VCHR) – La Sécurité de la ville de Huế (Centre du Vietnam) se prépare à expulser de force le chef du Mouvement Bouddhiste de la Jeunesse (MBJ) Lê Công Cầu de son domicile du fait de son soutien à l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV), l’Eglise historique non-reconnue par le régime vietnamien.
Lê Công Cầu a informé le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (VCHR) que la Sécurité le forçait à quitter son appartement sis 154 rue Phan Bội Châu Street, à Huế, où il vit depuis 13 ans. Il fait l’objet de menaces, de harcèlements et d’interrogatoires depuis plus d’un mois. Son propriétaire a été victime d’actes d’intimidation de la part de la police et des bandes de voyous à sa solde ainsi que des agents en civil ont menacé Lê Công Cầu de venir vider son appartement et jeter tous ses biens dans la rue s’il ne quittait pas les lieux immédiatement.
Lors d’une récente « session de travail » (interrogatoire dans le jargon de la Sécurité), qui a eu lieu au poste de police du district de Trường An, le 9 mars dernier, les policiers ont dit à Lê Công Cầu qu’ils l’expulsaient (a) car il soutenait l’EBUV qui est considéré comme une « organisation illégale » et (b) parce que, depuis deux ans, du fait de sa présence, la police de ce district avait perdu son statut de « porte-drapeau » dans le cadre de la « campagne d’émulation » du gouvernement. Perdre ce statut ne constitue pas seulement une atteinte au prestige mais également une perte de primes et de privilèges pour la police locale.
« Le Parti communiste prétend que les agents de la Sécurité sont les « serviteurs du peuple ». Mais, de façon routinière, ils abusent de leurs pouvoirs pour intimider et réprimer les citoyens », a dit le Président Võ Văn Ái. « Le Vietnam devrait mettre un terme aux harcèlements contre Lê Công Cầu et contre tous ceux qui ne font que presser les autorités de respecter les droits et libertés garantis par la Constitution ».
Lê Công Cầu a rapporté que les harcèlements ont commencé au début du mois de février, durant les festivités du Nouvel An Lunaire. La police avait alors convoqué son propriétaire et exigé qu’il mît fin au bail de Lê Công Cầu. Le propriétaire a d’abord refusé car Lê Công Cầu payait son loyer en temps et en heure et ne posait aucun problème. Les policiers ont alors accru les pressions, soumettant le propriétaire à des « sessions de travail » répétées pour finalement menacer de couper l’eau et l’électricité dans son immeuble s’il n’expulsait pas Lê Công Cầu.
Comprenant la situation délicate dans laquelle se trouvait son propriétaire, Lê Công Cầu a trouvé un autre appartement pour lequel il a signé un contrat de bail et payé un acompte. Cependant, lorsque le nouveau bailleur s’est rendu au poste de police pour obtenir le Permis de Résidence Temporaire obligatoire au nom de son futur locataire Lê Công Cầu, il s’est heurté au refus des policiers. Le même scénario s’est reproduit pour cinq autres appartements à louer. A chaque fois, le dossier de Lê Công Cầu est d’abord accepté puis rejeté, et il est clair qu’il est sur la liste noire de la police et ne pourra trouver de résidence dans aucun des districts de Huế.
Lê Công Cầu a envoyé, le 7 mars, une lettre de protestation aux autorités provinciales de Huế et à la Sécurité, avec copie au Président du VCHR Võ Văn Ái, pour dénoncer les harcèlements illégaux des policiers qui violent l’article 22 de la Constitution révisée en 2013, qui garantit que « le citoyen a le droit d’avoir un domicile légal : Chacun jouit de l’inviolabilité de son domicile » et l’article 23 qui garantit le droit à la liberté de se déplacer et de fixer résidence. Il demande à ce que soit respecté son droit de demeurer à son actuel appartement. Dans sa lettre, Lê Công Cầu se plaint également du fait qu’il a été, depuis des années, l’objet de « centaines d’interrogatoires » à cause son soutien à l’EBUV indépendante. Il affirme cependant que les persécutions ne le feront jamais renoncer à sa fidélité à l’EBUV et à chef, le Très Vénérable Thích Quảng Độ.
Le traitement arbitraire dont est victime Lê Công Cầu est typique des harcèlements, actes d’intimidation, agressions physiques et détentions systématiques auxquels doivent faire face les fidèles des mouvements religieux « non-reconnus », les défenseurs des droits de l’Homme, les blogueurs et les activistes au Vietnam. Ces dernières années, pour éviter la mise à l’index international, le Vietnam a renoncé aux grands procès politiques et a privilégié une répression sourde faite d’agressions et de harcèlements contre les dissidents.
« Le Vietnam siège au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU et cherche à renforcer ses liens avec la communauté internationale, mais à l’intérieur, il maintient un climat de peur qui vise à étouffer les voix de la société civile qu’il n’arrive pas à contrôler », a dit Võ Văn Ái.
Le VCHR a transmis le cas de Lê Công Cầu au Haut-Commissariat des Droits de l’Homme de l’ONU (OHCHR) à Genève.