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Le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme condamne le nouvel assaut contre la liberté d’expression et de religion au Vietnam (59ème session de la Commission des Droits de l’Homme)

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Devant la 59ème session de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU, M. Vo Van Ai, Président du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme et Vice-Président de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), a salué la rencontre de Thich Huyen Quang avec le Premier ministre Phan Van Khai, après 21 ans de détention, le 2 avril 2003 à Hanoi. Il a toutefois condamné les deux décennies de détention sans procès du Patriarche de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, indépendante, interdite depuis 1981), détention qui a repris dès le 7 avril au soir.

Le Patriarche Thich Huyen Quang, aujourd’hui âgé de 86 ans, avait été exceptionnellement autorisé à se rendre à Hanoi pour être opéré pour une tumeur. Les autorités vietnamiennes avaient alors fait une large publicité à sa rencontre avec le Premier ministre. Cette entrevue suivait d’une part, la présentation du rapport du Département d’Etat américain sur les droits de l’Homme, le 31 mars 2003, qui était d’une particulière sévérité pour le Vietnam cette année, et d’autre part, l’examen par le Congrès américain d’une proposition de loi sur les droits de l’Homme au Vietnam.

Avant de retourner dans sa cabane de détention, dans la province reculée de Quang Ngai, Thich Huyen Quang a pu effectuer une visite des principales pagodes de Hue (centre du Vietnam) où il a été accueilli très chaleureusement par deux mille bouddhistes tant de l’EBUV que de l’Eglise Bouddhique du Vietnam (EBV, Eglise d’Etat). C’est cet enthousiasme populaire pour le Patriarche qui a poussé les autorités de la ville à couper les lignes téléphoniques de toutes les pagodes de Hue et à faire pression sur le Patriarche pour qu’il regagne au plus vite la province de Quang Ngai.

Evoquant le cas du numéro deux de l’EBUV Thich Quang Do, incarcéré incommunicado dans sa pagode, le Monastère Zen Thanh Minh à Ho Chi Minh Ville, en « détention administrative  » depuis près de 2 ans, M. Vo Van Ai a averti : « Le gouvernement doit libérer immédiatement le Patriarche Thich Huyen Quang et le Vénérable Thich Quang Do, sans quoi la rencontre avec le Premier ministre n’aura été qu’un simple geste cosmétique visant à endormir les Bouddhistes et à tromper de la communauté internationale ». Condamné sans procès à 2 ans de « détention administrative » en 2001, Thich Quang Do doit être relâché le 1er juin prochain. « Ce sera le degré de liberté dont il jouira après qui révélera si la rencontre en le Patriarche Thich Huyen Quang et le Premier ministre Phan Van Khai est un tournant ou non » a ajouté M. Ai.

Toutefois, M. Vo Van Ai s’est montré très inquiet car ce geste du Premier ministre vietnamien intervient alors que les autorités de Hanoi se sont lancées dans l’une des plus féroce campagne de répression contre les défenseurs vietnamiens des droits de l’Homme. Outre les deux cas précités, le Vietnam a inauguré une nouvelle politique d’étouffement de la liberté d’expression en invoquant « systématiquement ‘l’espionnage’ pour détenir les opposants pacifiques et pour briser la dissidence politique et religieuse ». « En supprimant cyniquement le droit à la liberté d’expression, le Vietnam se moque de ses responsabilités de membre de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU et viole ses obligations internationales en tant qu’Etat partie aux pactes internationaux relatif aux droits de l’Homme » a dit Vo Van Ai.

L’espionnage, inscrit à l’article 80 du Code pénal vietnamien, est une charge extrêmement grave, punie de peine allant de 12 ans d’emprisonnement à la peine capitale. Cette incrimination fait partie des « atteintes à la sécurité nationale » qui sont régulièrement utilisées pour emprisonner les dissidents. Le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU avait fermement condamné, lors de sa 75ème session, en juillet 2002, la législation « fourre-tout » concernant la « sécurité nationale » comme étant « excessivement vague et incompatible avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ».

De nombreux dissidents ont été arrêtés et convaincus d’espionnage pour le simple fait d’avoir utilisé l’internet pour faire circuler leurs points de vue. M. Ai a condamné la récente arrestation du Dr Nguyen Dan Que à Ho Chi Minh Ville, le 17 mars 2003. Le Dr Que, qui a déjà passé 18 années en prison pour avoir demandé des réformes politiques, a été appréhendé en dehors de son domicile alors qu’il se préparait, selon les autorités vietnamiennes, à envoyer des informations à l’étranger dans un cybercafé. Il a été inculpé sous l’article 80 et risque d’être condamné à une peine très sévère. Sa famille n’a pu lui rendre visite depuis son arrestation.

L’éminent vétéran communiste, ancien colonel de l’Armée du Peuple et historien militaire réputé, Pham Que Duong, 71 ans, a également été accusé pour espionnage. Arrêté le 29 décembre 2002, Pham Que Duong était déjà victime de harcèlement et de surveillance policière depuis qu’il avait rendu sa carte du Parti Communiste en 1999 et qu’il avait demandé l’autorisation de fonder une association anti-corruption indépendante, avec le dissident Tran Khue, en 2001. Il s’était présenté aux élections législatives l’an dernier, mais sa candidature avait été rejetée parce qu’il était considéré comme un « élément perturbateur ». Tran Khue, chercheur à l’Institut des Sciences Sociales de Ho Chi Minh Ville, a lui aussi été arrêté le 30 décembre 2002 et attend son procès.

D’autres « cyberdissidents » ont été emprisonnés lors de cette vague de répression, comme Nguyen Khac Toan, condamné à 12 ans d’emprisonnement, en décembre 2002, pour avoir envoyé à l’étranger des copies de plaintes de paysans contre les confiscations de terres par l’Etat. Il a fait appel, mais la seconde instance a confirmé le jugement lors d’un procès à huis-clos, le 2 avril 2003, à Hanoi. Le Chi Quang, juriste de 32 ans, a quant à lui été condamné à 4 ans de prison, en novembre 2002, pour avoir fait de la « propagande contre l’Etat » en demandant « le pluralisme et le système multiparti », l’abolition de l’article 4 de la Constitution vietnamienne de 1992 (sur le monopole politique du Parti Communiste Vietnamien). Le Dr Pham Hong Son, arrêté en mars 2002 pour avoir traduit un article sur la démocratie présente sur le site internet de l’ambassade américaine au Vietnam, est également poursuivi pour « espionnage » sous l’article 80. Il attend son procès à la Prison B14, près de Hanoi. La répression a aussi touché les prisonniers religieux comme deux neveux et une nièce du Père Nguyen Van Ly, un prêtre catholique condamné à 15 ans d’emprisonnement en octobre 2001. Les trois neveux et nièce sont poursuivis pour espionnage sous l’article 80 pour avoir fourni des informations concernant leur oncle à l’étranger.

Dans une Communication écrite à la Commission des Droits de l’Homme (réf. E/CN.4/2003/NGO/234 du 17 mars 2003), M. Vo Van Ai a également alerté les Nations Unies sur les efforts continus du Vietnam pour supprimer les libertés fondamentales en introduisant des textes législatifs et réglementaires restreignant les droits de l’Homme. La Décision 28, adoptée le 21 novembre 2002 par le Ministère de l’Information et la Culture, porte un coup très sérieux à la liberté de presse en soumettant les organisations étrangères opérant au Vietnam à la censure et au contrôle de l’Etat. Toutes les représentations diplomatiques, les ONG internationales et entreprises étrangères (y compris les agences de presse) devront soumettre leurs publications, dont les communiqués de presse et les nouvelles publiées sur leurs sites internet, à l’approbation des autorités communistes.

Un nouveau décret restreignant le droit de manifester pacifiquement est quant à lui en préparation selon le quotidien officiel « Lao Dong » (Travail, 13 janvier 2003). Le décret devrait inclure des dispositions « interdisant les rassemblements devant les résidences de hauts responsables du Parti et du gouvernement » et sanctionnant les personnes « utilisant les plaintes et les pétitions » pour pousser les gens à manifester. Ce projet, qui est complètement incompatible avec l’article 25 PIDCP, constitue la suite logique des remarques du Secrétaire général du Parti Communiste Nong Duc Manh devant les protestations des paysans contre la confiscation de leurs terres par l’Etat. M. Manh avait alors dit que « le fait que des gens se rassemblent avec des pancartes est anormal » et que la démocratie vietnamienne était « dans bien des cas excessive ».

M. Vo Van Ai a appelé les membres des Nations Unies et les donateurs internationaux de geler les financements du programme décennale de réforme législative (Legal Reform Strategy) tant que le Vietnam n’aura pas conformé sa législation avec les normes internationales des droits de l’Homme et mis en œuvre les recommandations du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU d’abroger toutes les législations restreignant l’exercice pacifique des libertés civiles et des droits politiques.

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