PARIS, 12 mai 2014 (BIIB) – Le Bureau International d’Information Bouddhiste vient de recevoir une communication urgente du Très Vénérable Thich Quang Do, Patriarche Suprême de l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV), envoyée clandestinement depuis le Monastère Zen Thanh Minh à Ho Chi Minh Ville, où il est de facto assigné à résidence. Profondément troublé par le récent déploiement de la plateforme pétrolière géante en face des côtes vietnamiennes, le dignitaire bouddhiste, qui a été proposé pour le Prix Nobel de la Paix 2014, a appelé la Chine à mettre un terme à ses violations de la souveraineté vietnamienne, et a pressé le gouvernement et le Parti Communiste vietnamiens à s’engager dans un processus de démocratisation pour permettre aux citoyens vietnamiens de participer en toute égalité à la défense de leur pays.
Pour Thich Quang Do (86 ans), il ne s’agit ici que du dernier épisode d’une série de violations de plus en plus effrontées de la souveraineté vietnamienne par le voisin du nord. Thich Quang Do a été parmi les premiers à alerter l’opinion internationale sur les graves dangers de l’influence chinoise au Vietnam. Il a ainsi dénoncé les menaces contre l’environnement et la sécurité par l’afflux de milliers d’ouvriers chinois pour l’exploitation de la bauxite sur les Hauts-Plateaux du Centre en 2007 ; la location à la Chine pour 50 ans des régions forestières le long de la frontière septentrionale ; la capture et le meurtre des pêcheurs vietnamiens ; ou l’établissement par Beijing de la « Ville de Sansha » sur les îles Paracels comme centre administratif et militaire en Mer de Chine, en 2012.
Dans sa Déclaration, lancée au nom de l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam, Thich Quang Do appelle également les Bouddhistes de Chine à manifester leur solidarité avec le peuple vietnamien en pressant les autorités de Beijing à « reconnaître que tous les Hommes sont des frères et à changer sa politique expansionniste pour s’engager avec le Vietnam dans une relation de renforcement mutuel, d’interdépendance et de compréhension et respect mutuels ».
par l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam
sur l’empiètement chinois sur les eaux territoriales vietnamiennes
Au début du mois de mai 2014, la Chine a déplacé une plateforme géante de forage pétrolier en eau profonde, la plateforme Haiyang 981, du nord-ouest de l’île Triton dans les îles Paracels vers la Zone Économique Exclusive du Vietnam. Elle est maintenant ancrée à juste 120 miles nautiques de la côte vietnamienne, en violation de la Zone Économique Exclusive du Vietnam. Des dizaines de navires chinois ont été déployés pour protéger Haiyang 981, dont des navires de guerre comme le Giang Ho II lance-missiles et des patrouilleurs à grande vitesse Type 534, et des douzaines d’avions de combat patrouillent dans le ciel. Les navires chinois ont percuté les navires des garde-côtes vietnamiens, causant de nombreux blessés et dommages.
Il s’agit d’une violation délibérée et effrontée de la souveraineté du Vietnam, un empiètement sur sa Zone Économique Exclusive et son plateau continental, et une dénonciation de l’accord sur la conduite des parties en Mer de l’Est (DOC) (1), signé entre la Chine et les pays de l’ANASE.
Alarmée par ces graves menaces contre notre pays et émue par les profonds outrages dont sont victimes les Vietnamiens dans le pays et à l’étranger, l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam a convenu d’une réunion d’urgence et y a adopté la déclaration en trois points suivante :
1. Nous en appelons au gouvernement de la République Socialiste du Vietnam et au Parti Communiste de prendre exemple sur nos ancêtres des dynasties Dinh, Lê antérieurs, Ly, Tran et Lê postérieurs pour adopter des mesures résolues afin de protéger la souveraineté nationale. Dans une perspective politique moderne, ce devrait inclure des choix énergiques en politique étrangère et en politique intérieure :
a/ la politique étrangèe : Le Vietnam devrait immédiatement porter la question des violations chinoises devant les Nations Unies sur la base de la Convention de l’ONU sur le droit de la mer ;
– Le Vietnam devrait en appeler à l’ANASE pour exiger des discussions multilatérales afin de résoudre les litiges en Mer de l’Est plutôt que des discussions bilatérales exigée par la Chine ; et presser les nations de l’ANASE de faire front ensemble et trouver un consensus régional pour résister aux empiètements chinois dans leurs eaux ;
b/ la politique intérieure : Le Vietnam doit abolir l’article 4 de la Constitution [sur le monopole politique du Parti Communiste] afin que tous les Vietnamiens, y compris les partis politiques non-communistes et les communautés religieuses, puissent prendre part sur un pied d’égalité au mouvement pour contenir l’agression étrangère et protéger l’intégrité nationale ;
Le gouvernement vietnamien et le Parti Communiste ne peuvent pas persister à obéir aux ordres trompeurs de leur suzerains communistes chinois de « mettre de côté les différences et récolter les bénéfices [de la Mer de l’Est] ensemble » selon la devise chinoise des « 16 mots d’or et 4 règles de bonne relation ». Vous ne pouvez pas, au nom de la « grande cause » du Communisme et de votre engagement dans la « globalisation [communiste] de haut niveau » (2), laisser les communistes chinois grignoter les territoires et les eaux souverains du Vietnam.
2. Nous en appelons à tous les Vietnamiens, au pays et à l’étranger, de toutes les familles politiques et religieuses, à former d’urgence une « Alliance contre l’agression chinoise » afin de s’opposer à l’« Alliance pour l’intégrité territoriale » (3). Dans le même temps, nous devrions nous réunir dans un vaste mouvement pour la démocratisation du Vietnam. La démocratie est la clé du développement de notre pays et la seule voie pour délivrer le Vietnam de l’esclavage politique de notre actuel gouvernement. Sans les garde-fous des institutions démocratiques et du système multiparti, nous ne pourrons jamais jouir pleinement des droits de l’Homme, du bonheur et de la paix, ni apporter un développement durable et la prospérité au peuple du Vietnam.
3. En tant que bouddhistes, nous en appelons aux bonzes, nonnes et laïcs bouddhistes de Chine pour soutenir le peuple du Vietnam. Les enseignements du Bouddha de compassion et de tolérance et l’engagement à délivrer tous les êtres de la souffrance ont inspiré les deux peuples de Chine et du Vietnam depuis plus de 2000 ans. Nous vous demandons de presser le gouvernement de Beijing de reconnaître tous les Hommes comme des frères et de changer sa politique expansionniste pour s’engager avec le Vietnam dans une relation de renforcement mutuel, d’interdépendance et de compréhension et respect mutuels.
En tant que citoyens vietnamiens responsables et membre d’un grand mouvement religieux qui a contribué au développement de notre pays depuis deux millénaires, l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam ne peut pas rester sans rien faire quand notre nation est en danger. Nous en appelons sincèrement à l’intelligentsia et au peuple vietnamiens à l’intérieur et à l’extérieur du pays pour se rassembler afin de sauver la patrie.
(1) En 2002, la Chine et les nations de l’ANASE ont signé au Cambodge la « Déclaration sur la Conduite des Parties en Mer de l’Est » (DOC), en préparation des huit points du « Code de conduite des Parties en Mer de l’Est » (COC) signé entre la Chine et l’ANASE à Bali, les 19-23 juillet 2011.
(2) Lorsque le Secrétaire général du Parti Communiste vietnamien Nguyen Phu Trong s’est rendu en Chine les 11-15 octobre 2011, il a signé une déclaration conjointe avec le Secrétaire général du Parti Communiste chinois et le Président Hu Jintao sur les « Principes de base guidant le règlement des litiges maritimes » dans laquelle ils invoquaient les liens du Communisme sino-vietnamien pour justifier le silence du Vietnam face aux revendications chinoises sur mer et sur terre. En pressant de « mettre de côté les différences et récolter les bénéfices [de la Mer de l’Est] ensemble », le Parti Communiste chinois ordonnait au Vietnam de s’incliner face à l’expansionnisme chinois.
(3) Le but de l’« Alliance pour l’Intégrité Territoriale » mis en place par la Chine est de « construire une Muraille de Chine sur l’océan et d’accroître les capacités militaires de la Chine pour qu’elle devienne le champion incontesté des mers de l’Est ». Quel pourrait signifier cet objectif si ce n’est l’invasion et la conquête des eaux et des îles de la Mer de l’Est ? En bref, l’Alliance vise à redessiner la carte de la Chine en forme de « Y » (c’est-à-dire incluant l’Asie du Sud-Est), au lieu de la forme actuelle de poulet.