L’UE ne peut continuer à distribuer son aide au développement vers le Vietnam, le Laos et le Cambodge sans demander des progrès sur le plan des droits de l’homme et de la démocratie à ces régimes. C’est le bilan de l’audition publique organisée par la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen, le 12 septembre à Bruxelles, à laquelle participaient des représentants de la société civile issue de ces pays. Sam Rainsy, chef de l’opposition cambodgienne condamné le 9 août par un tribunal militaire, «par une parodie de justice» selon Amnesty International, a estimé que l’UE était en droit et avait les moyens d’exiger des progrès dans le domaine de la démocratie, étant le premier donateur au Cambodge. Tous les participants ont pointé le détournement de l’argent du contribuable européen par des régimes corrompus au Cambodge et encore totalitaires, comme au Vietnam et Laos : «Il y a un problème !
Nous sommes les complices de monstruosités», s’est exclamé Marco Pannella (ADLE, Italie). Michael Gahler (ADLE, Allemagne) a demandé à la Commission européenne de mettre en place des mécanismes pour conditionner l’aide au développement à des progrès en matière des droits de l’homme. La présidente de la sous-commission, Hélène Flautre (Verts, France) a annoncé qu’elle demanderait un débat en séance plénière avec questions à la Commission et au Conseil sur le sujet. Les ambassades du Vietnam, du Laos et du Cambodge avaient auparavant demandé sans succès au Parlement d’annuler cette audition.
«L’UE ne pourrait elle pas choisir la fermeté et demander des actions concrètes avant d’ouvrir le tiroir caisse ?», a demandé Vanida Thephsouvanh, Présidente du mouvement laotien pour les droits de l’homme. Il s’agirait, selon elle, d’inverser la logique imposée par le régime de Vientiane qui demande d’abord de l’aide à l’UE en promettant que les réformes suivront. Et de rappeler que son pays est sous la coupe d’un régime totalitaire où la critique du gouvernement est interdite par le code pénal et où 47% de la population ne sait ni lire, ni écrire. «La Commission européenne a choisi d’ignorer les carences du régime en poursuivant la coopération sans contrepartie», une attitude incompréhensible pour la population laotienne, affirme Mme Thephsouvanh.
Même écho concernant le Vietnam, un «atelier bagne» cumulant les pires défauts du communisme et du capitalisme sauvage, selon Vo Van Ai, le président du Comité Vietnam pour la défense des droits de l’homme. De même, il estime que la peine de mort est utilisée de plus en plus fréquemment, alors que toutes les informations à ce sujet sont classées «secret défense» depuis 2003. Selon lui, le contribuable européen finance directement les exactions du régime à travers le programme de soutien à la réforme du système pénal que l’UE supporte. Cette réforme, sous couvert de modernisation, vise en fait «à légaliser l’arbitraire» en organisant le quadrillage et la répression de la population affirme le Comité. Monica Frassoni (Verts, Italie) a reconnu que l’UE tendait à fermer les yeux sur les exactions du régime d’Hanoi en se focalisant sur les bonnes performances de développement économique du pays.
Le Cambodge est le seul des trois pays de l’ancienne Indochine française à bénéficier encore d’une opposition parlementaire. Mais «elle est mal en point», a expliqué Sam Rainsy, son chef, avec seulement 24 députés restant, tous exclus des commissions parlementaires. Les intimidations, les meurtres de parlementaires, syndicalistes et défenseurs de droits de l’homme se sont multipliés ces dernières années et ont permis au parti du premier ministre Hun Sen, ancien Khmer Rouge, de contrôler «tous les leviers du pouvoir». Selon, M. Rainsy, la corruption et l’absence de justice sont les principaux problème du Cambodge. Il constate que malgré une aide internationale parmi les plus importantes au monde par tête d’habitant sur les dix dernières années, la pauvreté, la mortalité augmentent. «Où va l’argent ?» s’interroge-t-il. Et de se tourner vers l’UE en l’appelant à imposer une conditionnalité de l’aide au nom de la défense des valeurs des droits de l’homme mais aussi de l’efficacité de l’aide.
«Je goûte mes derniers instant de liberté au Parlement européen», a-t-il expliqué alors qu’il s’apprête à retourner au Cambodge pour mener l’opposition avec de grand risques d’être emprisonné à son arrivée. Interrogé par Europe Information, il a déclaré que «l’UE a une influence en tant que principal donateur qu’elle ne doit pas sous estimer». Et d’ajouter que si l’audition publique aura permis «une prise de conscience sur le lien entre aide au développement et droits de l’homme», alors elle n’aura pas été vaine.