Le Secrétaire d’Etat américain Colin L. Powell a annoncé aujourd’hui, lors d’une conférence de presse à Washington D.C., que le Vietnam figurait maintenant sur une liste de 8 pays considérés comme « pays particulièrement préoccupants » (countries of particular concern, CPC), c’est-à-dire des pays dont les gouvernements se sont engagés dans ou tolèrent « des violations particulièrement graves de la liberté religieuse ». La liste a été dévoilée en même temps que le Département d’Etat rendait public son Rapport Annuel sur la Liberté Religieuse Internationale. Le Rapport classe le Vietnam dans un groupe de pays qui « mettent en œuvre des mesures totalitaires ou autoritaires pour contrôler les croyances et pratiques religieuses ». C’est la première fois que les Etats-Unis place le Vietnam sur cette liste noire des plus grands violateurs de la liberté religieuse. Les autres pays concernés sont l’Arabie Saoudite, l’Erythrée (tous deux également pour la première fois sur la liste), la Birmanie, la Chine, l’Iran, la Corée du Nord et le Soudan.
Depuis la loi sur la Liberté Religieuse Internationale (International Religious Freedom Act, IRFA) de 1998, le gouvernement américain peut adopter des mesures pour s’opposer aux violations de la liberté religieuse et promouvoir la tolérance religieuse dans les CPC. Les options vont des condamnations publiques aux restrictions sur les voyages, ou même des sanctions économiques. Les recommandations de placer un pays dans la liste sont faites au Président, au Département d’Etat et au Congrès par la Commission pour la Liberté Religieuse Internationale (USCIRF), organisme composé d’experts indépendants mandatés par l’IRFA pour surveiller la situation de la liberté religieuse dans le monde.
« Le placement du Vietnam sur la liste des CPC est une étape importante pour la liberté religieuse au Vietnam et c’est une bonne nouvelle pour toutes les victimes des persécutions » a dit Vo Van Ai, Directeur du Bureau International d’Information Bouddhiste et porte-parole international de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, indépendante, interdite depuis 1981). « Depuis presque trois décennies, le Vietnam a persécuté des mouvements religieux pacifiques dans une totale impunité. A présent que le Vietnam est sur la liste des CPC, le gouvernement américain pourra prendre des mesures concrètes pour combattre la répression et faire pression sur le Vietnam pour qu’il respecte ses obligations internationales et garantisse le droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion et de croyance ».
La décision américaine intervient après une année d’escalade de la répression religieuse au Vietnam. Au mois d’octobre 2003, en dépit d’une rencontre historique entre le Premier Ministre Phan Van Khai et le Patriarche de l’EBUV Thich Huyen Quang en avril 2003, les autorités vietnamiennes avaient lancé une brutale campagne de répression contre l’EBUV, arrêtant les dignitaires de l’EBUV et plaçant des centaines de pagodes de l’EBUV sous la surveillance étroite de la Sécurité. Le Patriarche Thich Huyen Quang et son second, le Vénérable Thich Quang Do, avaient été assignés à résidence pour « possession de secrets d’Etat » et sont toujours détenus dans leurs monastères respectivement dans la province de Binh Dinh et à Ho Chi Minh Ville. Lors de sa visite au Vietnam, en octobre 2003, l’Ambassadeur pour la Liberté Religieuse Internationale, John Hanford III, avait demandé à pouvoir rencontrer Thich Quang Do mais le gouvernement vietnamien avait refusé.
Au mois d’avril 2004, des centaines de Montagnards (minorité ethnique des Hauts-Plateaux du centre du Vietnam) ont été battus et beaucoup tués lors des charges de la Sécurité contre leurs manifestations pacifiques en protestation contre les persécutions religieuses et les confiscations par l’Etat des terres ancestrales. D’autres croyants, incluant des Protestants, des Catholiques, des Hoa Hao, des Cao Dai et des fidèles de mouvements religieux non reconnus par l’Etat-Parti sont victimes de façon routinière de harcèlements, de surveillance et de détention pour l’expression non-violente de leurs croyances religieuses.