PARIS, 8 avril 2011 (VCHR) – Dans une Lettre Ouverte, la FIDH, l’OMCT et le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme demandent la libération immédiate et inconditionnelle de Cu Huy Ha Vu :
Lettre Ouverte
à
Monsieur Nguyen Minh Triet
Président de la République Socialiste du Vietnam
Monsieur Nguyen Tan Dung
Premier Ministre de la République Socialiste du Vietnam
Monsieur Ha Hung Cuong
Ministre de la Justice de la République Socialiste du Vietnam
Son Excellence Vu Dung
Représentant Permanent de la République Socialiste du Vietnam
auprès des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève
Avec copies à :
Monsieur Ban Ki-moon
Secrétaire-Général des Nations Unies
Madame Navanethem Pillay
Haut-Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU
Paris-Genève, avril 7, 2011
Objet: La Condamnation de Cu Huy Ha Vu est une parodie de justice et celui-ci doit être immédiatement et inconditionnellement libéré
Vos Excellences,
L’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme, programme conjoint à la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT), et le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (CVDDH) vous écrivent pour protester vigoureusement contre la sentence du 4 avril 2011 de M. Cu Huy Ha Vu, qui a été condamné à sept ans d’emprisonnement et trois ans de résidence surveillée par le Tribunal populaire de Hanoi pour « propagande contre la République Socialiste du Vietnam » (article 88 du Code pénal).
M. Ha Vu, avocat, est un défenseur pacifique des droits culturels, environnementaux, civils et politiques, et a constamment eu recours aux tribunaux pour rendre justice à ceux dont les droits avaient été violés par le gouvernement ou les acteurs privés. Il avait récemment lancé deux actions en justice contre le Premier Ministre. La première, en juillet 2009, attaquait sa Décision 167 de novembre 2007 qui autorisait l’extraction controversée de la bauxite sur les Hauts-Plateaux du Centre du Vietnam. Le 21 octobre 2010, M. Ha Vu lançait une seconde plainte contre le Premier Ministre pour avoir signé le Décret 136 de 2006 qui interdisait les class-actions. Il a été arrêté deux semaines plus tard.
Les charges retenues contre lui sont complètement politiques et se fondent sur une législation profondément viciée et employée, de manière routinière, pour réduire au silence les critiques légitimes et pacifiques. En particulier, l’article 88 du Code pénal a été dénoncé de façon répétée par le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU comme incompatible avec le droit international et violant les droits aux libertés d’opinion et d’expression ainsi que le droit de participer aux affaires publiques (1).
M. Ha Vu n’a pas eu droit à un procès équitable et public par un tribunal compétent, indépendant et impartial, tel que garanti par l’article 14 du Pacte international des droits civils et politiques, que le Vietnam a ratifié. Dix documents concernant les poursuites n’ont pas été rendus public lors du procès du 4 avril, en dépit de la demande des avocats de l’accusé, en violation de l’article 214 du Code de procédures criminelles vietnamien et aux dépens des droits de la défense. Un des quatre avocats de M. Ha Vu, Me Tran Vu Hai, a été expulsé du tribunal par le président de la cour, le juge Nguyen Huu Chinh, parce qu’il demandait à ce que ces documents soient rendus public.
Le procès était fermé au public. Les personnes venues soutenir M. Ha Vu, qui s’étaient rassemblés pacifiquement devant le Tribunal populaire de Hanoi, ont été empêchés de s’approcher et dispersés par la Sécurité. Parmi eux, deux militants, MM. Pham Hong Son et Le Quoc Quan, ont été arrêtés et détenus pendant plusieurs heures.
Cette affaire est malheureusement un nouvel exemple de la répression en cours contre les droits fondamentaux au Vietnam et ce sont les défenseurs des droits de l’Homme qui subissent le plus lourdement cette répression. La criminalisation de l’expression pacifique des idéaux démocratiques et des actions légitimes pour réparer les violations des droits mène à une parodie de justice et de l’Etat de droit.
Nos organisations rappellent que, dans son rapport national soumis en février 2009 au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU à l’occasion de son Examen Périodique Universel, le Vietnam avait déclaré que « le peuple constitue à la fois la finalité et le moteur de toute politique de développement social et économique et son gouvernement a toujours eu pour politique de protéger et de promouvoir les droits de l’Homme ». Le Vice-Ministre des Affaires étrangères du Vietnam Pham Binh Minh a par ailleurs annoncé l’intention de votre gouvernement de postuler pour un siège au Conseil des Droits de l’Homme.
La condamnation de M. Ha Vu contredit clairement l’adhésion de votre gouvernement aux droits de l’Homme.
Etant donné les charges illégitimes retenues contre M. Ha Vu et la manière inéquitable avec laquelle a été mené son procès, l’Observatoire et le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme en appellent à votre gouvernement pour que M. Ha Vu soit libéré immédiatement et inconditionnellement et que sa condamnation soit rapportée.
Plus généralement, l’Observatoire et le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme appellent les autorités vietnamiennes à mettre fin à toutes les formes de harcèlements contre les défenseurs des droits de l’Homme au Vietnam, et à se conformer pleinement aux dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales universellement reconnus, ainsi que les instruments internationaux des droits de l’Homme ratifiés par le Vietnam.
Nous espérons sincèrement que vous prendrez en compte ces considérations et requêtes.
Veuillez agréer l’expression de notre très haute considération.
Souhayr Belhassen
Présidente de la FIDH |
Eric Sottas
Secrétaire général de l’OMCT |
Vo Van Ai
Président du VCHR |
Traduction par le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme
(1) Voir les conclusions du Comité des Droits de l’Homme, réf. CCPR/CO/75VNM, juillet 2002.
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