A l’attention du Président Truong Tan Sang, du Premier Ministre Nguyen Tan Dung et du Secrétaire général du Parti Communiste Nguyen Phu Trong
Objet : Internement arbitraire de Le Anh Hung au « Centre de Protection Sociale N°2 » à Ung Hoa, Hanoi, le 24 janvier 2013
Vos Excellences,
L’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme, programme commun de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT), et le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (CVDDH) souhaitent attirer votre attention sur l’internement du blogueur Le Anh Hung, qui s’est engagé pour la promotion de la liberté d’expression, de la bonne gouvernance et des réformes démocratiques.
M. Le Anh Hung a été kidnappé sur son lieu de travail à Hung Yen, le 24 janvier 2013, par six agents secrets de la Sécurité. Ceux-ci n’ont montré aucun document justificatif et ont prétexté auprès de son employeur de la nécessité de le voir au sujet « de ses papiers de résidence temporaire », avant de l’emmener de force dans leur véhicule. Plus tard, ses amis ont découvert qu’il avait été interné au « Centre de Protection Sociale N°2 » à Ung Hoa, Hanoi, une institution psychiatrique. On leur a annoncé que la mère de Le Anh Hung avait demandé son internement, et ils n’ont pas eu le droit de lui rendre visite. Il s’est avéré par la suite que sa mère n’avait jamais demandé un tel internement.
Ce n’est pas la première fois que la police tourmente Le Anh Hung, qui a été l’objet d’interrogatoires répétés et autres harcèlements pour le punir de ses activités en faveur des droits de l’Homme.
Nos organisations craignent que Le Anh Hung ne soit détenu sous l’empire de l’Ordonnance 44 de 2002 sur « le règlement des violations administratives ». Cette ordonnance prévoit que les personnes qui « ont violé les lois sur la sécurité, l’ordre public et la sûreté, mais dont les délits ne sont pas assez sérieux pour justifier des poursuites pénales » (article 1.3) peuvent être détenues sans procès pour une période allant jusqu’à deux ans en résidence surveillée (« détention probatoire »), en « maison de correction », en institution éducative, en centre de réhabilitation ou en « établissement de santé » (c’est-à-dire les hôpitaux psychiatriques). Les Nations Unies n’ont cessé d’appeler le Vietnam à abroger l’Ordonnance 44 parce qu’elle est incompatible avec les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel le Vietnam est Partie. Le Vietnam a cependant ignoré les recommandations de l’ONU et continue à appliquer ce texte pour embastiller les militants non violents. La blogueuse Bui Thi Minh Hang a été détenue pendant cinq mois, dans des conditions extrêmement dures, dans un « centre éducatif » dans la province de Thanh Hoa en 2011. Le militant pro-démocratie Nguyen Trung Linh est interné dans l’Hôpital Psychiatrique Central à Hanoi.
Nos organisations déplorent le fait que cet internement ait lieu dans un contexte, depuis 2008, de répression visant les militants sur Internet , menant à des arrestations et des détentions arbitraires, en dépit du fait que le Conseil des Droits de l’Homme a adopté en juin 2012 une résolution affirmant que le droit à la liberté d’expression en ligne doit être protégée, et appelé les Etats à « promouvoir et faciliter l’accès à l’Internet ».
Par conséquent, l’Observatoire et le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme demandent à vos Excellences de :
– Garantir dans toute circonstance l’intégrité physique et psychologique de Le Anh Hung ainsi que de tout défenseur des droits de l’Homme au Vietnam ;
– Libérer immédiatement et inconditionnellement Le Anh Hung dans la mesure où son internement n’est qu’une sanction à ses activités en faveur des droits de l’Homme et est contraire au droit national et international, et libérer de la même façon tous les défenseurs des droits de l’Homme au Vietnam ;
– Se conformer aux dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les Défenseurs des Droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée Générale de l’ONU le 9 décembre 1998, en particulier :
- son article 1 qui déclare que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir et rendre effectifs tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international »,
- ainsi que son article 12.2 qui prévoit que « l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration » ;
– Plus généralement, garantir en toute circonstance le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales en conformité avec les instruments régionaux et internationaux de protection des droits de l’Homme ratifiés par le Vietnam.
Nous vous remercions par avance de l’attention que vous porterez à ce cas.
Souhayr Belhassen
Présidente
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH)
Gerard Staberock
Secrétaire général
Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT)
Vo Van Ai
Président
Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (CVDDH)
(Traduction par le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l‘Homme)
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