PARIS, le 28 mai 2010 (BIIB) – Le Très Vénérable Thich Quang Do, Patriarche de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV) a envoyé son Message aux Bouddhistes vietnamiens dans le monde à l’occasion des célébrations du 2554ème Vesak (Anniversaire du Bouddha). Ce Message a été envoyé clandestinement depuis le Monastère Zen Thanh Minh à Saigon (Ho Chi Minh Ville) où le dissident de 81 ans, qui a été proposé pour le Prix Nobel de la Paix, est assigné à résidence.
Dans son Message, le Patriarche Thich Quang Do souligne le rôle du Bouddhisme pour la paix et l’harmonie pendant huit siècles en Inde, en Asie Centrale et en Extrême Orient. La rencontre du Bouddhisme avec la culture hellénistique à l’époque d’Alexandre le Grand et de l’empereur Asoka a produit non un « choc des civilisations » mais un « mariage des civilisations », a dit Thich Quang Do, citant la culture du Gandhara comme exemple d’« une éclatante culture de la diversité, de la tolérance et de la paix ».
Il a appelé les Bouddhistes à l’étranger à « se joindre aux personnes concernées dans le monde afin de reconstruire la culture bouddhique de tolérance, d’harmonie et de paix dans le monde de violence et de terreur d’aujourd’hui. C’est un objectif que nous, Bouddhistes du Vietnam, visons de longue date mais qu’on nous a empêché de poursuivre durant les trente-cinq dernières années ».
Alors que le gouvernement de Hanoi ne cesse d’accuser Thich Quang Do et l’EBUV (Eglise historique, arbitrairement interdite en 1981) de « faire de la politique », Thich Quang Do, qui est en détention depuis 28 ans du fait de ses appels pacifiques en faveur des droits de l’Homme, répond : « en dépit des restrictions et des répressions, l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam est resté ferme depuis 35 ans, continuant à relayer les doléances sincères et légitimes du peuple vietnamien. Ces demandes ne sont pas simplement politiques. Elles sont les aspirations fondamentales qui viennent du fond du cœur de toute la population pour des réformes dans tous les domaines, que ce soit la culture, la religion, l’économie, la société ou la politique. Aujourd’hui, nous faisons face à de graves défis, comme les empiètements de puissances étrangères sur nos mers, nos îles, nos forêts et nos terres. Le Bouddhisme ne s’élève contre aucun individu ou groupe particulier. Mais nous sommes résolus à nous opposer à l’autoritarisme, à la servilité, à la corruption et à l’immoralité, ainsi qu’à toutes les politiques qui conduiraient à l’asservissement ou à l’annihiliation de notre peuple ».
Voici le texte intégral du Message de Thich Quang Do :
à l’occasion du 2634ème Anniversaire de la Naissance du Bouddha (Ere Bouddhique 2554)
par le Très Vénérable THICH QUANG DO
Patriarche Suprême de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam
Loué soit le Bouddha !
En ce jour de Vesak, le monde commémore la venue du Bouddha, qui a apporté la Paix et l’Eveil en ce monde de souffrance. Au nom des deux Instituts de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam, je vous envoie mes plus chaleureux vœux à tous les respectés dignitaires, bonzes, nonnes et Bouddhistes au Vietnam et tout autour du monde. Que nous placions imanquablement notre foi dans le Dharma et travaillions sans faillir au bien de l’humanité et à la délivrance du message compassion du Bouddha pour le salut de tous les êtres.
En regardant l’Histoire, nous nous apercevons que le choc des civilisations, quand il se fait dans la violence, mène inévitablement à l’annihilation et la domination d’un peuple par un autre, il en a été ainsi des conquêtes romaines aux Croisades, de la découverte de l’Amérique à la colonisation de l’Afrique.
Cependant, dans le sillage de l’arrivée d’Alexandre le Grand et de ses troupes sur les rives de l’Indus en 325 avant JC, la rencontre entre la culture hellénistique et le Bouddhisme, en particulier sous le patronage d’Asoka le Grand, n’a pas suscité un choc mais un mariage des civilisations, qui a donné naissance dans le royaume du Gandhara à une éclatante culture de la diversité, de la tolérance et de la paix. Dans ce syncrétisme des traditions orientale et occidentale, les artistes et sculpteurs grecs, accoutumés à la pléthore complexe des dieux grecs, ont trouvé l’inspiration dans la calme sérénité de Bouddha et dans les enseignements bouddhiques connus grâce à l’empereur Asoka. Cette fusion des cultures a engendré les toutes premières représentations du Bouddha à forme humaine. Les images du Bouddha frappées sur les monnaies d’or, d’argent et de bronze, sculptées dans la pierre et peintes sur les fresques, se sont répandues jusqu’en Extrême-Orient, en Chine, en Corée, au Japon, au Vietnam… Les statues sont certes le fruit du talent et de l’adresse extraordinaires des sculpteurs, mais dans le regard des fidèles, elles devenaient le symbole vivant de l’Eveillé et rayonnaient de la lumière du salut sur l’ignorance et l’esclavage de notre monde. Pendant huit siècles, une atmosphère d’harmonie et de co-existence pacifique a régné sur les peuples le long des frontières de ce qui est aujourd’hui le Pakistan et l’Afghanistan, de Kaboul à Peshawar et Islamabad, et sur des étendues s’étendant de l’Asie Centrale aux milliers d’îles de l’Indonésie. Après avoir unifié pour la première fois presque toute la péninsule indienne, l’empereur Asoka a envoyé huit expéditions missionnaires pour répandre le Bouddhisme et fondé un empire de tolérance et de paix. Les missionnaires voyagèrent aussi par mers jusqu’au Sri Lanka, en Birmanie, en Malaisie, au Cambodge, au Vietnam et allèrent aussi loins que la Grèce. La paix règna jusqu’à ce jour, au IXème siècle, où une nouvelle religion balaya la région, utilisant la violence et la destruction pour imposer sa domination. L’influence pacifique et tolérante du Bouddhisme déclina. La dernière salve en date de cet assaut fut tirée en 2001, comme un effrayant rappel de ce passé, lorsque les Taliban firent exploser à la dynamite les deux statues monumentales du Bouddha à Bamiyan en Afghanistan.
La violence peut provenir des armes et de la guerre. Mais elle émane également des régimes cruels et inhumains qui répriment les droits et les libertés de leur peuple.
En évoquant les tragédies que nous avons enduré durant les onze derniers siècles, je souhaiterais lancer un appel à tous les Bouddhistes à l’étranger de se joindre aux personnes concernées dans le monde afin de reconstruire la culture bouddhique de tolérance, d’harmonie et de paix dans le monde de violence et de terreur d’aujourd’hui. C’est un objectif que nous, Bouddhistes du Vietnam, visons de longue date mais qu’on nous a empêché de poursuivre durant les trente-cinq dernières années.
Toutefois, en dépit des restrictions et des répressions, l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam est resté ferme depuis 35 ans, continuant à relayer les doléances sincères et légitimes du peuple vietnamien. Ces demandes ne sont pas simplement politiques. Elles sont les aspirations fondamentales qui viennent du fond du cœur de toute la population pour des réformes dans tous les domaines, que ce soit la culture, la religion, l’économie, la société ou la politique. Aujourd’hui, nous faisons face à de graves défis, comme les empiètements de puissances étrangères sur nos mers, nos îles, nos forêts et nos terres. Le Bouddhisme ne s’élève contre aucun individu ou groupe particulier. Mais nous sommes résolus à nous opposer à l’autoritarisme, à la servilité, à la corruption et à l’immoralité, ainsi qu’à toutes les politiques qui conduiraient à l’asservissement ou à l’annihiliation de notre peuple.
L’Eveil est difficile à atteindre si le corps est malade. De même, la Compassion ne peut fleurir dans un pays gouverné par la tyrannie ou la dictature. Le corps doit être fort et en bonne santé pour atteindre les rives de la délivrance ; un pays doit être libre et démocratique pour que le Bouddhisme puisse réellement bénéficier à tous.
Le Vietnam a enduré cent ans de colonisation, soixante-cinq ans de guerre fratricide et des décennies de totalitarisme. Le temps est venu pour tous les Vietnamiens d’agir. Nous ne pouvons pas rester sans rien faire, se voiler les yeux ou laisser nos responsabilités sur les épaules du peuple. Nous devons suivre les pas de l’empereur Asoka et construire la route qui transcende la violence, qui permette à la Compassion de fleurir et à la Sagesse de prévaloir. La Voie qu’a emprunté le Bouddha il y a 2554 ans.
C’est là la manière la plus pertinente et la plus significative de célébrer la Naissance du Bouddha en ce jour de Vesak.
Ere Bouddhique 2254 (2010 de l’ère chrétienne)
Cinquième Patriarche Suprême de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam
Sramana Thich Quang Do