PARIS, 17 février 2017 (VCHR) – Selon un rapport publié par le Ministère vietnamien de la Sécurité Publique au début de cette année, le Vietnam a exécuté un total de 429 prisonniers entre le mois d’août 2013 et la fin du mois de juin 2016. Cela place le Vietnam à la cinquième place sur la liste des pires exécuteurs après la Chine, l’Iran, le Pakistan, l’Arabie Saoudite, et devant les États-Unis d’Amérique, selon les chiffres recueillis par Amnesty International pour 2015.
“Ces chiffres sont effarants”, a dit le Président du VCHR Võ Văn Ái. « Le recours à la peine de mort est particulièrement préoccupant du fait de l’absence de tout respect des procédures légales dans l’État-Parti vietnamien. L’État peut tuer les gens comme il l’entend car il n’y a pas d’État de droit ».
Le rapport (réf. 05/BC-BCA-C81), en date du 4 janvier 2017, donne un aperçu du recours à la peine capitale au Vietnam entre 2011 et 2016, depuis l’adoption de la Loi sur l’exécution des jugements pénaux et du Décret sur l’exécution par injection létale (voir le Rapport 2016 du VCHR sur la peine de mort au Vietnam). Pour faire face au très grand nombre d’exécutions à effectuer, il y est dit que le Vietnam est en train de construire cinq nouveaux centres en complément des cinq actuellement en service à Hanoi, Ho Chi Minh Ville, Nghe An, Son La et Dak Lak, et que les agents de la Sécurité sont formés en urgence aux techniques de l’injection létale.
Le rapport livre également de rares informations sur les condamnations à mort et sur les exécutions dans le Vietnam communiste, ainsi que sur la situation des détenus dans le couloir de la mort. De telles informations manquent depuis 2004, depuis que le Vietnam les a classées parmi les « secrets d’État ». Selon le rapport, au mois de juin 2016, 681 condamnés attendaient leur exécution, 80 étaient en sursis dans l’attente d’un nouveau procès après avoir été irrégulièrement condamnés, et 36 étaient décédés avant leur exécution entre 2011 et 2016.
Le Vietnam a décidé d’utiliser les injections létales en remplacement du peloton d’exécution en 2010 afin de rendre la peine de mort « plus humaine ». Après l’adoption de la nouvelle loi, le Vietnam a continué à condamner à la peine capitale mais n’a pas pu procéder aux exécutions du fait de l’interdiction de l’Union Européenne d’exporter les substances nécessaires aux injections. En 2013, plus de 700 condamnés attendaient dans le couloir de la mort dans des conditions de détention inhumaines. Les exécutions ont repris cette année-là après l’adoption d’une loi autorisant à recourir à des « poisons » fabriqués sur place. Ces substances n’avaient jamais été testées et le tout premier prisonnier à être exécuté, Nguyễn Anh Tuấn, a mis plus de deux heures à décéder, au mois d’août 2013.
Le grand nombre de décès avant exécutions rapportés par le Ministre de la Sécurité Publique confirme les préoccupations des médias concernant l’augmentation du taux de suicide dans le couloir de la mort au Vietnam, qui est le 12e plus important au monde. Les condamnés ne sont pas informés à l’avance de la date de leur exécution, et nombre d’entre eux préfèrent mourir tout de suite plutôt que de vivre dans la terreur de l’attente, comme Nguyễn Tiến Công (35 ans) qui s’est suicidé dans le couloir de la mort en juin 2013, à Haiphong. Le rapport souligne également que de nombreuses prisons ne possèdent pas de quartiers spéciaux pour les condamnés à mort, ce qui cause des « complications dans la gestion des prisonniers ».
Selon le rapport, en dépit de deux révisions du Code pénal, en 1999 et en 2009, qui ont réduit le nombre de crimes passibles de la peine capitale de 44 à 22, le nombre des condamnations à mort prononcées chaque année n’a pas diminué, ce qui démontre l’effet non-dissuasif de la peine de mort.
Le Code pénal vietnamien amendé, adopté en novembre 2015 mais pas encore entré en vigueur du fait de nombreuses erreurs dans la rédaction des articles, a réduit le nombre de crimes passibles de la peine capitale à 18. Cependant, en dépit des demandes pressantes de la communauté internationale, le Vietnam n’a pas aboli la peine de mort pour les crimes vagues et fourre-tout concernant la « sécurité nationale ». Ces crimes sont régulièrement invoqués pour emprisonner les dissidents politiques et religieux. Au contraire, un nouveau crime a été ajouté, ce qui fait qu’actuellement il y a six atteintes à la sécurité nationale passibles de la peine capitale au Vietnam.
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