Pour la première fois depuis 1982, date à laquelle il a été arrêté et envoyé en détention dans la province de Quang Ngai, le Très Vénérable Thich Huyen Quang, Patriarche de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise traditionnelle, indépendante, interdite depuis 1981), a pu se rendre à Ho Chi Minh Ville (Saigon) pour rencontrer le numéro deux de l’EBUV, le Vénérable Thich Quang Do. La rencontre a eu lieu lundi 5 mai au Monastère Zen Thanh Minh où Thich Quang Do est détenu incommunicado. Les bonzes ont passé toute l’après-midi ensemble pour discuter de l’avenir de l’EBUV toujours interdite. Il s’agit également de la toute première visite que Thich Quang Do reçoit depuis sa mise en « détention administrative », le 1er juin 2001. Les diplomates étrangers ainsi que des membres du Parlement Européen et du Congrès américain ont demandé à pouvoir le rencontrer mais les autorités ont systématiquement refusé.
Les deux bonzes s’étaient déjà rencontrés brièvement par deux fois en vingt et un ans, une fois en mars 1999 (pour une visite de Thich Quang Do au Patriarche à l’occasion du Nouvel An Lunaire, peu après sa libération lors de l’amnistie gouvernementale de septembre 1998) et une autre fois en février 2001, juste avant le lancement par Thich Quang Do de son « Appel pour la Démocratie au Vietnam ». A ces deux occasions, la Sécurité les avaient arrêtés, harcelés et interrogés, avaient fouillé de fond en comble la petite pagode de Thich Huyen Quang et forcé Thich Quang Do à regagner immédiatement Saigon.
Thich Huyen Quang a décidé de rendre visite à Thich Quang Do à Saigon après sa rencontre avec le Premier Ministre Phan Van Khai, le 2 avril 2003. Le Patriarche de l’EBUV avait informé le Directeur du Bureau International d’Information Bouddhiste (BIIB), M. Vo Van Ai, qu’il se rendrait aux cérémonies en mémoire du précédent Patriarche de l’EBUV, Thich Don Hau, à la Pagode Linh Mu à Hue, le 21 avril, puis qu’il prendrait un avion direct pour Saigon. Cependant, les cadres locaux du Bureau des Affaires Religieuses l’ont forcé à quitter Hue dès la fin des cérémonies qui avaient réuni plus de 3000 bonzes, nonnes et laïcs. Ce n’est que grâce aux très fermes protestations des bonzes de la Pagode Linh Mu que les autorités ont permis au Patriarche de 86 ans de rester se reposer la nuit à Hue. Elles l’ont escorté jusqu’au Monastère Nguyen Thieu, dans la province de Binh Dinh le lendemain.
Thich Huyen Quang a alors acheté des billets de train pour Saigon, dès le 26 avril, mais les autorités ont refusé de le laisser voyager avant le 30 avril, anniversaire de la chute de Saigon (appelé « Avril noir » chez les dissidents). Il a donc de nouveau acheter des billets de train le 1er mai, mais les cadres du Bureau des Affaires Religieuses l’ont renvoyé chez lui, insistant pour qu’ils l’emmènent à Saigon en voiture. Il n’a pas été autorisé à demeurer avec les bonzes de l’EBUV et a été directement mené à la Pagode An Quang, siège de l’Eglise Bouddhique du Vietnam (EBV, Eglise d’Etat) à Saigon, où il doit rester durant sa visite. Bien que son arrivée n’ait pas été annoncée, Thich Huyen Quang a été accueilli par plus de 1000 Bouddhistes devant la Pagode An Quang, à 7h30 du soir, le 2 mai.
Ce soir-là, Thich Huyen Quang a pu s’adresser à cette foule de bonzes et laïcs bouddhistes. Il les a encouragés à réfléchir sérieusement à la façon d’étudier et de pratiquer activement le Bouddhisme, et de former une nouvelle génération de bonzes et de nonnes. S’il a pris note des récentes restaurations et nouvelles constructions de pagodes, il a jugé qu’il ne s’agissait-là que d’améliorations superficielles et que de nombreux obstacles demeuraient face au Bouddhisme au Vietnam. Evoquant ses 21 années de dure détention dans la province de Quang Ngai, il leur a dit de garder espoir : « La communauté internationale et les gouvernements du monde soutiennent nos efforts pacifiques. Il est temps pour tous les Bouddhistes de s’unir et de réaliser les enseignements du Bouddha de libérer les gens de la souffrance et de l’injustice ».
« Cette importante rencontre entre les deux dignitaires de l’EBUV revêt une immense signification, non seulement pour les Bouddhistes de l’EBUV mais également pour tous les dissidents et défenseurs des droits de l’Homme au Vietnam », a commenté M. Vo Van Ai, Directeur du BIIB. Le Patriarche Thich Huyen Quang et le Vénérable Thich Quang Do, nominé pour le Prix Nobel de la Paix 2003, qui ont passé plus de 20 ans chacun en détention pour leur résistance pacifique contre la répression gouvernementale, « sont devenus les symboles du mouvement non-violent pour la liberté religieuse, la démocratie et les droits de l’Homme au Vietnam » a-t-il précisé. M. Ai a ajouté que les Bouddhistes et les organisations internationales de défense des droits de l’Homme tout autour du monde attendent avec impatience des gestes concrets de Hanoi en faveur de la liberté religieuse, comme la libération réelle et complète de Thich Quang Do de sa « détention administrative », le 1er juin 2003, et le rétablissement du droit à l’existence de l’EBUV.