– vu ses précédentes résolutions sur la situation au Viêt Nam,
– vu la déclaration du 18 décembre 2015 de la porte-parole du Service européen pour l’action extérieure sur l’arrestation de l’avocat Nguyễn Văn Đài,
– vu la déclaration des chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne du 7 mars 2016,
– vu le communiqué de presse du 13 mai 2016, à Genève, de la porte-parole du haut‑commissaire des Nations unies aux droits de l’homme sur la Turquie, la Gambie et le Viêt Nam,
– vu la déclaration du 3 juin 2016 de Heiner Bielefeldt, rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction, et de Juan E. Méndez, rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, qui a été approuvée par Michel Forst, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, Maina Kiai, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, David Kaye, rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, Dubravka Šimonović, rapporteure spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, et le groupe de travail sur la détention arbitraire,
– vu l’accord de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et le Viêt Nam, signé le 27 juin 2012, et le dialogue annuel sur les droits de l’homme UE-Viêt Nam entre l’Union européenne et le gouvernement du Viêt Nam, qui s’est tenu pour la dernière fois le 15 décembre 2015,
– vu les lignes directrices de l’Union européenne en matière de droits de l’homme,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,
– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Viêt Nam a adhéré en 1982,
– vu la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, à laquelle le Viêt Nam est un État partie depuis 1982,
– vu la convention des Nations unies contre la torture, qui a été ratifiée par le Viêt Nam en 2015,
– vu les résultats de l’examen périodique universel sur le Viêt Nam du Conseil des droits de l’homme des Nations unies du 28 janvier 2014,
– vu l’article 135, paragraphe 5, et l’article 123, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que l’Union européenne perçoit le Viêt Nam comme un partenaire important en Asie; que l’année 2015 marque le 25e anniversaire des relations entre l’Union et le Viêt Nam; que ces relations, limitées au départ au commerce et à l’aide, ont rapidement englobé d’autres domaines;
B. considérant que le Viêt Nam est un État à parti unique depuis 1975, étant donné que le Parti communiste vietnamien (PCV) n’autorise aucune contestation de son pouvoir et contrôle l’Assemblée nationale et les tribunaux;
C. considérant que les autorités vietnamiennes ont sévi lourdement en réponse à une série de manifestations qui ont eu lieu à travers tout le pays en mai 2016 à la suite d’une catastrophe écologique qui a décimé les stocks halieutiques du pays;
D. considérant que Lê Thu Hà, avocate et militante des droits de l’homme vietnamienne, a été arrêtée le 16 décembre 2015, en même temps qu’un éminent avocat des droits de l’homme, Nguyễn Văn Đài, qui a été appréhendé pour propagande contre l’État; que, le 22 février 2016, Trần Minh Nhật, défenseur des droits de l’homme, a été agressé par un officier de police à son domicile dans le district de Lâm Hà, dans la province de Lâm Đồng; que Trần Huỳnh Duy Thức, emprisonné en 2009 après un procès sans défense digne de ce nom, a été condamné à une peine de 16 ans suivie de cinq années d’assignation à résidence; que la détérioration de la santé de Thích Quảng Độ, dissident bouddhiste actuellement assigné à résidence, est source de vives préoccupations;
E. considérant que les partis politiques indépendants, les syndicats et les organisations des droits de l’homme sont interdits au Viêt Nam, et que les rassemblements publics ne peuvent avoir lieu sans autorisation officielle; que certaines manifestations pacifiques ont été sévèrement encadrées, des militants emblématiques ayant été assignés à résidence, tandis que d’autres manifestations ont été dispersées, voire purement et simplement interdites;
F. considérant que des campagnes des forces de police ayant pour but d’empêcher et de sanctionner la participation à des manifestations ont donné lieu à une série de violations des droits de l’homme, dont des actes de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi qu’à des violations du droit de réunion pacifique et de la liberté de circulation; que les conditions de détention et de traitement des détenus sont dures, des rapports faisant état d’au moins sept morts en garde à vue en 2015 et de suspicions d’actes de torture ou d’autres formes de mauvais traitements par les forces de police;
G. considérant que s’il a accepté 182 des 227 recommandations formulées par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies lors de son examen périodique de juin 2014, le Viêt Nam a rejeté des recommandations telles que la libération des prisonniers politiques et des personnes maintenues en détention sans inculpation ni procès, des réformes juridiques en vue de mettre un terme à l’emprisonnement politique, la création d’une institution nationale indépendante chargée des questions relatives aux droits de l’homme, ainsi que d’autres mesures destinées à favoriser la participation du public; que, cela dit, le Viêt Nam a récemment autorisé des associations internationales de défense des droits de l’homme à rencontrer des représentants de l’opposition et des fonctionnaires du gouvernement pour la première fois depuis la fin de la guerre du Viêt Nam;
H. considérant que le Viêt Nam persiste à invoquer des dispositions vagues relatives à la « sécurité nationale » dans le code pénal, par exemple la « propagande contre l’État », la « subversion » ou l' »utilisation abusive des libertés démocratiques », afin d’incriminer et de museler les dissidents politiques, les défenseurs des droits de l’homme et les individus perçus comme des détracteurs du gouvernement;
I. considérant qu’en mai 2016, Jonathan Head, correspondant de la BBC, se serait vu interdire de couvrir la visite du président Obama au Viêt Nam et fait confisquer son accréditation, sans raison officielle; que Kim Quốc Hoa, ancien rédacteur en chef du journal Người Cao Tuổi, s’est vu retirer sa licence de journaliste au début de l’année 2015 et a ensuite été poursuivi au titre de l’article 258 du code pénal pour utilisation abusive des libertés démocratiques après que le journal a dénoncé plusieurs fonctionnaires corrompus;
J. considérant que le Viêt Nam se classe 175e sur 180 pays dans le classement mondial 2016 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, la presse écrite et les médias audiovisuels étant contrôlés par le PCV, l’armée ou d’autres organes gouvernementaux; que le décret 72 de 2013 restreint encore plus les prises de position sur les blogs et les réseaux sociaux, et que le décret 174 de 2014 prévoit l’application de sanctions sévères aux utilisateurs de médias sociaux et aux internautes qui diffusent de la « propagande contre l’État » ou des « idéologies réactionnaires »;
K. considérant que la liberté de religion ou de conviction est réprimée et que de nombreuses minorités religieuses sont victimes de graves persécutions, notamment les membres de l’Église catholique et de religions non reconnues, telles que l’Église bouddhiste unifiée du Viêt Nam, plusieurs Églises protestantes et les membres de la minorité ethno-religieuse des Montagnards, comme l’a relevé le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction lors de sa visite au Viêt Nam;
L. considérant qu’en avril 2016, le Viêt Nam a adopté une loi sur l’accès à l’information ainsi qu’une version modifiée de la loi sur la presse, qui restreignent la liberté d’expression et renforcent la censure, ainsi que des règlements interdisant les manifestations devant les tribunaux lors des procès;
M. considérant que le Viêt Nam est passé de la 42e place qu’il occupait en 2007 dans l’indice sur les disparités entre les hommes et les femmes du Forum économique mondial à la 83e place en 2015, et que la convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a critiqué les autorités vietnamiennes, qui n’ont pas saisi le « concept de réelle égalité entre les hommes et les femmes »; qu’en dépit de certains progrès, la violence domestique, la traite des femmes et des jeunes filles, la prostitution, le VIH/sida et les violations des droits en matière de sexualité et de procréation demeurent des problèmes au Viêt Nam;
N. considérant que l’accord global de partenariat et de coopération vise à établir un partenariat moderne, diversifié et intéressant pour les deux parties, fondé sur les intérêts et principes communs que sont l’égalité, le respect mutuel, l’état de droit et les droits de l’homme;
O. considérant que l’Union européenne a félicité le Viêt Nam pour les progrès constants en matière de droits socio-économiques, tout en exprimant ses inquiétudes persistantes face à la situation des droits politiques et civils; que, toutefois, dans le cadre du dialogue annuel sur les droits de l’homme, l’Union a soulevé la question des restrictions à la liberté d’expression, à la liberté des médias et à la liberté de réunion;
P. considérant que l’Union européenne est le plus grand marché d’exportation du Viêt Nam; que l’Union européenne, avec ses États membres, est le plus grand fournisseur d’aide publique au développement au Viêt Nam et que le budget européen en la matière augmentera de 30 % pour atteindre 400 millions d’euros au cours de la période 2014-2020;
1. se félicite du renforcement du partenariat et du dialogue sur les droits de l’homme entre l’Union européenne et le Viêt Nam; salue la ratification par le Viêt Nam, l’année dernière, de la convention des Nations unies contre la torture;
2. exhorte le gouvernement du Viêt Nam à mettre immédiatement un terme à tous les actes de harcèlement, d’intimidation et de persécution à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme et des militants sociaux et environnementaux; insiste pour que le gouvernement respecte le droit de ces militants à manifester pacifiquement et libère toute personne qui serait encore injustement détenue; demande la libération immédiate de tous les militants qui ont été indûment arrêtés et emprisonnés, notamment Lê Thu Hà, Nguyễn Văn Đài, Trần Minh Nhật, Trần Huỳnh Duy Thức et Thích Quảng Độ;
3. se dit fortement préoccupé par les réactions de plus en plus violentes envers les manifestants vietnamiens exprimant leur colère face à la mort d’un grand nombre de poissons le long de la côte centrale du pays; demande que les résultats des enquêtes sur cette catastrophe environnementale soient publiés et que les responsables soient tenus de rendre des comptes; demande au gouvernement vietnamien de respecter la liberté de réunion et d’honorer ainsi ses obligations internationales relatives aux droits de l’homme;
4. dénonce la condamnation de journalistes et de blogueurs au Viêt Nam comme Nguyễn Hữu Vinh et sa collègue Nguyễn Thị Minh Thúy, ainsi que Đặng Xuân Diệu, et les lourdes peines qui leur ont été infligées, et réclame leur libération;
5. condamne les violations incessantes des droits de l’homme perpétrées au Viêt Nam, y compris l’intimidation politique, le harcèlement, les agressions, les arrestations arbitraires, les lourdes peines de prison et les procès inéquitables à l’encontre de militants politiques, de journalistes, de blogueurs, de dissidents et de défenseurs des droits de l’homme, tant en ligne que hors ligne, en violation flagrante des obligations internationales du Viêt Nam en matière de droits de l’homme;
6. se déclare préoccupé par l’examen, par l’Assemblée nationale, d’une loi sur les associations et d’une loi sur la croyance et la religion qui sont incompatibles avec les normes internationales en matière de liberté d’association et de liberté de religion ou de conviction;
7. prie instamment le Viêt Nam de renforcer encore la coopération avec les mécanismes des droits de l’homme et d’améliorer le respect des mécanismes de notification des organes créés en vertu des traités; demande une nouvelle fois que des progrès soient réalisés dans la mise en œuvre des recommandations de l’examen périodique universel;
8. réclame à nouveau la révision d’articles spécifiques du code pénal vietnamien qui sont utilisés pour réprimer la liberté d’expression; estime qu’il est regrettable qu’aucun prisonnier politique ne figurait parmi les 18 000 prisonniers ayant bénéficié d’une amnistie le 2 septembre 2015; condamne les conditions de détention et d’emprisonnement au Viêt Nam, et demande avec insistance que les autorités vietnamiennes garantissent un accès sans restriction à l’assistance d’un avocat;
9. invite instamment le gouvernement vietnamien à établir des mécanismes de responsabilité efficaces pour ses forces de police et services de sécurité, afin de mettre un terme aux abus commis envers les prisonniers et les détenus;
10. demande aux autorités de mettre fin aux persécutions religieuses et de modifier leur législation sur le statut des communautés religieuses afin de rétablir le statut juridique des religions non reconnues; demande au Viêt Nam de retirer la cinquième version de la loi sur la croyance et la religion, qui fait actuellement l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale, et de préparer un nouveau projet qui soit conforme aux obligations que le Viêt Nam doit remplir au titre de l’article 18 du pacte international relatif aux droits civils et politiques; réclame la libération des chefs religieux, y compris du pasteur Nguyễn Công Chính, de Trần Thị Hồng et de Ngô Hào;
11. engage le Viêt Nam à lutter contre la discrimination à l’égard des femmes en élaborant une législation relative à la lutte contre la traite et en prenant des mesures efficaces en vue de réduire la violence domestique et les violations des droits génésiques;
12. félicite le Viêt Nam pour le rôle moteur qu’il joue en Asie en matière d’élaboration des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), et notamment pour l’adoption récente d’une loi sur le mariage et la famille qui autorise les cérémonies de mariage entre personnes de même sexe;
13. demande à la commission intergouvernementale des droits de l’homme de l’ANASE d’examiner la situation concernant les droits de l’homme au Viêt Nam en mettant particulièrement l’accent sur la liberté d’expression, et de formuler des recommandations au pays;
14. invite le gouvernement vietnamien à adresser une invitation permanente aux procédures spéciales des Nations unies et, en particulier, au rapporteur spécial sur la liberté d’expression et au rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme;
15. demande à l’Union européenne de renforcer son dialogue politique sur les droits de l’homme avec le Viêt Nam au titre de l’accord global de partenariat et de coopération;
16. demande à la délégation de l’Union d’utiliser tous les outils et instruments appropriés pour accompagner le gouvernement du Viêt Nam dans ces étapes et pour soutenir et protéger les défenseurs des droits de l’homme; souligne l’importance du dialogue sur les droits de l’homme entre l’Union européenne et les autorités vietnamiennes, notamment si ce dialogue est suivi de mesures concrètes; souligne qu’il faut que ce dialogue soit efficace et axé sur les résultats;
17. salue les efforts consentis par le gouvernement vietnamien pour renforcer les relations entre l’Union européenne et l’ANASE et son soutien à la participation de l’Union au sommet de l’Asie de l’Est;
18. félicite le Viêt Nam d’avoir réalisé un grand nombre d’objectifs du Millénaire pour le développement et demande à la Commission et à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de continuer à soutenir les autorités vietnamiennes, les organisations non gouvernementales et les organisations de la société civile dans le pays dans le cadre du programme de développement pour l’après-2015;
19. charge son Président de transmettre la présente résolution à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au gouvernement et à l’Assemblée nationale du Viêt Nam, aux gouvernements et aux parlements des États membres de l’ANASE, au haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, ainsi qu’au secrétaire général des Nations unies.
Voir le communiqué du VCHR (9 juin 2016) : Le Parlement Européen condamne vigoureusement les violations des libertés d’expression, d’assemblée pacifique et de religion au Vietnam
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