
GENEVE, 7 juillet 2025 (VCHR) – Le Comité Vietnam pour la défense des droits de l’Homme (VCHR) et la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) ont présenté leur Rapport Alternatif lors de la 144e session du Comité des droits de l’Homme de l’ONU, qui examine le rapport périodique du Vietnam sur sa mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et accueille à cette occasion le Vice-ministre de la justice Nguyễn Thanh Tịnh et sa délégation comptant 24 cadres venu du Vietnam.
Dans leur rapport alternatif, le VCHR et la FIDH documentent les violations systématiques des libertés fondamentales et la mauvaise volonté du Vietnam à remplir ses obligations de respecter et garantir les droits civils et politiques. Le VCHR et la FIDH dénoncent le déjà-vu du discours du Vietnam qui se contente d’énumérer une liste de lois et règlements, qui trop souvent violent le PIDCP, et de présenter une situation des droits de l’Homme idyllique dans le pays. Mais ils s’inquiètent de ce que le Vietnam mente maintenant sans aucun scrupule au Comité des droits de l’Homme.
« Le Vietnam a franchi un cap. Il ment dès lors éhontément à la communauté internationale auprès de laquelle il s’était engagé, en accédant au PIDCP en 1982, non seulement à respecter les droits civils et politiques mais également à l’informer honnêtement sur la situation des droits de l’Homme », a déploré la Présidente du VCHR Penelope Faulkner. « En novembre dernier, interrogé par le Comité des droits de l’Homme sur les défenseurs de l’environnement emprisonnés, le Vietnam a prétendu que l’avocat Đặng Đình Bách avait été libéré. C’est un mensonge. Đặng Đình Bách purge toujours sa peine inique, et ce dans des conditions très dures ! »
En effet, au lieu de suivre et mettre en œuvre les recommandations du Comité des droits de l’Homme, le Vietnam poursuit ses campagnes de répression tous azimuts et renforce son arsenal législatif pour étouffer les droits garantis par le PIDCP. Ces droits sont ainsi massivement et systématiquement violés au Vietnam en toute « légalité ». Les dispositions trop imprécises du Code pénal sur la « sécurité nationale » constituent les armes principales de la répression politique. Or, pratiquement toute la législation nationale contient des dispositions similaires qui restreignent les droits de l’Homme sous prétexte d’« atteintes à la sécurité nationale » ou de « menaces contre les intérêts de l’État ».
« Vague et fourre-tout, la ‘sécurité nationale’ est en fait le vernis légal pour annihiler les droits de l’Homme », a dit Penelope Faulkner aux experts de l’ONU. « Ne faisant aucune distinction entre actes violents et exercice légitime du droit à la liberté d’expression, elle transforme quiconque exerce pacifiquement ses droits en ‘criminel’ ».
Les arrestations, poursuites et condamnations pour raison de « sécurité nationale » se multiplient contre les défenseurs des droits de l’Homme, les religieux, les militants de la société civile, les défenseurs de l’environnement et tous ceux qui critiquent le gouvernement ou le Parti Communiste. Entre janvier 2019 et mars 2025, au moins 209 personnes, dont 35 femmes, ont été arrêtées du fait des critiques contre le gouvernement qu’ils auraient émises ou de leur engagement en faveur des droits de l’Homme ou de leur appartenance à des communautés religieuses minoritaires. Dans le même temps, 177 personnes, dont 28 femmes, ont été condamnées pour les mêmes raisons à des peines de prison allant jusqu’à 15 ans.
Les autorités vietnamiennes recourent ainsi de manière routinière aux incriminations de « activités visant à renverser l’administration du peuple » (article 109 du Code pénal), de « créer, stocker, diffuser des informations, des documents, des matériels contre la République Socialiste du Vietnam » (article 117) ou d’« abuser des libertés démocratiques pour nuire aux intérêts de l’État » (article 331).
Les procès iniques, les atteintes systématiques aux droits de la défense, la dégradation des conditions de détention et les mauvais traitements contre les prisonniers sont routiniers au Vietnam, en violation de l’article 14 du PIDCP. Le Code de procédures pénales de 2015 permet des détentions préventives pratiquement illimitée dans le temps, des incarcérations incommunicado prolongées et des procès secrets pour les accusés d’atteintes à la « sécurité nationale ». Les prisonniers sont eux-mêmes privés de tous leurs droits. S’ils osent se plaindre des conditions de détention, ils sont condamnés par les autorités pénitentiaires à être enchaînés ou détenus en isolement. En mai 2025, le militant du droit à la terre Trịnh Bá Phương, qui purge une peine de 10 ans d’emprisonnement en vertu de l’article 177 du Code pénal, est de nouveau poursuivi après la découverte dans sa cellule d’un document où il avait écrit « à bas le communisme ».
Le tout récent décret 121/2025 (juin 2025) portant sur les avocats sape les droits de la défense en permettant aux comités populaires provinciaux de délivrer ou retirer les licences pour exercer le métier d’avocat. Ces comités populaires étant bien souvent partie aux procès des victimes de violations pourront dès lors disqualifier les avocats de leurs contradicteurs.
Le recours à la peine de mort va croissant malgré la réduction des crimes qui en sont passibles. Les conditions de détention dans le couloir de la mort sont déplorables, s’apparentant à de la torture, et les condamnés à mort, enchaînés 23 heures 45 minutes sur 24, y sont laissés à l’abandon pendant de trop longues périodes, jusqu’à 15 ans, parce que le Président du Vietnam serait « trop occupé » pour signer les ordres d’exécution.
Les autorités vietnamiennes s’acharnent à réprimer la société civile. Dans sa directive 24 de 2023, le Parti communiste considère le développement de la société civile et des syndicats indépendants comme une réelle menace. Dans le même temps les militants indépendants de la société civile sont réprimés au prétexte d’atteintes à la sécurité nationale ou d’accusations infondées d’« évasion fiscale » ou de « divulgation de secrets d’État ». Les nouvelles réglementations visent également à contrôler la société civile ou à la réduire à la portion congrue. Le décret 126/2024 sur les associations est une véritable mise au pas des organisations non-gouvernementales qui sont dès lors placées sous le contrôle tatillon des autorités. Ce décret exige que les associations « diffusent » les directives du Parti communiste et n’acceptent que des membres irréprochables aux yeux de ce Parti. Les obstacles posés au financement, notamment étranger, des associations constituent une violation flagrante du droit à la liberté d’association.
La liberté d’expression et de la presse continue d’être restreinte sous prétexte de « menace contre les intérêts de l’État ». Le « Plan 2025 » du gouvernement vietnamien vise à empêcher que la presse s’intéresse aux questions politiques et sociales et rendent compte sur les « phénomènes négatifs ». Ses pouvoirs de révoquer arbitrairement les journalistes ont été accrus. Parallèlement de lourdes peines sont prévues pour ceux qui remettent en cause les « accomplissements de la révolution », les « héros de la nation », etc., ou qui véhiculent des « informations réactionnaires ». La liberté d’expression en ligne est gravement menacée par les obligations pour les entreprises de l’internet, y compris étrangères, de coopérer avec le gouvernement pour censurer et livrer les données personnelles des blogueurs et autres dissidents.
Le VCHR et la FIDH se sont par ailleurs fortement inquiétés de la répression transnationale contre les dissidents, les blogueurs, les défenseurs des droits de l’Homme ou les religieux. Nombre d’entre eux, qui se sont exilés à l’étranger, sont rapatriés de force et en dehors de toute voie légale (cas du blogueur Dương Văn Thái en 2023), arrêtés et menacés d’extradition à la demande du Vietnam (cas du Montagnard Y Quynh Bdap, co-fondateur de Montagnards Stand for Justice [MSFJ]). Le bonze bouddhiste Thích Minh Tuệ, en pèlerinage au Sri Lanka, a été quant à lui intercepté par la police de ce pays après que l’Église bouddhiste d’État vietnamienne l’a accusé de « menacer l’ordre public ». De son côté, le Vietnam aide à réprimer les dissidents étrangers comme dans le cas du bonze et défenseur de la culture tibétaine Tulku Hungar Dorje qui avait fui la Chine. Arrêté par les Vietnamiens épaulés par des agents chinois à Ho Chi Minh Ville, il est décédé en détention dans des circonstances troubles en mars 2025 et son corps a été incinéré de manière précipitée.
« Quatre décennies après son accession au PIDCP, le bilan des droits de l’Homme au Vietnam est déplorable. Cela est particulièrement grave alors que le Parti communiste du Secrétaire général Tô Lâm renforce son pouvoir dictatorial sur le pays en réduisant de manière drastique les maigres pouvoirs démocratiques existant jusqu’alors », a déploré Penelope Faulkner. « Le PCV et le gouvernement vietnamien feignent de collaborer avec l’ONU mais il est clair qu’ils n’ont aucune intention de protéger les droits des citoyens vietnamiens tels que garantis par le PIDCP ». —
Contact: Penelope Faulkner: + 33 6 11 89 86 81 or Vo Tran Nhat: + 33 6 62 17 42 29
This post is also available in: Anglais Vietnamien
Quê Me Quê Me: Action for democracy in Vietnam & Vietnam Committee on Human Rights
