GENÈVE, 11 mai 2024 (VCHR) – Le Comité Vietnam pour la défense des droits de l’Homme (VCHR) se félicite des 320 recommandations faites par 133 Etats pour améliorer la situation des droits humains au Vietnam, lors du 4e Examen Périodique Universel du Vietnam, devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, à Genève le 7 mai 2024. Le rapport du groupe de travail sur l’EPU du Vietnam a été adopté le vendredi 10 mai.
La VCHR remercie les nombreux pays qui ont fait leurs les préoccupations du VCHR dans leurs recommandations. Lors de la pré-session de l’EPU en février, le VCHR et son partenaire, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) ont rencontré plus de 20 délégations de pays d’Asie, d’Afrique, d’Europe et des Amériques pour exposer leurs profondes inquiétudes concernant la détérioration de la situation des droits de l’Homme au Vietnam. Le VCHR et la FIDH ont livré à cette occasion des propositions de recommandations, ainsi que leur soumission conjointe pour l’EPU et leur rapport conjoint intitulé « Une histoire de violence : les violations du droit de réunion pacifique au Vietnam ».
La soumission du VCHR et de la FIDH pour l’EPU, publiée sur le site Internet de l’ONU, a été largement citée dans le Résumé des communications des parties prenantes préparé par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH). Il s’agit de l’un des trois documents de travail officiels présentés lors de l’EPU du Vietnam, avec le rapport national du Vietnam et une compilation des informations des Nations Unies, également préparée par le HCDH.
Le VCHR regrette profondément que le Vietnam n’ait pas saisi l’occasion de ce dialogue de haut niveau pour considérer les préoccupations légitimes exprimées par les membres de l’ONU. Au contraire, la délégation vietnamienne de 24 membres, dirigée par le vice-ministre des affaires étrangères Đỗ Hùng Việt, non seulement n’a pas répondu à ces préoccupations, mais a rejeté toute forme de critique et fourni des informations trompeuses sur de nombreux points.
En fait, avant même que l’EPU ne débute, le 7 mai, le Vietnam avait montré sa mauvaise volonté à s’engager sérieusement dans ce processus. Lors d’une conférence de presse en avril, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Hanoi avait en effet dénoncé avec virulence l’ONU pour avoir publié « des informations fausses et injustifiées et de nombreux mensonges » dans la Compilation d’information de l’ONU, dans laquelle le bureau de l’ONU au Vietnam avait rapporté qu’« au moins 150 journalistes indépendants, défenseurs des droits de l’Homme et militants pour la démocratie, les droits fonciers et les droits religieux étaient toujours détenus pour avoir exercé pacifiquement leurs droits fondamentaux ». Ce bureau de l’ONU avait également critiqué la législation restrictive au Vietnam, notamment les décrets qui criminalisent l’expression d’« opinions politiques divergentes » ou des « idéologies réactionnaires » sur internet.
« Le Vietnam rejette régulièrement les rapports des ONG et de la société civile sur les violations des droits de l’Homme, mais c’est la première fois que Hanoi accuse ouvertement l’ONU de mentir. Ce sont des accusations extrêmement graves », a déclaré Penelope Faulkner, présidente du VCHR. « Le Vietnam n’a clairement pas sa place au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU et ils osent encore postuler pour un second mandat en 2026-2028 ! »
Les 320 recommandations faites lors de l’EPU mettent en lumière un large éventail de questions telles que la détention arbitraire et le harcèlement des journalistes, des défenseurs des droits de l’Homme et des militants pour le climat, les conditions de détention inhumaines et le manque d’accès aux traitements médicaux, l’utilisation généralisée de la peine de mort, les violations de la liberté d’expression, d’association, de réunion et de la liberté de religion ou de croyance, les droits des femmes et des enfants, la traite des êtres humains, la torture, les droits des travailleurs et les procès iniques. De nombreux États ont observé que « le rétrécissement de l’espace de liberté de la société civile et la criminalisation des militants » s’étaient intensifiés depuis le dernier EPU du Vietnam en 2019.
Répondant à ce qu’il a appelé avec dédain le « soi-disant rétrécissement des espaces pour la société civile », le chef de la délégation vietnamienne Đỗ Hùng Việt a déclaré : « Je ne suis pas d’accord sur ce point. Si nous accueillons toujours favorablement les critiques constructives, nous ne pouvons tolérer la diffusion de fausses informations susceptibles de provoquer l’instabilité ou de porter atteinte à notre sécurité nationale ». Affirmant que le Vietnam n’emprisonnait que les personnes qui avaient violé la loi, il a exhorté la communauté internationale à « adopter la perspective de l’oiseau » sur la situation des droits de l’Homme au Vietnam et à voir « la belle forêt plutôt que quelques branches cassées » (sic).
Au lieu de répondre aux questions spécifiques des États membres de l’ONU, les représentants des ministères vietnamiens des Affaires étrangères, de la Sécurité publique, de la Justice, de l’Information et de la Communication, du Plan et de l’Investissement, du Travail, des Invalides et des Affaires sociales, du Comité gouvernemental pour les affaires religieuses, du Parquet populaire suprême, du Comité pour les affaires des minorités ethniques et de l’Académie nationale de politique Ho Chi Minh se sont bornés à lire des déclarations préparées à l’avance pour vanter la réussite de la promotion et du respect des droits de l’Homme par le Vietnam dans tous les domaines.
Dans certains cas, leurs déclarations ont fourni des informations trompeuses. En ce qui concerne, par exemple, le droit à la liberté de réunion pacifique, le ministère de la Sécurité publique a déclaré que le Vietnam n’avait pas encore adopté de loi sur les manifestations, mais que « le droit du peuple à participer à de grandes réunions et à des manifestations est garanti par le décret 38 de 2005 ». En réalité, le décret 38/2005 interdit les rassemblements devant les agences de l’Etat et les bâtiments publics, et la circulaire 9/2005 sur la mise en œuvre du décret 38 interdit les rassemblements de plus de cinq personnes sans l’autorisation des autorités.
Etant donné la brièveté du temps de parole (50 secondes par Etat membre), plusieurs pays ont soumis à l’avance des questions écrites à la délégation vietnamienne. L’Allemagne a ainsi demandé le nombre des personnes poursuivies en vertu des dispositions du Code pénal vietnamien relatives à la « sécurité nationale », telles que les articles 109, 117 et 331, au cours de ce cycle de l’EPU, le nombre des personnes ayant fait appel et celui de celles ayant été libérées pour avoir été reconnues innocentes. Les Pays-Bas et les États-Unis ont exprimé leur préoccupation concernant la récente répression des défenseurs des droits de l’environnement, y compris Đặng Đình Bách et Hòang thị Minh Hồng, condamnés à des peines de prison allant jusqu’à cinq ans pour une prétendue « évasion fiscale », demandant « comment le Vietnam explique leur traitement et leur condamnation si particuliers alors que près de 99% des cas d’évasion fiscale au Vietnam ne donnent pas lieu à une détention provisoire ni à de longues peines d’emprisonnement ? » À la suite de l’exil de plusieurs avocats vietnamiens aux Etats-Unis pour éviter les harcèlements et les poursuites, le Royaume-Uni a demandé « quelles mesures le Vietnam va-t-il prendre pour s’assurer que les avocats soient en mesure de pratiquer librement et de représenter leurs clients dans les affaires judiciaires sans crainte de harcèlement, d’intimidation ou d’arrestation ». Aucune de ces questions n’a reçu de réponse.
Plusieurs pays ont appelé le Vietnam à améliorer la situation des droits des travailleurs, à garantir le droit de grève et à établir des syndicats indépendants, recommandant au Vietnam de ratifier la Convention de l’OIT sur la liberté d’association et la protection du droit syndical, comme il s’y était engagé lors de la ratification de l’accord de libre-échange UE-Vietnam (EVFTA) en 2020.
L’application de la peine de mort a été l’une des principales préoccupations soulevées, de nombreux pays demandant au Vietnam d’instaurer un moratoire sur les exécutions et d’envisager l’abolition totale de la peine capitale, d’abolir la peine de mort pour les crimes non violents, y compris les infractions liées à la sécurité nationale, et de fournir des statistiques officielles concernant les condamnations à mort et les exécutions. Les 320 recommandations couvrent de nombreuses autres questions, notamment la réforme du système juridique pour garantir le droit à un procès équitable, l’envoi d’invitations permanentes aux rapporteurs spéciaux des Nations Unies et la création d’une institution nationale indépendante de défense des droits de l’Homme conforme aux principes de Paris.
Le Vietnam doit répondre au groupe de travail de l’EPU avant la 57e session du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, en septembre-octobre 2024, pour indiquer les recommandations qu’il rejette ou accepte de mettre en œuvre au cours des quatre prochaines années avant le cinquième cycle d’EPU.
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