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Vietnam : La loi révisée sur la presse et la nouvelle loi sur l’accès à l’information font obstacle à la liberté d’expression et au droit de savoir

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PARIS, 6 avril 2016 (VCHR) – La loi révisée sur la presse et la toute nouvelle loi sur l’accès à l’information, adoptées par l’Assemblée Nationale vietnamienne à une très large majorité (respectivement 89,5% et 97,5% des votes) les 5 et 6 avril 2016, renforcent l’arsenal légal liberticide du Vietnam alors que les autorités vietnamiennes ont accentué leur répression contre la liberté d’expression.

« Depuis deux semaines, sept personnes ont été arbitrairement condamnées à plus de 22 ans de prison pour avoir exercé de façon tout à fait légitime leur liberté d’expression et de manifester et le ministre de la Sécurité publique est devenu président du pays. Ces lois ne font que confirmer l’offensive tous azimuts contre les droits de l’Homme au Vietnam », a dit le Président du VCHR Võ Văn Ái. « Avec ces lois, l’Etat-Parti verrouille tous les débats, politiques, historiques, religieux, de société, etc., et se donne les moyens de cacher ce qu’il veut à sa population ».

La nouvelle loi sur la presse apparaît davantage comme un bouclier pour protéger le régime en place contre toute forme d’expression libre que comme une loi pour la presse. En effet, elle accroît considérablement le nombre des interdictions (de 4 à 13), qui sont extrêmement vagues et restreignent d’autant la liberté de la presse. La loi interdit par exemple la publication d’« informations déformées sur la République Socialiste du Vietnam », la « diffamation contre le gouvernement », les articles allant à l’encontre de la « politique d’unité internationale », les nouvelles « alarmistes » le fait de « semer la division entre le peuple et l’Etat », elle protège les « secrets d’Etat » qui ne sont pas définis précisément et peuvent recouvrir n’importe quel document selon le bon vouloir des autorités. Allant à l’encontre des recommandations des Nations Unies et des ONG, la loi incrimine tout un éventail de comportements ou d’actes dont l’appréciation est laissée aux seules autorités comme le « style de vie dépravé », la « violation des traditions et valeurs du pays », ou encore la « déformation de l’Histoire, le fait de nier les réussites révolutionnaires ou les offenses à la nation ou à ses héros ».

En matière de liberté religieuse, la « superstition » est interdite sans que personne ne puisse dire de quoi il s’agit, tout comme le fait de « semer la division entre les personnes religieuses et non-religieuses, entre les personnes de religions différentes, entre les personnes religieuses et l’Etat ». Il s’agit de la reprise de l’article 87 du Code pénal sur les atteintes à la « sécurité nationale » qui est utilisé par les autorités vietnamiennes pour réprimer l’exercice légitime et non-violent de la liberté de religion ou de croyance. De façon inquiétante, la loi comprend désormais une disposition interdisant les propos « offensant les croyances religieuses » alors que l’ONU et l’ensemble de la société civile internationale considèrent la question de la diffamation contre les religions comme particulièrement problématique du point de vue de la liberté d’expression.

Par ailleurs, la nouvelle loi maintient le contrôle d’Etat sur les journalistes qui devront continuer à demander tous les 5 ans le renouvellement de leur carte de presse. La loi sur presse doit entrer en vigueur le 1er janvier 2017.

La loi sur l’accès à l’information, qui doit entrer en vigueur le 1er juillet 2018, est également préoccupante à l’aune de la liberté d’expression et du droit de savoir qui est aussi la liberté de rechercher des informations. Le projet de loi avait été sévèrement critiqué en octobre 2015 par le Centre for Law and Democracy qui, en l’état, plaçait le Vietnam parmi les plus mauvais élèves en la matière. Tout d’abord, le droit d’accès à l’information des citoyens n’apparaît pas, au Vietnam, comme un droit inhérent à la personne mais est octroyé par la loi.

Ensuite, cette loi n’a pas préséance sur les autres lois restrictives de la liberté d’expression (dispositions du Code pénal sur la « sécurité nationale » ou sur « l’abus des libertés fondamentales pour nuire aux intérêts de l’Etat », lois sur la presse, etc.) et, comme celles-ci, recourent à des formulations vagues comme « l’ordre social et l’éthique », les « secrets d’Etat », les « informations confidentielles », la « défense nationale et la sécurité », les « intérêts de la nation et de l’Etat », la « propagande » pour restreindre l’accès auxdites informations. Il est à noter que seuls les documents expressément déclassifiés par le gouvernement et produits après l’entrée en vigueur de la loi seront concernés par ce droit d’accès et qu’il n’est prévu aucun délai au delà duquel les informations entrent dans le domaine public.

En outre, la loi reste dissuasive et contraignante, obligeant les personnes recherchant les informations à bien préciser leur identité (avec production de leur carte d’identité ou leur passeport) et leur adresse, ainsi que les raisons pour lesquelles elles demandent l’accès à l’information. La loi n’oblige pas l’administration à délivrer un reçu pour les demandes d’information, les citoyens n’auront donc aucune preuve de leur requête en cas de contestation. La « mauvaise utilisation de l’information » est punie. Si l’obstruction des autorités à l’accès à l’information est répréhensible, il n’a pas été mis en place de mécanisme de recours indépendant. Enfin, la loi ne traite pas de la question des donneurs d’alerte, alors que ceux-ci sont généralement durement réprimés comme dans le cas de Nguyễn Mạnh Hà et Trần Anh Hùng qui avaient été condamnés, en octobre 2013, à 5 et 6 ans de prison pour avoir révélé à la presse un rapport du gouvernement sur un projet urbain controversé à Nha Trang.

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