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Le Vietnam refuse de répondre aux préoccupations concernant les droits de l’Homme lors de son Examen Périodique Universel

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GENEVE, 27 septembre 2024 (VCHR) – Intervenant aujourd’hui à la 57e session du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU à Genève au nom de la FIDH et du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (VCHR), la Présidente du VCHR Penelope Faulkner a informé l’ONU que « les représailles contre les défenseurs des droits humains, l’existence des prisonniers politiques et la répression contre les membres de la société civile et des groupes religieux non enregistrés sont bien réelles [au Vietnam]. Il ne s’agit pas “d’évaluations inexactes et sans fondement”, comme le prétend Hanoi », a-t-elle déclaré (voir texte intégral ci-dessous).

La FIDH et le VCHR commentaient le rapport du quatrième Examen Périodique Universel (EPU) du Vietnam adopté aujourd’hui par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU. Sur les 320 recommandations faites par 133 États membres lors de l’EPU du Vietnam en mai 2024, le Vietnam a annoncé en avoir accepté 271 (soit 85%), en totalité ou partie. Cependant, 49 recommandations clés pour une action rapide et concrète en faveur des droits de l’Homme ont été catégoriquement rejetées par l’État communiste.

« L’acceptation totale ou partielle par le gouvernement de 85 % des recommandations de l’EPU ne doit pas tromper. Le diable se cache dans les détails et le rejet par Hanoi de nombreuses recommandations relatives à des droits civils et politiques essentiels est très préoccupant », a déclaré Mme Faulkner devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU. L’attitude du Vietnam lors du 4e EPU « n’est pas digne d’un membre du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU et montre que ce gouvernement est déterminé à continuer sur la voie de la répression de la société civile indépendante pour un autre cycle de l’EPU ».

Les 49 recommandations rejetées par le Vietnam comprennent des appels des États membres de l’ONU à :

  • mettre fin à la pratique des arrestations et détentions arbitraires des défenseurs des droits de l’Homme, des dissidents politiques et des journalistes (Norvège)
  • libérer les personnes emprisonnées pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, d’association ou de réunion (Suisse)
  • enquêter sur les menaces et les représailles contre les défenseurs des droits de l’Homme (Argentine)
  • créer un mécanisme national pour surveiller les prisons et les centres de détention afin de prévenir la torture, les mauvais traitements et les punitions cruelles ou dégradantes (Pérou)
  • garantir des procès équitables (Pays-Bas)
  • lever toutes les restrictions légales au droit à la liberté d’opinion et d’expression et à l’accès à l’internet (Estonie)
  • mettre fin au renoncement forcé à la foi contre les membres de groupes religieux non enregistrés (États-Unis)
  • améliorer l’environnement pour les activités de la société civile (Slovaquie), et
  • reconnaître officiellement les peuples indigènes (Costa Rica, Mexique).

Le Vietnam a également rejeté les recommandations visant à modifier la loi sur la cybersécurité, la loi sur les croyances et la religion, le code pénal ainsi que d’autres lois restrictives afin de les mettre en conformité avec les normes internationales en matière de droits de l’Homme ; à adresser une invitation permanente à tous les mandats des procédures spéciales à se rendre au Vietnam ; à revoir les restrictions légales au droit de grève ; à réduire le nombre de crimes passibles de la peine de mort, à assurer une plus grande transparence sur l’application de la peine de mort et à lancer un débat public sur l’abolition éventuelle de la peine de mort.

Les organisations ont exprimé une inquiétude particulière quant au rejet par le Vietnam des recommandations faites par 10 États membres de réviser ou d’abroger les dispositions vagues et fourre-tout sur la « sécurité nationale » du Code pénal de 2015, en particulier les articles 109, 116, 117 et 331 qui sont utilisés de manière routinière pour arrêter et poursuivre les défenseurs des droits de l’Homme, les journalistes, les blogueurs, les membres de groupes religieux indépendants, les militants des droits des travailleurs et des droits sur la terre ainsi que les dissidents politiques. Le Vietnam a déclaré que ces recommandations étaient « inappropriées » et qu’il n’avait « aucun plan pour réviser » ces dispositions relatives à la sécurité nationale avant le prochain cycle de l’EPU en 2028.

En réalité, a observé Mme Faulkner, « ces soi-disant dispositions relatives à la sécurité nationale sont la pierre angulaire de la répression gouvernementale » au Vietnam.

Depuis janvier 2024, 44 défenseurs des droits de l’Homme, journalistes, religieux et militants de la société civile ont été arrêtés et/ou condamnés pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression, de religion, d’association ou de réunion. 26 personnes, dont quatre femmes, ont été condamnées à un total de plus de 153 ans de prison. Presque toutes ont été reconnues coupables en vertu des articles 331, 117, 116 et 109. Les deux exceptions étaient le Montagnard chrétien Y Quynh Bdap, condamné à 10 ans de prison par contumace prétendument pour « terrorisme », et l’experte des questions énergétiques Ngô Thị Tố Nhiên, condamné à 3 ans et demi de prison, lors d’un procès secret en juin 2024, pour « appropriation d’informations ou de documents » (article 342 du Code pénal). La condamnation de Mme Nhiên est la dernière en date d’une inquiétante campagne de répression contre les défenseurs des droits environnementaux et les militants de la lutte contre le changement climatique.

À cet égard, Mme Faulkner a exprimé sa profonde inquiétude quant au sort de l’avocat écologiste Đặng Đình Bách, condamné à 5 ans de prison lors d’un procès inique et politique pour « évasion fiscale ». Il est détenu dans des conditions extrêmement dures dans la tristement célèbre prison n°6 de la province de Nghe An, privé de ses droits fondamentaux et soumis à un traitement discriminatoire de la part des autorités pénitentiaires.

Parmi les autres militants de premier plan emprisonnés lors de cette répression en 2024 figurent Nguyễn Chí Tuyên (Anh Chí), Nguyễn Vũ Bình (5 et 7 ans de prison respectivement) et Trương Huy San (Osin Huy Đức), actuellement en attente de son procès. Le 21 septembre 2024, plus de 90 universitaires et journalistes internationaux de renom ont signé une lettre ouverte appelant à la libération immédiate de Huy Đức.

La 57e session du Conseil des droits de l’Homme de L’ONU, qui a débuté le 9 septembre et doit se poursuivre jusqu’au 9 octobre, a dès le début été marquée par une série de déclarations très médiatisées dénonçant les violations croissantes des droits de l’Homme au Vietnam.

Lors de la séance d’ouverture, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, Volker Turk, a déploré la « répression contre les activistes » au Vietnam. L’ambassadrice de l’UE, Lotte Knudsen, a exprimé la « profonde inquiétude de l’UE face au rétrécissement de l’espace de la société civile au Vietnam et aux arrestations continues des défenseurs des droits de l’Homme, des droits des travailleurs et des experts environnementaux ». Elle a exhorté le Vietnam à « s’assurer à ce que la société civile puisse participer librement à tous les aspects du développement » et à « libérer toutes les personnes emprisonnées pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions et à garantir le droit à un procès équitable pour tous ».

Le 10 septembre, dans son rapport sur les représailles contre les personnes collaborant avec les mécanismes de l’ONU, le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (OHCDH) s’est inquiété du fait que « les organisations de la société civile [au Vietnam] se sont abstenues de s’engager publiquement auprès des organes de l’ONU chargés des droits de l’Homme […] par crainte de représailles ». En conséquence, les contributions de la société civile au quatrième cycle de l’EPU ont été considérablement réduites. En effet, les représentants du VCHR qui avaient assisté à la session de l’EPU du Vietnam en mai 2024 ont observé qu’aucune organisation de la société civile n’était venue du Vietnam, contrairement aux cycles précédents de l’EPU. Les activistes vietnamiens ont déclaré en privé au VCHR qu’ils avaient boycotté la session en raison des menaces et des pressions exercées par les autorités vietnamiennes.

Le 18 septembre, dans son rapport au Conseil des droits de l’Homme sur sa visite au Vietnam en novembre 2023, le Rapporteur spécial sur le droit au développement, Surya Deva, s’est dit « très préoccupée » par les « arrestations et condamnations de plusieurs défenseurs des droits de l’Homme et de l’environnement pour des accusations comme l’évasion fiscale ». Il a également regretté « l’utilisation sélective » des articles 117 et 331 du Code pénal « pour cibler les voix qui critiquent les décisions et les politiques du gouvernement ».

Intervention orale de la FIDH
à la 57e Session du Conseil des droits de l’Homme
Point 6, Adoption du Rapport de l’EPU du Vietnam
lue par la Présidente du VCHR Penelope Faulkner

Madame la Vice-Présidente,

La FIDH et le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme sont extrêmement préoccupés par l’attitude du gouvernement vietnamien lors de son actuel EPU. Elle n’est pas digne d’un membre du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU et montre que ce gouvernement est déterminé à continuer sur la voie de la répression de la société civile indépendante pour un autre cycle de l’EPU.

L’acceptation totale ou partielle par le gouvernement de 85 % des recommandations de l’EPU ne doit pas tromper. Le diable se cache dans les détails et le rejet par Hanoi de nombreuses recommandations relatives à des droits civils et politiques essentiels est très préoccupant.

N’ont ainsi pas été acceptées les recommandations appelant à modifier ou abroger des textes, comme les articles 117 et 331 du code pénal, qui sont régulièrement utilisés pour punir les personnes n’ayant fait qu’exercer leurs droits humains.

Ces soi-disant dispositions relatives à la sécurité nationale sont la pierre angulaire de la répression gouvernementale. Depuis janvier, au moins 26 personnes, dont quatre femmes, ont été condamnées à des peines de prison jusqu’à 14 ans lors de procès iniques et politiques. Presque tous ont été reconnus coupables au titre des articles 117 et 331.

Les représailles contre les défenseurs des droits humains, l’existence des prisonniers politiques et la répression contre les membres de la société civile et des groupes religieux non enregistrés sont bien réelles. Il ne s’agit pas « d’évaluations inexactes et sans fondement », comme le prétend Hanoi.

Le harcèlement des défenseurs des droits humains et de leurs familles se poursuit sans relâche et le Vietnam détient environ 200 prisonniers politiques. Ils pourraient bientôt être rejoints par le défenseur des droits humains montagnard et demandeur d’asile Y Quynh Bdap, si les efforts de Hanoi de le faire extrader de Thaïlande réussissent.

Les prisonniers politiques comme l’avocat écologiste Dang Dinh Bach sont toujours détenus dans des conditions difficiles, avec notamment l’isolement prolongé et le refus de soins médicaux adéquats.

Nous sommes inquiets du refus du gouvernement d’accepter les recommandations de libérer les personnes privées de liberté pour avoir exercé leurs droits.

Le gouvernement a également rejeté la quasi-totalité des recommandations relatives à la peine de mort. Les promesses de Hanoi de limiter l’application de la peine de mort aux « crimes les plus graves » et ses assurances que son utilisation « est toujours strictement conforme au Pacte international relatif aux droits civils et politiques » sont contredites par l’imposition de la peine de mort pour des crimes financiers, en violation flagrante de l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Nous demandons instamment aux États membres de l’ONU de faire pression sur le gouvernement vietnamien pour qu’il libère tous les prisonniers politiques, qu’il s’attaque sérieusement à la question des violations persistantes des droits humains, qu’il mette fin à l’impunité et qu’il engage les réformes juridiques, institutionnelles et démocratiques qui s’imposent.

Nous vous remercions.

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