Le Parlement européen,
— vu le rapport annuel de l’Union européenne sur les droits de l’homme en 2005,
— vu ses résolutions précédentes sur le Cambodge, le Laos et le Vietnam, et en particulier sa résolution du 28 avril 2005 sur les droits de l’homme dans le monde en 2004,
— vu les accords de coopération de 1997 entre la Communauté européenne, d’une part, et le Royaume du Cambodge et la République démocratique populaire lao, d’autre part, et vu l’accord de coopération de 1995 entre l’Union européenne et la République socialiste du Vietnam,
— vu les orientations de l’Union européenne concernant les défenseurs des droits de l’homme, adoptées par le Conseil le 14 juin 2004,
— vu l’article 103, paragraphe 4, de son règlement,
A. reconnaissant les progrès importants effectués ces dernières années par les trois pays sur le plan du développement économique et soutenant les efforts qu’ils consentent pour s’engager dans des forums multilatéraux avec des partenaires régionaux et non régionaux,
B. soutenant les actions entreprises par l’Union européenne, par ses États membres et par d’autres membres de la communauté internationale en vue de soutenir leurs programmes gouvernementaux de réduction de la pauvreté,
C. regrettant qu’aux réformes économiques et sociales ne répondent toujours pas des réformes appropriées sur le plan des droits politiques et des droits civils,
D. se réjouissant que les groupes de travail Union européenne-Vietnam et Union européenne-Laos sur le renforcement des institutions, sur la réforme administrative, sur la gouvernance et sur les droits de l’homme se soient réunis pour la première fois en juin 2005, mais estimant que la situation des droits fondamentaux reste préoccupante,
CAMBODGE
E. considérant que, le 3 février 2005, l’Assemblée nationale du Royaume du Cambodge a levé l’immunité parlementaire de trois membres du parti Sam Rainsy (PSR) – Sam Rainsy lui-même, son président, ainsi que Chea Poch et Cheam Channy,
F. considérant que Cheam Channy et Khom Piseth, son suppléant, ont été jugés par une cour militaire, alors que le droit interne cambodgien ne permet pas de traduire des civils devant des cours militaires,
G. considérant que cette cour militaire n’a pas respecté les droits de la défense et que Cheam Channy a été condamné à sept années d’emprisonnement et, par la suite, a été déchu de son mandat parlementaire,
H. considérant que la situation des femmes au Cambodge est particulièrement préoccupante, car elles sont confrontées à la discrimination et à des difficultés considérables dans divers domaines, comme le Parlement l’a déclaré dans sa résolution du 13 janvier 2005 sur la traite des femmes et des enfants au Cambodge,
I. considérant que la levée de l’immunité parlementaire des trois députés de l’opposition précités, les arrestations et détentions récentes de journalistes (Mam Sonando, directeur de la station de radio La Ruche) et d’enseignants (Rong Chhun, président de l’Association indépendante des enseignants du Cambodge) et les chefs d’accusation signifiés à l’encontre de Chea Mong, le président du Syndicat libre des travailleurs, de Men Nath, le président de l’Association des fonctionnaires et d’Ea Channa, un membre du Mouvement des étudiants pour la démocratie, sont révélateurs de la détérioration générale de l’état des libertés civiles au Cambodge et de la répression des dissidents politiques,
J. considérant qu’il n’y a pas de garantie quant à l’indépendance et à l’impartialité du système judiciaire et, par voie de conséquence, quant à sa capacité à juger, en dehors de toute ingérence politique, les dirigeants khmers rouges devant le tribunal spécialement créé,
LAOS
K. considérant que, en dépit d’admonestations sévères de l’Union européenne, d’organisations internationales et d’autres membres de la communauté internationale, les autorités de la République démocratique populaire lao continuent à prendre des mesures restrictives à l’encontre de la liberté d’expression, de la liberté de la presse, de la liberté d’association, de la liberté de réunion et de la liberté religieuse,
L. considérant que les médias internationaux et les organisations de protection des droits de l’homme continuent à faire état d’abus à l’encontre des Hmong du Laos, dont la situation humanitaire reste effroyable,
M. considérant que les principaux dirigeants du Mouvement, pacifique du 26 octobre 1999 qui avaient réclamé des réformes démocratiques – Thongpraseuth Keuakoun, Seng Aloun Phengphanh, Bouavanh Chanmanivong et Keochay –, sont toujours détenus et qu’un autre de ses dirigeants, Khamphouvieng Sisa-At, est mort en prison à la suite de mauvais traitements et de privations,
N. considérant qu’il a été refusé à des observateurs internationaux, en particulier à ceux d’Amnesty International, d’avoir librement accès au territoire laotien,
VIETNAM
O. se réjouissant que le Vietnam ait adopté, en juin 2005, le plan directeur et le plan d’action pour le développement des relations du Vietnam avec l’Union européenne, à l’horizon 2010, et que le gouvernement soit plus disposé à discuter des questions de droits de l’homme,
P. reconnaissant les progrès substantiels effectués par la République socialiste du Vietnam dans la voie des droits économiques et sociaux, que révèlent les indicateurs sociaux et l’indice de développement humain du PNUD,
Q. considérant que les autorités vietnamiennes imposent encore des restrictions à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, en particulier en ayant institué, en 2004, une force de police pour censurer l’Internet et en emprisonnant pour espionnage des cyberdissidents, par exemple Nguyen Dan Que, Pham Hong Son, Nguyen Vu Binh et Nguyen Khac Toan, au seul motif qu’ils avaient diffusé des informations sur Internet,
R. considérant que les minorités indigènes des hauts plateaux (centre et nord), les Montagnards, notamment, sont victimes de discriminations et de mesures telles que la confiscation de terres ancestrales et la répression religieuse,
S. considérant que, depuis 1975, l’Église bouddhique unifiée du Vietnam (EBUVN) est systématiquement persécutée à cause de son engagement en faveur de la liberté religieuse, des droits de l’homme et de la réforme démocratique, qu’elle est proscrite depuis 1981, que ses biens ont été confisqués, que ses écoles, ses universités, ses institutions sociales et culturelles ont été détruites, et que Thich Huyen Quang, patriarche de l’EBUVN, et Thich Quang Do, son adjoint, sont détenus arbitrairement depuis près de vingt-cinq ans,
T. considérant que les membres des comités locaux de l’EBUVN établis en 2005 dans neuf provinces du Vietnam central et du Vietnam méridional sont harcelés de manière systématique par la police parce qu’ils aident la population de ces provinces pauvres et que Thich Vien Phuong, moine de l’EBUVN, a été condamné à une amende équivalant à quarante-trois mois du salaire de base au seul motif qu’il a filmé un appel de Thich Quang Do à la Commission des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies en avril 2005 en faveur des droits de l’homme et de la démocratie au Vietnam,
U. prenant bonne note du témoignage de Thich Thien Minh, moine bouddhiste, qui a quitté il y a peu un camp de rééducation, où il avait été détenu pendant vingt-six ans, sur le sort terrible fait aux prisonniers du camp Z30A de Xuan Loc, en particulier à deux prêtres catholiques romains Pham Minh Tri et Nguyen Duc Vinh, détenus pendant plus de dix-huit ans, et à Ngo Quang Vinh, âgé de 87 ans, membre de la secte bouddhique Hoa Hao,
V. prenant acte qu’en dépit d’une nouvelle loi sur la foi et la religion promulguée en 2004 dans le but de codifier tous les aspects de la vie religieuse, de nombreuses restrictions imposées à l’Église bouddhique unifiée du Vietnam et aux Églises protestantes, l’Église mennonite incluse, restent en place,
W. considérant que le Comité des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies a fait des recommandations (réf. CCPR/CO/75/VNM, du 26 juillet 2002) aux autorités vietnamiennes en ce qui concerne la Stratégie de développement de la justice, un plan décennal cofinancé par des pays donateurs, parmi lesquels quelques États membres de l’Union européenne,
CAMBODGE
1. exprime son soutien au représentant spécial du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies pour les droits de l’homme au Cambodge et demande avec insistance que soit institué le plus rapidement possible le tribunal indépendant sur les Khmers rouges, comme décidé avec l’ONU en juin 2003 ;
2. demande aux autorités cambodgiennes :
— de libérer Cheam Channy immédiatement et sans conditions, de lui rendre son mandat parlementaire et de rétablir l’immunité parlementaire de Sam Rainsy et des deux autres représentants de son parti, comme sa résolution du 10 mars 2005 sur le Cambodge et celle de l’Union interparlementaire du 19 octobre 2005 le réclamaient déjà ;
— de s’engager dans des réformes politiques et institutionnelles en vue d’édifier un État démocratique régi par la primauté du droit et fondé sur le respect des libertés fondamentales ; et
— de faire la preuve de leur volonté de lutter avec efficacité contre les fléaux endémiques que sont la corruption, la déforestation massive, et les déplacements de personnes qu’elle entraîne, ainsi que l’industrie du tourisme sexuel, de refuser la culture actuelle de l’impunité et de traduire en justice toute personne impliquée dans de tels actes ;
3. invite le Conseil et la Commission à instituer un groupe de travail sur le renforcement des institutions, sur la réforme administrative, sur la gouvernance et sur les droits de l’homme et à lui faire rapport sur ses résultats ;
4. suggère, entre autres, qu’une délégation ad hoc du Parlement européen se rende au Cambodge aussi rapidement que possible afin d’évaluer la situation des parlementaires détenus, des représentants des médias et des dirigeants syndicaux dans le pays ainsi que pour mettre fin à la détention de tous les prisonniers politiques ;
LAOS
5. demande aux autorités laotiennes :
— de libérer tous les prisonniers politiques et tous les prisonniers de conscience, y compris les dirigeants du Mouvement du 26 octobre 1999, les chrétiens incarcérés pour ne pas avoir renoncé à leur foi, les Hmong, et en particulier Thao Moua et Pa Phue Khang, les guides employés par des journalistes européens en visite et arrêtés en 2003 ;
— de concevoir et de mettre en œuvre le plus rapidement possible toutes les réformes nécessaires pour démocratiser le pays, garantir l’expression pacifique de l’opposition politique et assurer la tenue rapide d’élections pluralistes sous contrôle international, en vue d’une réconciliation nationale ;
— de mettre en œuvre des programmes permettant l’intégration des Hmong du Laos et d’autres minorités ethniques et religieuses dans la société laotienne tout en préservant leurs droits sociaux et politiques de manière à améliorer d’urgence leur situation en matière de droits de l’homme et de conditions de vie ;
— d’accorder à des agences spécialisées de l’Organisation des Nations unies et à des représentants des organisations humanitaires toute liberté d’accès pour qu’ils puissent se rendre auprès des prisonniers politiques, de la population Hmong et de toutes les minorités ethniques et religieuses du Laos ;
— de ratifier sans délai le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
6. demande à la Commission de surveiller de près la situation de la communauté hmong du Laos et les programmes gouvernementaux destinés aux minorités ethniques ;
VIETNAM
7. demande aux autorités vietnamiennes :
— de poursuivre, à l’occasion du trentième anniversaire de la fin de la guerre du Vietnam, un dialogue authentique qui associe toutes les catégories de la population au développement économique, social, intellectuel et politique du Vietnam ;
— d’entreprendre des réformes politiques et institutionnelles qui conduisent à la démocratie et à l’état de droit, en commençant par instaurer le multipartisme et par permettre à tous les courants d’opinion de s’exprimer ;
— de mettre en œuvre la Stratégie de développement de la justice, conformément aux recommandations du Comité des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies et aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politique ;
— de mettre fin à toute forme de répression des membres de l’Église bouddhique unifiée du Viêt-nam et de reconnaître officiellement son existence ainsi que celle des autres Églises, non reconnues, du pays ;
— de libérer tous les prisonniers politiques et prisonniers de conscience vietnamiens, emprisonnés pour avoir exercé, légitimement et pacifiquement, leurs droits à la liberté d’opinion, à la liberté d’expression, à la liberté de la presse et à la liberté de religion, notamment Thich Huyen Quang et Thich Quang Do, que les Nations unies considèrent comme victimes de détention arbitraire ;
— de garantir la plénitude des droits fondamentaux consacrés par la Constitution du Vietnam et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment en autorisant l’apparition d’une presse authentiquement libre ;
— de rapatrier, sans risques pour leur sécurité, en vertu de l’accord Cambodge-Vietnam-HCNUR, les Montagnards qui ont fui le Vietnam et d’autoriser le HCNUR et des ONG internationales à superviser correctement le sort des rapatriés ;
GÉNÉRALITÉS
8. soutient les projets, à financer par la Commission, visant à favoriser l’extension du journalisme et à aider les programmes de renforcement des capacités au sein de l’Assemblée nationale laotienne ainsi que, au Vietnam, les actions émanant du groupe de travail sur le renforcement des institutions, sur la réforme administrative, sur la gouvernance et sur les droits de l’homme ;
9. demande au Conseil et à la Commission de l’associer totalement aux travaux des groupes de travail Vietnam- Union européenne et Laos-Union européenne sur le renforcement des institutions, sur la réforme administrative, sur la gouvernance et sur les droits de l’homme ;
10. invite le Conseil et la Commission à évaluer de manière circonstanciée les politiques de mise en œuvre poursuivies au Cambodge, au Laos et au Vietnam depuis la signature des accords de coopération et d’association, compte tenu de l’article premier de ces accords, lequel rappelle que le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux est une partie essentielle de ceux-ci, et de l’informer des résultats ;
11. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au secrétaire général des Nations unies et aux gouvernements ainsi qu’aux parlements du Laos, du Vietnam et du Cambodge.