PARIS, 6 novembre 2006 (BIIB) – La Fondation Rafto à Bergen, en Norvège, a attribué le Prix 2006 à la Mémoire du Professeur Thorolf Rafto au Vénérable Thich Quang Do, deuxième dignitaire de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, indépendante, interdite arbitrairement en 1981) pour « pour son courage personnel et la persévérance avec laquelle il s’oppose pacifiquement depuis trois décennies au régime communiste au Vietnam ». La cérémonie de remise du Prix s’est déroulée au Théâtre National de Bergen, le samedi 4 novembre 2006, en présence de M. Thorbjom Jagland, Président du Parlement norvégien (Storting) et deuxième personne la plus importante de Norvège après le roi, M. Herman Friele, Maire de la ville de Bergen, des membres du Parlement, des artistes et personnalités de toute la Norvège. Onze anciens lauréats du Prix Rafto étaient également présents pour célébrer cette remise du Prix à l’occasion du 20ème anniversaire de la création de la Fondation Rafto, dont le Prix Nobel Shirin Ebadi (Iran), les défenseurs des droits de l’Homme et anciennes prisonnière politiques Rebiya Kadeer (Ouïghouristan) et Leyla Zana (Kurdistan). Plusieurs autres lauréats du Prix Rafto, comme Daw Aung San Suu Kyi, restent en détention dans leur pays. Thich Quang Do, qui est actuellement assigné à résidence, n’a pas pu assister à la cérémonie et a demandé à Vo Van Ai, porte-parole de l’EBUV et Président de Quê Me : Action pour la Démocratie au Vietnam, de chercher le Prix en son nom.
Pendant la cérémonie, la communauté vietnamienne de Norvège a organisé une veillée devant le Théâtre, avec torches et bannières exigeant la libération de Thich Quang Do, la démocratie et les droits de l’Homme pour le Vietnam. Plusieurs poètes, musiciens et chanteurs renommés de Norvège, dont le violoncelliste Sebastian Dorfler et la chanteuse Nathalie Nordnes, se sont produit grâcieusement lors de la Cérémonie en l’honneur de Thich Quang Do et du mouvement démocratique vietnamien.
Dans son discours, le Président du Comité de direction de la Fondation Rafto Arne Lijedahl Lynngård a exprimé les profondes préoccupations de la Fondation concernant la situation des droits de l’Homme au Vietnam et expliqué les raisons du choix de Thich Quang Do comme lauréat du Prix Rafto 2006 :
Discours de Arne Lijedahl Lynngård, Foundation Rafto,
Bergen 4 novembre 2006
Dans son discours, le Président du Comité de direction de la Fondation Rafto Arne Lijedahl Lynngård a exprimé les profondes préoccupations de la Fondation concernant la situation des droits de l’Homme au Vietnam et expliqué les raisons du choix de Thich Quang Do comme lauréat du Prix Rafto 2006 :Discours de Arne Lijedahl Lynngård, Foundation Rafto,
Bergen 4 novembre 2006
« Monsieur le Président du Storting, Lauréats du Prix Rafto, Vos Excellences, Distingués invités, Mesdames, Messieurs,
« Au nom de la Fondation Rafto, je voudrais vous remercier tous d’être là aujourd’hui pour célébrer et honorer le remarquable défenseur des droits de l’Homme, le Vénérable Thich Quang Do du Vietnam. Thich Quang Do est le vingtième lauréat du Prix à la Mémoire du Professeur Thorolf Rafto. Malheureusement, il est assigné à résidence dans sa pagode à Saigon. Le gouvernement de Hanoi ne l’a pas autorisé à se rendre en Norvège pour recevoir notre Prix.
« Ce n’est pas un accident si nombre de lauréats du Prix Rafto ont été honorés en leur absence. Jiří Hájek de l’ancienne Tchécoslovaquie, Doina Cornea de Roumanie, Aung San Suu Kyi de Birmanie, Leyla Zana du Kurdistan et Rebiya Kadeer du Turkestan oriental n’ont pas pu non plus venir en personne recevoir leur Prix Rafto parce que des gouvernements répressifs essayaient d’étouffer leur voix. Aujourd’hui Aung San Suu Kyi est en détention et ce depuis 11 ans et 11 jours. Nous compterons les jours jusqu’à ce qu’elle soit libre !
« Mais nous avons appris avec une immense joie que Leyla Zana et Rebyia Kadeer ont été libérées de prison et elles sont présentes aujourd’hui dans ce théâtre à l’occasion du vingtième anniversaire [de la Fondation Rafto], avec huit autres lauréats du Prix Rafto. Je vous en prie, applaudissons-les avec chaleur.
« Politiquement, le Vietnam aujourd’hui est comme la Pologne et la Tchécoslovaquie à la fin des années 1970 lorsque Solidarité et le mouvement la Charte 77 se sont constitués. C’est à cette époque que le Professeur Thorolf Rafto a fait campagne pour les dissidents derrière le Rideau de Fer.
« Comme dans l’ancienne Tchécoslovaquie, il y a 30 ans, la plupart des gens au Vietnam aujourd’hui ont peur d’exprimer ouvertement leurs opinions. Les mécanismes répressifs de la Sécurité sont partout. Seuls les gens vraiment courageux osent parler. C’est particulièrement difficile pour les jeunes et pour tous ceux qui doivent s’occuper de d’une famille. S’ils commettent quoique ce soit qui puisse attirer l’attention de la police, ils sont placés sous surveillance, menacés, isolés et harcelés. La police cherchera par tous les moyens de réprimer leurs activités.
« Il était donc tout à fait opportun que le Comité de direction de la Fondation Rafto récompense du Prix 2006 à la Mémoire du Professeur Thorolf Rafto l’un des plus éminent défenseurs de la démocratie, de la liberté religieuse et des droits de l’Homme : Le Vénérable Thich Quang Do.
« Il reçoit le Prix pour son courage personnel et la persévérance avec laquelle il s’oppose pacifiquement depuis trois décennies au régime communiste au Vietnam. Il reçoit ce Prix en tant que symbole du mouvement démocratique grandissant dans son pays.
« L’attribution du Prix Rafto à Thich Quang Do n’a pas été très bien perçu par le gouvernement de Hanoi et a causé quelques frictions entre la Norvège et le Vietnam lorsque le Comité permanent des Affaires étrangères du Parlement norvégien s’est rendu à Hanoi, le 25 septembre dernier. Le gouvernement du Vietnam a accusé le Vénérable Thich Quang Do d’incitation à la division. Le Comité de direction de la Fondation Rafto s’oppose fermement à cette vision des choses.
« Thich Quang Do est une autorité intellectuelle et une force unificatrice dans son pays. Bonze, chercheur et écrivain, il a voué son existence à la promotion de la justice et à la tradition bouddhique de non-violence, de tolérance et de compassion. Au travers de ses pétitions politiques, Thich Quang Do a défié les autorités pour que s’engage un dialogue sur les réformes démocratiques, le pluralisme, la liberté religieuse, les droits de l’Homme et la réconciliation nationale. Son exemple a donné une force et une direction au mouvement démocratique.
« Cependant, il a payé très cher son engagement. Thich Quang Do a passé un total de 25 années de prison et, aujourd’hui, à 77 ans, il est toujours assigné à résidence. Il n’en continue pas moins son combat. En tant que deuxième dignitaire de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam, Thich Quang Do est vigoureusement soutenu par un grand nombre de Bouddhistes vietnamiens. Il a également reçu le soutien d’autres communautés religieuses ainsi que des vétérans du Parti Communiste.
« Le Vietnam est un pays où les divisions ont toujours étés profondes — divisions entre le Nord et le Sud, entre les communistes et les nationalistes, entre les différentes confessions religieuses et les différents groupes politiques, entre les classes sociales et entre les générations. Thich Quang Do joue un rôle clef dans le travail de réconciliation entre les dissidents du Nord et du Sud du Vietnam.
« Le peuple vietnamien vit dans la peur depuis 50 ans. Les simples mots de « Sécurité » ou « Cong an » les terrifient. Thich Quang Do a rapporté que la peur était devenue une seconde nature des gens. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles le mouvement démocratique a été trèss lent à se développer au Vietnam.
« Thich Quang Do a toujours dit que la démocratie ne pouvait devenir réalité au Vietnam que si les gens des toutes les différentes familles se rassemblaient, apportant leurs talents divers, leur savoir-faire, leurs connaissances et leur enthousiasme pour les fondre en un mouvement vivant et dynamique.
« Récemment, les citoyens vietnamiens ont dépassé leur peur et l’isolement dans lequel ils se trouvent dans leur propre société pour s’unir en un groupe organisé et lancer des protestations par milliers, pour publier des journaux sans rechercher l’autorisation du gouvernement et pour demander une démocratie multiparti. Avec l’aide d’internet, les citoyens ont trouvé de nouvelles manières de répandre leurs idées et de coordonner leurs actions.
« Le gouvernement de Hanoi et le Parti Communiste, déterminés à maintenir leur monopole du pouvoir, ont déjà commencé à répondre, par les harcèlements plutôt que par le dialogue. Lors de la toute dernière tentative de répression du mouvement démocratique grandissant au Vietnam, la Sécurité a mis en détention, le matin du 15 octobre 2006, trois activistes bien connus qui organisaient une réunion pour discuter de la formation de l’Alliance de la Démocratie et des Droits de l’Homme.
« En dépit de la ratification par le Vietnam du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’Etat-Parti unique ne montre aucune tolérance pour les critiques. Les médias, les partis politiques, les organisations religieuses et les syndicats ne peuvent exister sans autorisation ou surveillance officielle ni décider d’actions que le gouvernement ou le Parti Communiste considèreraient comme contraires à leurs politiques.
« En récompensant Thich Quang Do du 20ème Prix Rafto, nous voudrions témoigner des immenses obstacles auxquels doivent faire face les démocrates vietnamiens résolus à lutter pacifiquement pour remplacer le régiem communiste à Parti unique par une démocratie pluraliste fondée sur l’Etat de droit et respectueux des normes internationales dans le domaine des droits fondamentaux. Nous savons que vous vous exposez aux dangers de la persécution par le gouvernement, mais nous espérons que chaque signe de solidarité vous encouragera et vous renforcera.
« Comme le Prix Nobel de la Paix et lauréate du Prix Rafto Shirin Ebadi l’a dit, la démocratie n’est pas un présent qui peut être donné à un pays par une force étrangère. Le processus démocratique doit mûrir de l’intérieur. Dans une interview accordée au mois d’avril de cette année, Thich Quang Do se faisait l’écho de ce point de vue en disant que le processus démocratique au Vietnam était entièrement entre les mains du peuple vietnamien.
« Permettez-moi de terminer mon discours par les mots de Thich Quang Do : « Viendra le temps où les autorités seront incapable de réduire au silence tout le monde en même temps. Ce moment viendra quand le peuple se lèvera, comme les eaux débordant les digues. Ensemble, 80 millions de Vietnamiens parlerons d’une seule voix pour demander la démocratie et les droits de l’Homme. Le gouvernement sera incapable d’ignorer leurs exigences et devra faire face à cette réalité. Alors, la situation au Vietnam devra changer et un processus démocratique émerger ».
« Aujourd’hui, à Bergen, les Norvégiens et tous nos invités étrangers se joignent à nos amis Vietnamiens pour partager la vision globale de la démocratie de Thich Quang Do. Merci.
« Le Vénérable Thich Quang Do a spécifiquement demandé à M . Vo Van Ai de venir recevoir le Prix Rafto en son nom. Vo Van Ai est un éminent homme politique vietnamien, un journaliste, un historien et un poète vivant en exil à Paris. Né dans le centre du Vietnam en 1938, il a constamment défendu la démocratie sous les différents régimes politiques successifs.
« Vo Van Ai témoigne régulièrement devant les Nations Unies et les autres institutions internationales, compile des rapports sur les droits de l’Homme, la démocratie et la liberté religieuse au Vietnam. Il a également lancé des campagnes internationales pour la libération des prisonniers de conscience et a réussi à mobiliser la pression internationale pour faire commuer des peines de mort et libérer de nombreux prisonniers politiques et religieux au Vietnam.
« M. Vo Van Ai, je vous en prie, venez sur la scène pour recevoir le Prix Rafto ».
*****
Parlant au nom de Thich Quang Do, Vo Van Ai a décrit la situation très délicate dans laquelle se trouvent les démocrates vietnamiens aujourd’hui. Rappelant les efforts des Scandinaves durant la Guerre du Vietnam pour trouver une solution de paix, il a pressé la Norvège et la communauté internationale de soutenir le mouvement démocrate vietnamien :
Discours de Vo Van Ai, parlant au nom de Thich Quang Do,
Bergen 4 novembre 2006
« Monsieur le Président, Mesdames/Messieurs les Membres de la Fondation Rafto,
Distingués lauréats du Prix Rafto, Chers Amis et Défenseurs des droits de l’Homme,
« Je suis profondément touché d’accepter le Prix Rafto 2006 au nom du Vénérable Thich Quang Do, et je voudrais remercier très chaleureusement la Fondation Rafto d’honorer par ce prix prestigieux ce défenseur courageux des droits de l’Homme.
« J’aurais voulu que Thich Quang Do fût parmi nous aujourd’hui pour voir cette magnifique assemblée de défenseurs des droits de l’Homme réunie à Bergen pour le vingtième anniversaire de la Fondation Rafto. Cela lui aurait réchauffé le cœur et lui aurait montré qu’il n’est pas seul. Il espérait pouvoir venir en Norvège. Mais il reste assigné à résidence, prisonnier dans sa propre pagode. Plus particulièrement, il ne pouvait quitter le Vietnam avec le risque que le gouvernement de Hanoi ne le laissât jamais rentrer. C’est ce qu’il m’a dit : « Ma place est ici, auprès du peuple vietnamien. Je ne l’abandonnerai jamais tant que nous n’aurons pas gagné notre liberté au Vietnam ».
« Vous avez honoré Thich Quang Do en tant que « force unificatrice » et comme symbole du mouvement démocratique qui émerge au Vietnam. Mais par delà cela, tout au long de sa vie de résistance contre la dictature, Thich Quang Do a offert à ses compatriotes la plus précieuse des libertés, la liberté de ne plus avoir peur.
« Aujourd’hui, dans l’Etat à Parti Unique vietnamien, les démocrates affrontent de constants dangers pour maintenir vivant l’esprit de la liberté. La simple expression pacifique de points de vue divergents leur fait encourir l’arrestation, l’emprisonnement et les harcèlements. Leurs enfants sont expulsés des écoles, ils perdent leur travail et leurs familles sont plongées dans la pauvreté. Face aux vastes mécanismes d’Etat de surveillance et de contrôle, les individus au Vietnam se sentent seuls et sans recours.
« Avec sérénité et courage, Thich Quang Do a aidé ses compatriotes à dépasser cette peur. Telle est l’essence de son rôle, unique, dans le mouvement démocratique au Vietnam. Bravant la répression et l’emprisonnement, il a mené des campagnes de désobéissance civile, organisé des missions d’aide pour les victimes des inondations, demandé à pouvoir fonder un journal indépendant, s’est opposé à la peine de mort, a fait campagne pour la liberté religieuse et rallié les Vietnamiens autour de ses plans de transition démocratique. Enhardis et inspirés par son exemple, les dignitaires religieux, les vétérans du Parti Communiste, les cyberdissidents et les défenseurs des droits de l’Homme de tous les horizons défient maintenant ouvertement les autorités et réclament comme jamais auparavant des réformes politiques.
« C’est précisément l’univers de prisons, de peur et de lutte pour la survie qui a forgé le lien qui m’attache à Thich Quang Do. A l’âge de 13 ans, j’ai été emprisonné et torturé à cause de ma participation au mouvement pour l’indépendance contre la colonisation française. Mon père m’avait apporté à la prison des sutras bouddhiques. J’ai vraiment été bouleversé par l’image du Boddhisattva, celui qui atteint l’Illumination mais décide de rester dans le monde pour sauver son prochain. J’ai été particulièrement marqué par le Boddhisattva Ksitigarbha, qui est descendu aux enfers pour sauver tous les êtres tourmentés. Il s’est engagé à renoncer à devenir Bouddha et à rester dans les enfers jusqu’à ce que la toute dernière personne y soit sauvée. Ceci est devenue mon idéal de vie et depuis lors, j’ai voué mes efforts à obtenir la libération des prisonniers de conscience de l’enfer des geôles vietnamiennes. L’esprit de compassion infinie du Boddhisattva et de dédain pour ses propres confort et sécurité, je l’ai retrouvé en Thich Quang Do. C’est par conséquent un très grand honneur pour moi de le représenter aujourd’hui.
« Mes chers amis,
« Durant deux mille ans de notre histoire, le Vietnam a toujours été en guerre, constamment menacé par les agressions étrangères. Avec courage et détermination, notre peuple a repoussé les envahisseurs étrangers les uns après les autres et maintenu la liberté du Vietnam contre toute attente. Le mot « Viet », en vietnamien, signifie entre autre chose « surmonter ». Durant un millénaire de domination chinoise, un siècle de colonisation française et trois décennies d’indicibles destructions durant la guerre du Vietnam, les Vietnamiens ont héroïquement surmonté tous les obstacles et préservé l’identité et l’indépendance de leur nation.
« Aujourd’hui, cependant, les Vietnamiens font face à une nouvelle guerre – une guerre qu’ils ne peuvent gagner par leurs seuls héroïsme et courage. Ce n’est pas une guerre contre un agresseur étranger. C’est une agression intérieure, une guerre commise de l’intérieur, comme un virus ravageant le corps de l’intérieur. C’est la guerre du Parti Communiste contre son propre peuple, une guerre pour imposer une idéologie étrangère, le Marxisme, et pour se maintenir au pouvoir en détruisant toute voix dissidente. Nous n’avons pas peur, mais nous savons que nous ne pouvons gagner cette guerre seuls. Dans le monde interdépendant d’aujourd’hui, nous avons besoin de la solidarité internationale, de l’opinion publique, de la communauté démocratique dans sa globalité, pour nous permettre de surmonter cette épreuve.
« C’est pourquoi le Prix Rafto a une très grande signification pour nous au Vietnam. En fait, je crois qu’il marque un tournant pour le mouvement démocratique vietnamien.
« Depuis la fin de la guerre du Vietnam, en 1975, les démocraties occidentales ont jeté un voile sur les violations flagrantes des droits de l’Homme commises par le régime de Hanoi. Alors que le Vietnam libéralise son économie avec sa politique du doi moi (Rénovation), il demeure une société close politiquement. Pourtant les démocraties occidentales continuent leurs affaires avec le régime de Hanoi comme si de rien n’était. L’arrestation des dissidents et des défenseurs des droits de l’Homme sont un non-événement dans la presse internationale et il n’y a aucune pression pour des réformes politiques.
« Aujourd’hui, la Fondation Rafto a brisé l’omerta – cette loi du silence – sur le Vietnam. Elle affirme le droit – le devoir en fait – des pays démocratiques de se dresser aux côtés de tous les peuples privés de leurs doits et libertés. Dans le jargon de l’humanitaire, l’on parle de « droit d’ingérence ». Ce droit est rejeté par les dictatures et les régimes autoritaires qui font valoir la « non-ingérence dans les affaires d’un pays souverain ». Mais ils ont tort. Tous les peuples ont le droit de jouir de la démocratie et des droits de l’Homme. La communauté internationale a le devoir de soutenir leur lutte pacifique pour que leurs libertés fondamentales soient assurées. Le Vietnam a signé les textes clef des traités des Nations Unies sur les droits de l’Homme et il n’y a pas d’exception pour ces lois universelles.
« Le « droit d’ingérence » n’est pas nouveau au Vietnam. La guerre du Vietnam n’a pas été gagné sur les champs de bataille du Vietnam, mais à Stockholm, Washington, Londres, Paris, Tokyo… par un vaste mouvement de l’opinion publique déterminée à mettre fin à la guerre. Cette intention était noble, mais elle a n’a pas apporté de véritable paix au Vietnam. La première « Conférence de Stockholm », durant les années 1960 concrétisa le « droit d’ingérence » en unissant les mouvements pour la paix du monde entier dans un effort pour la réconciliation nationale et la paix. J’étais alors porte-parole de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam et un ferme partisan de la solution de paix bouddhiste. Mais lorsque les Communistes vietnamiens ont appris que j’étais invité, ils ont menacé de boycotter la Conférence. Un des organisateurs est venu depuis Stockholm pour me supplier de me retirer. C’était la seule façon, disait-il, de « donner une chance à la paix ». J’ai accepté, mais je savais que si les Communistes réclamaient le monopole de la paix, ils ne tarderaient pas à réclamer le monopole politique sur le peuple du Vietnam.
« C’est pourquoi le Prix Rafto, offert par la Norvège, un pays scandinave, a une profonde signification pour le Vietnam d’aujourd’hui. Il y a plusieurs décennies, la Conférence de Stockholm a cherché à « donner une chance à la paix ». De façon tragique, cette paix n’a apporté ni liberté ni fraternité au Vietnam. Aujourd’hui, la Fondation Rafto en appelle, avec ce prix, à la communauté internationale et au gouvernement vietnamien de « donner une chance à la démocratie » au Vietnam. Nous ne devons pas laisser passer cette opportunité.
« Dans les jours qui viennent, Hanoi va accueillir le Sommet de l’APEC et recevoir le Président George W. Bush ainsi que bien d’autres Chefs d’Etat du monde. J’espère qu’ils auront entendu le message envoyé aujourd’hui par la Fondation Rafto et soutiendront le mouvement pour un processus pacifique vers la démocratie au Vietnam.
« Le dramaturge norvégien Henrik Ibsen, disparu il y a 100 ans cette année, a un jour écrit : « Les châteaux dans les airs – il est si facile de s’y réfugier. Et si facile de les fabriquer aussi ».
« A Bergen, en ce 4 novembre, le peuple norvégien a transporté les châteaux d’Ibsen pour les construire sur la terre ferme. J’aimerais ainsi offrir ces quelques lignes en hommage à Ibsen et à la Fondation Rafto :
La Paix est comme une fleur
S’épanouissant au milieu de l’amour et des rires
Oh, si seulement j’avais mille et mille yeux
Je pourrais pleurer une rivière de joie
Et contempler tout autour de moi
Une multitude de fleurs fragiles
s’ouvrant
comme si elles ne cesseraient jamais de s’ouvrir
pour l’éternité.
Vo Van Ai
Bergen, 4 novembre 2006