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Thich Quang Do ne se rendra pas en Norvège pour recevoir le Prix Rafto 2006

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PARIS, 31 octobre 2006 (BIIB) – La Fondation Rafto doit remettre, à Bergen en Norvège, le Prix 2006 à la Mémoire du Professeur Thorolf Rafto pour les défenseurs des droits de l’Homme au bonze bouddhiste vietnamien Thich Quang Do, dissident et avocat infatigable de la liberté religieuse, des droits de l’Homme et de la démocratie.

Dans une lettre adressée au Président du Bureau de la Fondation Rafto Arne Liljedahn Lynngård, Thich Quang Do a toutefois averti qu’il n’était pas en mesure de se rendre lui-même en Norvège pour recevoir son prix et a demandé à son porte-parole international de l’Eglise Bouddhisque Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, indépendante, interdite depuis 1981), M. Vo Van Ai (Directeur du Bureau International d’Information Bouddhiste, basé à Paris, en France), de le représenter et de recevoir le Prix en son nom.

Rappelant qu’il était un « citoyen illégal », membre d’une organisation interdite (L’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam) susceptible d’être arrêté à tout moment, et qu’il se trouvait en résidence surveillée, Thich Quang Do a déclaré préférer rester auprès de ses compatriotes pour les aider alors qu’ils en ont besoin plutôt que de voyager à l’étranger avec le risque de ne plus pouvoir rentrer au Vietnam. Il craint en effet que si les autorités vietnamiennes, qui voient en lui « une épine dans le pied », le laissait partir en Norvège, elles s’opposeraient à son retour, l’envoyant en exil de fait. « Je dois être honnête, je ne fais pas confiance au régime communiste », a-t-il dit. A l’heure actuelle, en dépit de demandes officielles du gouvernement norvégien, les autorités vietnamiennes n’ont fait aucune déclaration sur un tel voyage.

Thich Quang Do, aujourd’hui âgé de 77 ans, ne désespère cependant pas de se rendre un jour en Norvège pour « remercier en personne la Fondation Rafto », quand « le statut légal de l’EBUV aura été restauré et que tous nos dignitaires seront libres ».

Veuillez trouver ci dessous le texte intégral de la lettre de Thich Quang Do (traduction par BIIB) :

Vien Hoa DaoGIÁO HỘI PHẬT GIÁO VIỆT NAM THỐNG NHẤT

VIỆN HÓA ÐẠO

Thanh Minh Thiền viện, 90 Trần Huy Liệu, Phường 15, Quận Phú Nhuận, T.P. Hồ Chí Minh


Ere Bouddhique 2550

M. Arne Liljedahl Lynngård
Président du Bureau de la Fondation Rafto
aux bons soins du Bureau International d’Information Bouddhiste

Monsieur le Président,

Je vous écris aujourd’hui afin de vous exprimer mes profonds et sincères remerciements pour m’avoir choisi comme lauréat du Prix 2006 à la Mémoire du Professeur Thorolf Rafto pour les défenseurs des droits de l’Homme. Je voudrais aussi vous présenter mes excuses de vous écrire aussi tard. Le porte-parole international de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV) Vo Van Ai m’a appris la nouvelle le 23 septembre dernier, mais au même moment, le Patriarche de l’ EBUV, le Très Vénérable Thich Huyen Quang, est tombé gravement malade à Binh Dinh où il se trouve assigné à résidence. Depuis, j’ai été très pris par l’organisation de son transfert et son hospitalisation à Saigon… Même s’il est encore faible et fatigué, le Patriarche Thich Huyen Quang a bon moral et son état de santé s’améliore.

En ce qui me concerne, le Prix Rafto est une surprise totale. C’est un honneur auquel je ne m’attendais pas du tout, pas même en rêve. J’ai été très touché par votre communiqué de presse, que Vo Van Ai m’a transmis depuis Paris et qui déclare que la Fondation Rafto m’a choisi « en tant que symbole du mouvement démocratique grandissant » au Vietnam et qu’à travers moi, vous souhaitiez exprimer votre « soutien à tous les Vietnamiens qui se battent pour une transition pacifique vers la démocratie ».

En tant que bonze bouddhiste, je n’ai aucun désir d’accumuler les privilèges ou les titres. Mais je crois fermement au mouvement pour la démocratie au Vietnam et ai voué ma vie à essayer de réunir les Vietnamiens de toutes les différentes religions et affiliations politiques pour une même cause. En m’honorant pour mon rôle de « force unificatrice », vous avez saisi la profonde motivation de mon existence. Ce n’est pas seulement un honneur pour moi, mais aussi une source d’inspiration et d’encouragement. Vous me donnez du cœur pour continuer mon combat pacifique et j’irai jusqu’au bout. Cela signifie beaucoup pour moi, et pour tous les défenseurs des droits de l’Homme et dissidents vietnamiens, de savoir que la Fondation Rafto existe, que vous vous souciez de nous et que vous êtes prêts à nous aider à relayer notre voix. La Fondation Rafto nous fait un précieux présent, une chose que les autorités communistes refusent à notre peuple — le don de la fraternité et de la compréhension mutuelle. Je suis profondément touché par votre attention et votre geste restera gravé au fond de mon cœur à jamais.

Malheureusement, je crains que je ne pourrais pas me rendre en Norvège pour recevoir en mains propres le Prix. J’espère que vous comprendrez qu’il ne s’agit pas là d’un signe d’indifférence ou d’ingratitude. J’aimerais réellement venir à Bergen remercier en personne la Fondation Rafto pour l’intérêt qu’elle montre pour le Vietnam. Mais ma situation est difficile. Comme vous le savez, je suis assigné à résidence — même si je n’ai jamais reçu aucune condamnation ou accusation pour cela. Je suis également le deuxième dignitaire d’une organisation interdite, l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV). A ce double titre, je suis un citoyen illégal aux yeux des autorités vietnamiennes. Elles peuvent donc m’emprisonner quand elles le veulent.

Il n’est pas impossible que le Vietnam m’accorde le droit de voyager afin de répondre aux pressions internationales de la part de votre gouvernement, ou de gagner un peu de crédibilité avant d’accueillir le Sommet de l’APEC à Hanoi au mois de novembre. Mais si les autorités me laissent partir, me laisseront-il revenir ? Je ne veux pas être cantonné hors de ma patrie, dans l’incapacité d’aider mes compatriotes alors qu’ils en ont le plus besoin. Le gouvernement vietnamien nous considère, l’EBUV et moi, comme une épine dans le pied. Durant les 31 dernières années, il a tenté par tous les moyens — la ruse, la persuasion ou la force — d’étouffer l’EBUV et de nous empêcher d’agir ouvertement pour les réformes démocratiques et les droits de l’Homme. Réussir à me couper du mouvement de l’EBUV pour les droits de l’Homme et la démocratie serait un grand soulagement pour le régime. Je ne peux pas prendre un tel risque. Ma place est au Vietnam, auprès de mes compatriotes et je ne les abandonnerai jamais tant que nous n’aurons pas gagné notre liberté au Vietnam.

Je dois être honnête, je ne fais pas confiance au régime communiste. En 1968, durant la guerre du Vietnam, les communistes nord-vietnamiens avaient proposé un cessez-le-feu entre les armées du Nord et du Sud pour les célébrations du Nouvel An Lunaire (Tet). Puis ils ont fêté le Tet en avance puis lancé « l’Offensive du Tet » au Sud Vietnam, pendant la trêve, causant d’indicibles destructions et souffrances. En 1973, ils ont signé les Accords de Paix de Paris avec l’engagement de ne pas procéder à des représailles et de travailler à la réconciliation nationale. Deux ans plus tard, leur armée envahissait Saigon. Si le régime se permet de violer ses obligations internationales à l’égard des puissances du monde, leurs promesses à l’endroit d’un seul individu comme moi n’ont aucun poids. Même s’ils promettaient de me laisser voyager, je n’en serais nullement rassuré.

Si, toutefois, le gouvernement vietnamien faisait un réel pas en avant en rétablissant le statut légal de l’EBUV et en garantissant la liberté religieuse avant la cérémonie de remise du Prix Rafto, le 4 novembre prochain, et m’assurait que je pourrais quitter et revenir librement au Vietnam, alors je pourrais reconsidérer ma décision. Entre-temps, j’ai demandé au porte-parole international de notre Eglise Vo Van Ai de me représenter à la cérémonie de remise du prix et de recevoir le Prix Rafto en mon nom.

J’espère qu’un jour, quand le statut légal de l’EBUV aura été restauré et que tous nos dignitaires seront libres, je pourrai vous rendre visite à la Fondation Rafto à Bergen.

Sramana Thich Quang Do
Directeur de l’Institut pour la Propagation du Dharma (Vien Hoa Dao)
Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam

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