GENEVE, 30 mars 2007 (VCHR) – Salué par les diplomates occidentaux pour cette avancée de l’Etat de droit, le Vietnam a annoncé cette semaine l’abrogation du décret 31/CP sur la “détention administrative”, texte permettant de détenir sans procès les dissidents et les opposants au gouvernement. Cependant, dans un exposé écrit à l’intention du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU à Genève, le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme a souligné le fait que les autorités communistes ont omis de dire qu’elles disposaient d’une loi moins connue mais plus répressive encore, l’Ordonnance 44 sur “le règlement des violations administratives”. Celle-ci donne aux autorités locales de plus larges pouvoirs non seulement d’arrêter et de détenir les personnes soupçonnées d’atteintes à la “sécurité nationale”, mais également de les placer en hôpital psychiatrique ou en « camps de réhabilitation” selon leur bon vouloir.
M. Vo Van Ai, Président du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme et de Quê Me : Action pour la Démocratie au Vietnam, a décrit l’Ordonnance 44 (réf. 44/2002/PL-BUTVQH10), adoptée par le Comité permanent de l’Assemblée Nationale au mois de juillet 2002 et entrée en vigueur le 1er octobre 2002, comme encore plus prohibitive que le décret 31/CP. Elle donne en effet pouvoir aux comités populaires provinciaux et de district de détenir sans procès les citoyens “qui ont violé les lois sur la sécurité, l’ordre public et la sûreté sociale, mais dont les délits ne sont pas assez sérieux pour justifier des poursuites [judiciaires]”. Alors que le décret 31/CP n’autorisait que la détention administrative, l’Ordonnance 44 permet trois types de détention pour une période de 6 mois à 2 ans : La détention dans des “institutions éducatives” (article 25), l’internement dans des “services de santé” (article 26) et la détention administrative (article 27). Les deux premiers peuvent être ordonnés par les comités populaires de district, le dernier requiert l’approbation du président du comité populaire provincial. Les “institutions éducatives” désignent généralement les camps de réhabilitation ou Centres de Protection Sociale où les “mauvais éléments sociaux”, comme les prostituées, les toxicomanes, les enfants des rues ou les dissidents, peuvent être incarcérés sans procès, souvent dans des conditions de détention inhumaines. Le Ministre de la Sécurité Publique et le Ministre du Travail, des Invalides de guerre et des Affaires Sociales travaillent conjointement pour créer de nouveaux centres si nécessaire. Les “services de santé” comprennent les hôpitaux et institutions psychiatriques. Au mois de novembre 2006, l’avocate Bui Thi Kim Thanh avait été internée à l’Hôpital psychiatrique de Bien Hoa à Saigon pour avoir défendu des fermiers expropriés et protesté contre les confiscations des terres par l’Etat. Elle avait ensuite été relâchée mais est restée traumatisée par cette expérience.
“L’abrogation du décret 31/CP est une fausse bonne mesure qui sert à amadouer la communauté internationale”, a dénoncé Vo Van Ai. “Le régime vietnamien reste un maître dans l’art de la dissimulation. Avant d’abroger le décret 31/CP, il avait adopté un texte encore plus répressif contre les dissidents. Avec l’Ordonnance 44 de 2002, on est revenu à l’ère soviétique des hôpitaux psychiatriques et autres camps de rééducation”.
Le Comité des Droits de l’Homme avait fermement dénoncé le décret 31/CP en juillet 2002 lorsqu’il avait examiné le rapport périodique du Vietnam sur l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et demandé son abrogation immédiate. Au même moment, le Vietnam adoptait la nouvelle Ordonnance 44 afin de faire perdurer la légalisation de ses pratiques arbitraires.
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