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Condamnation du Père Nguyen Van Ly au Vietnam : De la responsabilité des pays démocratiques

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PARIS, 4 avril 2007 (Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme) – Apothéose de l’échec complet de la politique des démocraties occidentales, le Père Nguyen Van Ly et ses collègues (1) ont été condamnés (8 ans d’emprisonnement pour le premier) pour « propagande contre le régime socialiste ». Ce 30 mars 2007, les accusés n’avaient pas d’avocat ni ne pouvaient se défendre eux-mêmes parce qu’ostensiblement bâillonnés par les geôliers. Ce procès inique n’est pas une surprise dans un régime totalitaire comme celui du Vietnam, même si, dans l’esprit de beaucoup en Europe et en Amérique du Nord, ce pays est avant tout un marché comme un autre et une belle destination touristique. Ce procès, largement mis en scène et où ont pu venir les journalistes et les diplomates étrangers, pose néanmoins quelques questions comme celle du caractère plutôt tardif d’une telle répression.

En effet, le régime de Hanoi a toujours été très prompt à réprimer toute critique ou même semblant de critique. Or, dans le cas du Père Nguyen Van Ly, il a patiemment attendu près d’un an. Le prêtre catholique Nguyen Van Ly a commencé sa « propagande contre l’Etat de la République socialiste du Vietnam », pour reprendre les termes du jugement, le 8 avril 2006 avec sa « déclaration sur la liberté et la démocratie pour le Vietnam ». Son mouvement dit Bloc 8406, fondé le 20 juin 2006, aurait recueilli 2189 signatures de soutiens au 8 janvier 2007. Ensuite, le 8 septembre 2006, il fondait le Parti du Progrès du Vietnam, et le 16 octobre suivant, il établissait une « Alliance pour la Démocratie et les Droits de l’Homme pour le Vietnam ». Au grand contentement bien compris des démocraties américaine et européennes, les autorités vietnamiennes n’ont rien fait pour étouffer ces intenses activités dissidentes : Le Père Nguyen Van Ly n’a pas été inquiété, pas plus que les 2189 signataires de sa déclaration.

En revanche, durant la même période de temps, les dignitaires de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, indépendante, interdite depuis 1981) Thich Huyen Quang et Thich Quang Do, ainsi que les responsables des 20 comités provinciaux de l’EBUV (créés pour aider les pauvres), les Protestants, les Montagnards ou les Hoa Hao ont souffert, et souffre toujours, d’une répression brutale et continue, une répression sourde et suffisamment subtile pour que la presse occidentale reste indifférente et considère que « ce n’est pas nouveau » !

Alors pourquoi le régime de Hanoi a-t-il attendu si longtemps pour se préoccuper du Père Nguyen Van Ly ? Et comment a-t-il osé le faire de manière si ostentatoire, si ce n’est qu’il sentait avoir le soutien plein et entier de ses partenaires occidentaux ? Ces 8 ans d’emprisonnement n’auraient sans doute jamais été décidés si les pays démocratiques, européens et surtout américain, n’avaient pas accédé aussi facilement à toutes les demandes du Vietnam.

Tout au long de l’année 2006, le régime de Hanoi a œuvré pour quatre objectifs : le retrait du Vietnam de la liste américaine des « pays particulièrement préoccupants » en matière de liberté religieuse (CPC, « Country of Particular Concern »), un billet d’entrée dans l’Organisation Mondiale du Commerce, l’octroi par les Etats-Unis du statut des relations commerciales normales et permanentes (PNTR) et un Sommet de l’APEC à Hanoi sans histoire.

Les démocraties européennes et américaines, qui se disent attachés aux droits de l’Homme, ont relâché la pression, en dehors du service minimum du dialogue dit « constructif » entre des hauts-fonctionnaires à l’abri de tout contrôle des parlementaires et des ONG, et de la « discrétion diplomatique » si chère à la France. Ainsi, contre toute logique et en dépit d’une répression religieuse larvée, le Département d’Etat a rayé le Vietnam de la liste CPC ; Etats-Unis et Union Européenne ont largement ouvert les portes de l’OMC à la République Socialiste du Vietnam, sans souci pour les douloureux coûts que cela va avoir sur les 80% de Vietnamiens pauvres qui vivent dans les campagnes ; le Sommet de l’APEC de Hanoi (novembre 2006) s’est déroulé sans anicroche et sans que la presse internationale ne s’alarme de la répression contre les dissidents ; le Congrès américain a accordé le statut PNTR aux Communistes de Hanoi.

Dès lors que les dirigeants vietnamiens avaient obtenu ce qu’ils voulaient, il ne leur était plus nécessaire de jouer la comédie de la dictature qui s’ouvre et les vieilles habitudes totalitaires pouvaient reprendre leur cours. En ce sens, l’Europe et l’Amérique sont largement responsable des 8 ans d’emprisonnement du Père Nguyen Van Ly et de ses amis.

Restent aux pays démocratiques à faire pression pour faire libérer Nguyen Van Ly et ses collègues, mais aussi Thich Huyen Quang, Thich Quang Do, Nguyen Vu Binh et tous les autres prisonniers de conscience ; et pour faire entrer le Vietnam dans un vrai processus d’ouverture politique… Mais pour l’heure, l’on peut se demander sur quel levier pourraient reposer ces pressions. Les Etats-Unis devraient au moins remettre le Vietnam sur la liste CPC et l’Union Européenne se montrer beaucoup plus ferme et unie sur la promotion des droits de l’Homme et la démocratie, en particulier en appliquant enfin l’article 1er de l’accord de 1995 qui fonde la coopération économique EU-Vietnam sur le respect des principes démocratiques et des droits de l’Homme. Sans cela, les pays démocratiques contribueront, sans le vouloir, à l’étouffement définitifs des voix démocratiques et humanistes du Vietnam.

Vo Van Ai
Président, Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme

(1) Le Père Nguyen Van Ly (61 ans) a été condamné à 8 ans d’emprisonnement et 5 ans de résidence surveillée (quan che). Quatre autres personnes, toutes membres du Parti du Progrès du Vietnam, ont été condamnées :
– M. Nguyen Phong (32 ans) : 6 ans d’emprisonnement et 3 ans de résidence surveillée ;
– M. Nguyen Binh Thanh (52 ans) : 5 ans d’emprisonnement et 2 ans de résidence surveillée ;
– Mme Hoang Thi Anh Dao (21 ans) : 2 ans de prison avec sursis et 3 ans de mise à l’épreuve ;
– Mme Le Thi Hang : 18 mois de prison avec sursis et 30 mois de mise à l’épreuve.
Tous ont été condamnés pour « propagande contre la République Socialiste du Vietnam » (article 88.1.a-c du Code pénal.

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