Pendant que les organisations bouddhistes d’Etat célèbrent aujourd’hui (15ème jour du 4ème mois lunaire, c’est-à-dire le 12 mai 2006) le 2550ème anniversaire du Vesak (Anniversaire du Bouddha), les autorités vietnamiennes resserrent les contrôles sur l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, indépendante, interdite en 1981). La Sécurité vietnamienne a relevé d’un niveau ses harcèlements contre les membres des Comités représentatifs de l’EBUV dans le sud et le centre du pays, et les dignitaires de l’EBUV sont maintenus sous une très étroite surveillance.
Dans son Message du Vesak à l’intention des Bouddhistes de l’EBUV à l’intérieur et à l’extérieur du pays, envoyé clandestinement depuis le Monastère Nguyen Thieu, dans la province de Binh Dinh, où le Patriarche suprême de l’EBUV Thich Huyen Quang est « actuellement soumis à de sévères restrictions, isolé du clergé et des fidèles bouddhistes », il déclare : « Alors que nous célébrons aujourd’hui le Vesak, l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam demeure hors-la-loi et souffre de continuelles persécutions. Le chef de l’Institut Exécutif de l’EBUV [Thich Quang Do] et moi-même, ainsi que nombre d’autres membres des deux Instituts de l’EBUV, sommes sous surveillance, soumis à des actes d’intimidation, isolés et interdits de nous rencontrer ; tous les membres des Comités Provinciaux Représentatifs de l’EBUV sont systématiquement harcelés et réprimés ; l’EBUV ne peut plus poursuivre ses activités religieuses… »
Le Patriarche Thich Huyen Quang, âgé de 86 ans, qui a déjà passé près de 30 ans de sa vie en détention, en exil intérieur ou en résidence surveillée, a pressé les fidèles de l’EBUV de braver la répression et de continuer leur lutte pacifique : « J’en appelle à tous les bonzes, nonnes et laïcs bouddhistes pour faire face à l’adversité avec courage, ne pas se décourager devant les épreuves, ne pas plier devant les forces de la violence… La route devant nous est encore longue et jonchée d’obstacles. Mais nous ne devons pas nous arrêter tant que nous n’aurons pas rempli notre mission de rétablir le statut légal de l’EBUV ».
Le Patriarche détenu a également lancé un appel au gouvernement vietnamien, en ce jour de Vesak, pour qu’il « restaure la liberté des activités religieuses de l’EBUV, mette en œuvre une politique de véritable liberté religieuse envers toutes les dénominations religieuses et réponde aux aspirations du peuple pour une société libre et démocratique au Vietnam ».
l La Sécurité continue de harceler et d’intimider les membres des 13 nouveaux Comités représentatifs de l’EBUV créés à Saigon et dans plusieurs provinces du sud et du centre du Vietnam. Le Bureau International d’Information Bouddhiste (BIIB) a reçu aujourd’hui un appel urgent du bonze Thich Khong Tanh, Bonze Supérieur de la Pagode Lien Tri (Thu Duc), Chef du Bureau représentatif de l’EBUV pour Saigon-Gia Dinh et Commissaire de l’EBUV pour les Affaires Sociales et Humanitaires. Selon cet appel, la Sécurité vietnamienne a coupé la ligne téléphonique de la Pagode Lien Tri depuis 3 semaines et placé le bonze sous une surveillance permanente. Thich Khong Tanh a reçu une convocation du poste de la police du peuple du 2ème district pour un interrogatoire, le 10 mai, concernant « sa participation à une organisation illégale », mais a répondu par une lettre de refus : « Je n’accepte aucune convocation de la police à moins que le gouvernement cesse de réprimer les Bouddhistes et restaure la pleine liberté de l’EBUV. Le Vietnam devrait respecter les articles de la Constitution et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qu’il a ratifié ». Thich Khong Tanh a demandé au BIIB de mobiliser la communauté internationale si la police poursuivait ses exactions contre lui.
l Les bonzes de l’EBUV Thich Thien Minh, dans la province de Bac Lieu, et Thich Chon Tam, dans celle d’An Giang, sont également sujets à des harcèlements permanents. Relâché en 2005, après 26 ans de camp de rééducation, Thich Thien Minh est sous étroite surveillance depuis, et, avec ses proches, est victime de menaces de mort pour qu’il cesse ses critiques contre la situation des droits de l’Homme au Vietnam. Thich Thien Minh demande constamment aux autorités de pouvoir retrouver son ancienne pagode, la Pagode Vinh Binh à Bac Lieu. Celle-ci avait été confisquée et détruite après son arrestation en 1979. Les autorités locales avaient promis « d’enquêter » sur cette affaire à la condition qu’il rejoigne l’Eglise Bouddhiste d’Etat, ce que Thich Thien Minh a refusé. Le 3 mai 2006, le Comité populaire local a convoqué Thich Thien Minh et lui a signifié son refus de restituer la pagode (décision 14/QD-UBND) sous prétexte qu’il n’avait pas de papiers prouvant qu’il était le Bonze Supérieur de la Pagode Vinh Binh et qu’il n’avait pas été reconnu comme bonze par l’Eglise Bouddhiste du Vietnam (EBV, Eglise d’Etat) de la province de Bac Lieu. Les autorités locales ont même exigé des sanctions contre Thich Thien Minh : « Les autorités locales sont mandatées pour surveiller et éduquer M. Huynh Van Ba [Thich Thien Minh] et l’obliger à appliquer la loi vietnamienne en cessant immédiatement toute activité visant à utiliser la religion pour écrire des déclarations calomnieuses, déformer la vérité et troubler la sécurité, l’ordre public et la tranquillité dans la localité ».
Cette décision place Thich Thien Minh en situation d’illégalité puisqu’il ne s’est pas vu délivrer le permis de résidence (ho khau) obligatoire. Il est susceptible d’être arrêté à tout moment. Thich Thien Minh a immédiatement envoyé une lettre de protestation aux autorités locales, avec copies à Thich Quang Do et à l’Eglise Bouddhiste d’Etat de la province de Bac Lieu, déclarant (a) que les papiers prouvant son titre de Bonze Supérieur de la Pagode Vinh Binh avaient été confisqués par Bui Van Le, Directeur du camp de rééducation de Vinh Loi, en 1979, et (b) que l’EBV de Bac Lieu n’avait pu le reconnaître comme bonze puisque l’EBV n’existait pas lorsqu’il avait été arrêté en 1979. Thich Thien Minh avait été ordonné bonze dans la province de Bac Lieu par l’EBUV en 1972. L’EBV n’a été créée par le Parti Communiste qu’en 1981, alors qu’il croupissait dans un camp pour avoir défendu la liberté religieuse.
Thich Chon Tam, Bonze Supérieur de la Pagode Tay Hue, dans la ville de Chau Doc, province d’An Giang, Chef du Comité représentatif de l’EBUV d’An Giang et Commissaire de l’EBUV pour l’Education, est également soumis a des harcèlement systématiques. Son téléphone a été coupé depuis plusieurs mois et, au mois d’avril 2006, l’EBV a ordonné son expulsion de la Pagode Tay Hue. Il a refusé de partir et souffre depuis lors de menaces et harcèlements sans fin.
Récemment, l’EBV d’An Giang a organisé un « séminaire de formation des dignitaires bouddhistes » de 7 jours avec plus de 100 bonzes et nonnes venus de toute la province. Au lieu de se pencher sur les enseignements bouddhiques, tout le séminaire a consisté à dénigrer et attaquer l’EBUV. Dans une lettre au deuxième dignitaire de l’EBUV, Thich Quang Do, Thich Chon Tam a rapporté : « Le Bureau des Affaires Religieuses local, le Front de la Patrie et le Département de la Mobilisation et de la Propagande du PCV ont utilisé ce séminaire pour accuser Thich Quang Do de chercher à renverser le gouvernement, pour calomnier le Directeur du BIIB Vo Van Ai… et ont passé une journée entière à dénoncer le Comité représentatif de l’EBUV d’An Giang ».
Cette amplification des harcèlements contre l’EBUV fait suite aux déclarations du Président du Bureau des Affaires Religieuses du Gouvernement, Ngo Yen Thi, du 24 avril 2006, lors de la clôture du Xème Congrès National du PCV, selon lesquelles le Vietnam n’avait pas l’intention de rétablir le statut légal de l’EBUV.