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Intervention orale de Penelope Faulkner, Vice-Présidente du VCHR sur les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques du Vietnam concernant le PIDESC

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Penelope Faulkner

 

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les experts,

Au nom du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme, affiliée de la FIDH, je souhaiterais faire quelques commentaires sur les réponses du Vietnam à la liste de questions du Comité des droits économiques, sociaux et culturels.

Concernant la mise en œuvre du PIDESC (Question 1), le Vietnam cite toute une liste de lois pour démontrer que les droits garantis par le Pacte sont incorporés dans la législation nationale. En réalité, les lois vietnamiennes comportent des dispositions qui restreignent ou même annihilent les droits du PIDESC. De nombreuses lois récemment amendées sont même plus restrictives qu’auparavant. La Constitution amendée en 2013 impose de nouvelles restrictions à l’exercice des droits de l’Homme (article 14.2). La nouvelle loi sur les syndicats (2013) constitue un véritable recul des droits des travailleurs dans la mesure où elle interdit aux étrangers de former ou d’adhérer à des syndicats, ce qui était autorisé dans la loi précédente. La loi sur la terre (2013) contient nombre de vides juridiques qui sont utilisés par les fonctionnaires corrompus pour déposséder les paysans de leurs terres.

Les tribunaux vietnamiens n’invoquent ou n’appliquent jamais le PIDESC, mais au contraire, invoquent les dispositions scélérates du Code pénal sur l’« abus des liberté démocratiques » (article 258), sur le fait de « saper la solidarité nationale » (article 87) ou sur la « propagande contre l’État » (article 88) pour emprisonner les citoyens, en violation du Pacte. En réalité, l’accession du Vietnam au PIDESC n’a apporté aucune garantie aux citoyens vietnamiens contre les violations de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

En ce qui concerne la corruption (Question 4, §13), le Vietnam a déclaré que ceux qui dénoncent la corruption sont protégés par la loi. Dans la réalité, ils doivent faire face aux harcèlements et aux emprisonnements. En 2012, Hoang Khuong, un journaliste de la presse officielle (Tuoi Tre), avait révélé dans une série d’enquêtes la corruption de la police de la route. Bien que ses articles se soient révélés exacts et aient conduit à l’arrestation d’un policier, Hoang Khuong a été licencié et condamné à 4 ans de prison.

Concernant la non-discrimination (Question 6), en dépit des garanties constitutionnelles citées par le Vietnam, les discriminations fondées sur la religion, les opinions politiques ou l’origine ethnique sont endémiques. Les membres des religions « non-reconnues » comme l’Église Bouddhique Unifiée du Vietnam, des minorités ethniques, les blogueurs, dissidents et défenseurs des droits de l’Homme subissent harcèlements, actes d’intimidation et emprisonnements. Les discriminations dans l’accès à la santé, à l’emploi et à l’éducation sont perpétueés grâce au « ho khau » ou permis de résidence obligatoire, qui répertorie la religion et l’origine de chacun.

Les droits syndicaux (Question 15) ne sont pas respectés au Vietnam en contradiction avec le PIDESC, car les travailleurs ne peuvent pas adhérer au syndicat de leur choix. Il n’y a en effet pas de syndicat indépendant au Vietnam. La très officielle Confédération Générale du Travail du Vietnam (CGTV), qui opère sous le contrôle du Parti Communiste, ne s’engage pas aux côté des travailleurs lors des conflits sociaux. L’an passé, elle n’a organisé aucune grève. Les travailleurs qui font des grèves « sauvages » ne risquent pas seulement des sanctions légales mais doivent également, selon une législation récente, payer des compensations à leurs employeurs à hauteur de trois mois de salaire.

La loi sur la terre (Question 22) ne protège pas les fermiers des expulsions forcées et des confiscations des terres par l’État. La corruption des fonctionnaires, les abus de pouvoir et l’absence de mécanismes fiables pour évaluer la valeur des terres conduisent à un véritable accaparement des terres par l’État, et les récentes protestations à Van Giang, Con Dau, Vu Ban et Duong Noi ont toutes été violemment réprimées par la police.

L’internet (Question 28 §83) fait l’objet de contrôles et de restrictions draconiens, notamment du fait du décret 92 sur l’internet. Des dizaines de blogueurs purgent de lourdes peines de prison pour avoir dénoncé des violations des droits politiques et économiques, et les arrestations continuent. Le célèbre blogueur Nguyen Huu Vinh (AnhBaSam), arrêté en mai 2014 pour « abus des libertés démocratiques » risque 7 ans de prison. Les blogs et sites internet vietnamiens dénonçant les violations des droits économiques et sociaux sont piratés, interdits ou forcés de s’expatrier.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les experts,

Réprimer le fait de critiquer les violations des droits de l’Homme ne permettra pas de faire progresser les droits de l’Homme au Vietnam. Nous demandons au Comité de presser le Vietnam de libérer tous les défenseurs des droits de l’Homme détenus pour s’être fait les avocats des droits économiques, sociaux et culturels ; d’abroger toutes les lois qui restreignent l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels ; et de démanteler le mécanisme du « ho khau » qui permet de perpétuer les discriminations fondées sur la religion, les opinions politiques, l’origine ethnique, le statut et la naissance.

Monsieur le Président , je vous remercie.

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