Le Bureau International d’Information Bouddhiste (BIIB) vient d’être informé que le Vénérable Thich Quang Do, deuxième dignitaire de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, interdite arbitrairement en 1981), avait été empêché par la Sécurité vietnamienne de partir pour la province de Binh Dinh (Centre du Vietnam), avec une délégation de l’EBUV, afin de rencontrer le Patriarche de l’EBUV Thich Huyen Quang pour la traditionnelle visite du Nouvel An Lunaire. Thich Quang Do n’est plus joignable par téléphone.
Depuis que le Vietnam a été placé sur la liste des « pays particulièrement préoccupants » par les Etats-Unis, en septembre 2004, du fait de ses violations extrêmement graves de la liberté religieuse, le régime de Hanoi ne doit pas commettre d’autres graves atteintes à la liberté religieuse s’il ne veut pas que le Président Bush décide, le 15 mars prochain, le maintien sur cette liste et d’éventuelles sanctions contre le Vietnam. C’est pourquoi, au lieu d’user de ses habituelles méthodes répressives, la Sécurité vietnamienne a recours à des procédés plus subtiles pour empêcher tout déplacement de Thich Quang Do.
Ainsi, au lieu de l’intercepter physiquement, comme elles l’avaient fait au mois de novembre 2004 et en diverses autres occasions, les autorités vietnamiennes ont systématiquement empêché de quitter leurs pagodes et monastères tous les bonzes de l’EBUV de Ho Chi Minh Ville (ex-Saigon) qui avaient prévu de se joindre à la délégation de Thich Quang Do. Elles privent ainsi de fait Thich Quang Do de tout moyen de voyager vers la province de Binh Dinh. Il ne dispose en effet d’aucun véhicule. Les autorités ont parachevé leur blocus du deuxième dignitaire de l’EBUV en interceptant toutes les conversations entre les bouddhistes de l’EBUV à Ho Chi Minh Ville et en resserrant rigoureusement la surveillance policière des bonzes et des laïcs de l’EBUV en général.
En fait, à l’occasion du Nouvel An Lunaire (Tet), la tension est montée d’un cran entre la Sécurité d’une part et les bonzes et bouddhistes de l’EBUV d’autre part. Tous les téléphones portables des bonzes de l’EBUV ont été coupés depuis 4 jours, et les agents de la Sécurité se sont mis à surveiller étroitement et 24 heures sur 24, les membres de l’EBUV, apportant avec eux leur lit de camp pour dormir juste à l’extérieur des pagodes (voir photos). Les bonzes de la Pagode Giac Hoa ont dénombré 10 policiers les surveillant en permanence. Par ailleurs de nombreuses pressions sur les Bouddhistes de Saigon ont été rapportées :
– Le 15 février 2005, Tran Ngoc Bao, Directeur adjoint du Bureau Religieux de Ho Chi Minh Ville, M. Phong, Directeur du Bureau Religieux de Binh Thanh et d’autres cadres locaux se sont rendus chez le Vénérable Thich Vien Dinh, Vice-Président de l’Institut pour la Propagation du Dharma (Institut Exécutif de l’EBUV, Vien Hoa Dao) et Bonze Supérieur de la Pagode Giac Hoa, dans le centre de Saigon. Ils ont prétendu lui rendre visite pour lui présenter les vœux pour la Nouvelle Année, mais ont également cherché à « dissuader Thich Quang Do d’emmener une délégation de l’EBUV visiter le Patriarche Thich Huyen Quang à Binh Dinh, car la situation dans cette province est instable, et aussi à discuter de la Lettre Ouverte pour la démocratie et le pluralisme au Vietnam de Thich Quang Do aux intellectuels, écrivains et artistes vietnamiens ».
Thich Vien Dinh a répliqué qu’il était heureux de recevoir leurs vœux pour la Nouvelle Année, mais qu’il n’avait rien à dire sur les deux autres sujets. Plus tard dans la journée, Thich Vien Dinh recevait une autre visite de cadres, du Front de la Patrie de Binh Thanh, cette fois, qui venaient lui présenter leurs respects et pour lui déconseiller de se rendre dans la province de Binh Dinh avec Thich Quang Do à cause de la « situation instable et délicate ». Thich Vien Dinh a exprimé sa stupéfaction de voir que l’Etat pouvait accueillir à bras ouverts des « visiteurs de l’étranger » (à savoir Thich Nhat Hanh et sa délégation de 190 personnes) et « dérouler le tapis rouge pour que les [visiteurs étrangers] puissent visiter le Monastère Nguyen Thieu et présenter leurs respects à Thich Huyen Quang sans le moindre empêchement… alors que les citoyens vietnamiens, comme moi, ne sont pas autorisés à voyager dans la province de Binh Dinh pour se rendre dans ma propre pagode ni à aller s’incliner devant Thich Huyen Quang, le père spirituel de tous les Bouddhistes vietnamiens. Est-ce cela que vous appelez liberté de religion ? Est-ce ainsi que vous respectez nos traditions ancestrales ? »
– A Go Vap, Saigon, le 15 février 2005, les cadres locaux du Bureau Religieux ont convoqué pour le 16 février, Thich Duc Chon, membre du Comité Exécutif de l’Institut du Sangha l’EBUV et Directeur du Département des Affaires Laïques, et Thich Duc Thang, Secrétaire de l’Institut Exécutif de l’EBUV (Vien Hoa Dao), au Comité Populaire pour les interroger sur les « affaires bouddhistes ». Ils ont informé les bonzes qu’ils avaient saisi des « documents secrets » prouvant que « des éléments hostiles essayaient d’abuser du nom de l’EBUV pour organiser une délégation pour visiter le Patriarche Thich Huyen Quang à Binh Dinh ». Pressés par les bonzes de produire les documents en question, ils ont dit qu’ils se trouvaient entre les mains de leurs « supérieurs ». Les cadres locaux ont ensuite déclaré que l’Etat leur interdisait solennellement de se rendre dans la province de Binh Dinh et posté des policiers en dehors de leur pagode pour les empêcher de sortir.
– A Thu Duc, 2ème arrondissement de Saigon, le bonze de l’EBUV Thich Khong Tanh, Bonze Supérieur de la Pagode Lien Tri, a fait l’objet de pressions similaires. Depuis plusieurs semaines, des agents de la Sécurité surveillent en permanence sa pagode, dormant dans des lits de camps à proximité. A chaque fois qu’il quitte sa pagode, ces policiers l’insultent, l’agressent et le menacent de violences pour qu’il renonce à suivre l’EBUV. Récemment, la Sécurité a tenté de bastonner Thich Khong Tanh, mais les Bouddhistes des environs sont intervenus, forçant les policiers à refluer. Il y a deux jours, la police locale l’a averti qu’il ne devait pas voyager avec Thich Quang Do « parce que les accidents sont très fréquents ces temps-ci ».
– Dans le 8ème arrondissement, le Vénérable Thich Nguyen Ly, Bonze Supérieur de la Pagode Tu Hieu et Trésorier de l’Institut Exécutif de l’EBUV (Vien Hoa Dao), est lui aussi étroitement surveillé par la police. Tous les Bouddhistes entrant et sortant de sa pagode sont suivis de près par la Sécurité. Thich Nguyen Ly a été condamné à 2 ans de « détention administrative » lors de campagne de répression contre l’EBUV, en octobre 2003, et n’est pas autorisé à quitter sa pagode. Il avait espéré accompagner Thich Quang Do, mais la police l’a prévenu que s’il partait, il serait emprisonné pour violation de l’ordre d’assignation à résidence.
– Dans la province de Binh Dinh, la Sécurité a intensifié la surveillance autour du Monastère Nguyen Thieu, où le Patriarche Thich Huyen Quang est actuellement assigné à résidence. Le Monastère est encerclé et la police garde jour et nuit l’unique route qui y mène.
– Le 15 février 2005, dans la ville de Quy Nhon, au centre du pays, la Sécurité a arrêté un bonze de l’EBUV et l’a interrogé sur la prochaine visite de Thich Quang Do. Ce bonze, dont nous ne pouvons révéler le nom pour sa sécurité, avait précédemment été arrêté en novembre 2004 lorsqu’il était venu voir le Patriarche Thich Huyen Quang, alors gravement malade à l’hôpital de Quy Nhon.
Le Bureau International d’Information Bouddhiste proteste fermement contre ces méthodes sournoises utilisées par les autorités communistes vietnamiennes pour détenir les bonzes de l’EBUV et restreindre leurs libertés. Dans une récente communication concernant la situation de Thich Quang Do et destinée au Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, le Vietnam a déclaré que le deuxième dignitaire de l’EBUV était complètement libre. Il est cependant dans l’impossibilité d’effectuer sa traditionnelle visite de courtoise pour son collègue et ami de 87 ans, le Patriarche Thich Huyen Quang. Le BIIB en appelle à la communauté internationale pour qu’elle presse d’urgence le Vietnam d’autoriser Thich Quang Do à faire son voyage dans les jours prochains et sans aucun obstacle, en conformité avec les garanties de la liberté de religion et de la liberté de circulation incluses dans la Constitution vietnamienne et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel le Vietnam a accédé en 1982.