JAKARTA, 18 avril 2010 (QUE ME) – Réunis sous le thème de la « Solidarité des cultures : Travailler ensemble pour la Démocratie », 633 militants de la démocratie venus de 110 pays d’Asie, d’Europe, des Amériques, d’Afrique et d’Australie, se sont rassemblés à Jakarta en Indonésie pour la 6ème Assemblée du Mouvement Mondial pour la Démocratie du 11 au 14 avril 2010. L’un des points cruciaux de l’Assemblée était un projet global de développement des stratégies visant à « Défendre la Société Civile ».
Le Mouvement Mondial pour la Démocratie (MMD), fondé à New Dehli en Inde, en février 1999, est un réseau de militants de la démocratie, de décideurs politiques, de chercheurs, de donateurs et de praticiens travaillant à soutenir et à renforcer la société civile et à promouvoir le développement de la démocratie dans le monde en « renforçant la démocratie là où elle est fragile, revigorer la démocratie là où elle est établie de longue date et améliorer la capacité des groupes pro-démocratie dans les pays qui ne sont pas encore entrés dans un processus de transition démocratique ». Depuis sa première Assemblée à New Delhi, le Mouvement Mondial pour la Démocratie a tenu tous les deux ans des Assemblées à Sao Paolo (Brésil), Durban (Afrique du Sud), Istanbul (Turquie) et Kyiv (Ukraine).
Dans son allocution à l’Assemblée, le Président indonésien, le Dr Susilo Bambamb Yudhoyono, a souhaité la bienvenue aux membres du MMD issus des quatre coins du globe et exprimé sa conviction que « le XXIème siècle sera le siècle de la démocratie ». Il a en particulier partagé les expériences de la transition démocratique et de la consolidation de la démocratie de l’Indonésie expériences qui pourraient être extrêmement précieuses pour les dirigeants de Hanoi pour prévenir la ruine du pays et le gaspillage massif des talents et des ressources :
« Pendant des décennies, lorsque nous avons connu une forte croissance économique, dans les années 1970s et 1980s, les Indonésiens ont trouvé commode notre système autoritaire qui recherchait la stabilité, le développement et l’unité nationale à tout prix.
« Nous pensions que les Indonésiens n’étaient alors pas prêts pour la démocratie que la démocratie n’était pas faite pour les conditions culturelles et historiques de l’Indonésie. Il était largement entendu que la démocratie mènerait à une régression nationale plus qu’à un progrès. Ce qui a surpris nombre d’entre nous a été la vitesse avec laquelle les Indonésiens se sont débarrassés de cette conception. Dix ans après nos premières élections libres, en 1999, dans le cadre de la « reformasi », la démocratie est un processus irréversible en Indonésie et un fait de la vie quotidienne. Notre peuple n’est pas seulement libre mais il accepte avec enthousiasme la démocratie comme un dû, comme leur droit. Et dans ce processus, ils se sentent de plus en plus maîtres de leur système politique.
« L’expérience démocratique indonésienne est également significative d’un autre point de vue. Pendant des décennies, nous avons vécu dans un environnement intellectuel et politique qui nous donnait le choix entre la démocratie et la croissance économique. « Vous ne pouvez pas avoir les deux. C’est l’un ou l’autre », disaient-ils. Et pendant des années, pour notre bien-être, nous avons cru cela — et choisi la croissance économique au détriment de la démocratie.
« Je peux vous dire que ce n’est plus le cas dans l’Indonésie actuelle. Aujourd’hui, notre démocratie grandit et se renforce, et dans le même temps, l’Indonésie connaît la troisième plus forte croissance économique du G20, après la Chine et l’Inde. En d’autres mots, nous n’avons plus à choisir entre démocratie et développement — nous avons les deux ! Et nous avons les deux en même temps ! »
La 6ème Assemblée du Mouvement Mondial pour la Démocratie a été financée par 21 donateurs et gouvernements de différents pays, dont l’UNDP, le Friedrich Ebert Stiftung (Allemagne), la Fondation Arabe pour la Démocratie, le National Endowment for Democracy (USA), le Département d’Etat (USA) et le Ministère canadien des affaires étrangères.
A côté des sessions plénières sur des sujets comme la Défense de la Société Civile et l’Evaluation de l’Aide à la Démocratie, 37 ateliers régionaux ou thématiques se sont tenus pour échanger les informations et les expériences, et pour développer les capacités d’action pour la démocratie des participants dans un large spectre de domaines, comme la culture, la religion, la jeunesse, les femmes, la presse, le rôle de l’internet : L’expérience indonésienne de la démocratie ; Faire embrasser et insuffler les valeurs démocratiques à la jeunesse ; Technologie et liberté: son impact sur la lutte pour la démocratie ; Démocratie inclusive: Les hommes et les femmes travaillant ensemble pour garantir les promesses de la démocratie ; Comment le monde des affaires peut-il encourager le « civic leadership » ? ; S’attaquer à la répression contre les défenseurs des droits de l’Homme et contre la presse indépendante: quel rôle pour la solidarité transfrontière ? ; Faire fonctionner la démocatie: Comment s’assurer de l’engagement des citoyens dans l’élaboration des politiques ? ; Comment la société civile peut-elle relever les défis de la réforme constitutionnelle ? ; Promouvoir la démocratie dans l’économie informelle: Le cas des employés de maison ; Stratégies pour promouvoir le changement dans les sociétés fermées ; Le rôle des journalistes dans le développement démocratique ; Construire des stratégies de la société civile dans la mise en œuvre de la justice de transition ; Le Réseau International de la Démocratie des Femmes : Vers 2020: Stratégies pour réaliser la démocratie ; Les Fondations pour la Démocratie: Ce que nous avons appris des expériences en Europe et en Asie ; Se préparer à la transition: Ce que l’on doit garder, ce que l’on doit changer, ce à quoi l’on doit s’attendre ; Comment la société civile peut-elle aider aux efforts contre la corruption ? ; S’attaquer à la dictature et à l’intégrisme : Le rôle des partis politiques ; Pluralisme et diversité: Les stratégies pour développer de puissantes coalitions interreligieuses pour défendre la liberté religieuse et les droits de l’Homme ; Construire une solidarité avec les personnes déplacées: Comment s’assurer de leur inclusion dans le processus démocratique ?
Un des points saillants de la 6ème Assemblée du Mouvement Mondial pour la Démocratie a été la présence massive de jeunes et de participants musulmans venant du Moyen-Orient et d’Indonésie, qui est un pays musulman. L’Indonésie est le quatrième pays le plus peuplé du monde et la troisième plus grande démocratie, après l’Inde et les Etats-Unis. Comme l’a dit le Président indonésien dans son discours d’ouverture : « L’Islam, la démocratie et la modernité peuvent grandir ensemble ».
M. Vo Van Ai, Président de Quê Me : Action pour la Démocratie au Vietnam, représentait le Vietnam à l’Assemblée du MMD. Dans une interview accordée à Radio Free Asia à Jakarta, il a résumé sa contribution à l’Assemblée : « J’ai participé à plusieurs ateliers pour évoquer la répression contre les initiatives démocratiques au Vietnam, comme par exemple la condamnation de 14 militants pro-démocratie à des peines allant jusqu’à 16 ans de prison simplement pour avoir demandé pacifiquement la démocratie, ou pour avoir protesté contre les violations par la Chine de l’intégrité territoriale du Vietnam en s’apropriant les îles Spratley et Paracel ou en s’installant dans des régions stratégiques comme les Hauts-Plateaux du Centre du Vietnam sous prétexte d’exploitation de la bauxite.
« J’ai attiré une attention particulière sur l’étouffement par le gouvernement de la liberté d’expression sur internet au moyen des arrestations et du harcèlement des blogueurs, des cyberattaques, de la fermeture des sites et des forums de discussion qui critiquent la complaisance du gouvernement devant les agressions chinoises. Ou encore la récente découverte par Google et McAfee de l’emploi par le gouvernement de Hanoi de logiciels espions pour infecter des milliers d’ordinateurs de Vietnamiens à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
J’ai été invité à faire une présentation sur les « stratégies pour promouvoir le changement dans les sociétés fermées ». J’ai souligné l’importance du soutien international et partagé l’expérience de mon Comité [Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme] dans ses campagnes auprès des forums internationaux comme les Nations Unies, l’ANASE, les Parlements en Europe, en Australie ou le Congrès américain. J’ai mentionné le rôle crucial des sations de radio, comme Radio Free Asia, qui sont l’unique source d’information indépendante sur des sujets comme la démocratie, en brisant le mur de la censure dans les sociétés closes comme le Vietnam. J’ai également pointé du doigt le manque d’intérêt, sinon l’indifférence, de la presse internationale sur la situation des droits de l’Homme et de la démocratie au Vietnam, et proposé des stratégies pour le contrer. Dans le cas du Vietnam, les médias internationaux ne voient pas le Vietnam comme un pays désirant profondément la démocratie et la liberté. Avant 1975, ils ne voyaient le Vietnam qu’au travers du prisme de la guerre. Aujourd’hui, ils ne le voient qu’au travers celui de l’économie. Ni plus, ni moins ».