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Les lois liberticides, l’internement psychiatrique des blogueurs et la répression contre la liberté d’expression au Vietnam sont pointés du doigt à l’ONU

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GENÈVE, 8 mars 2013 (COMITÉ VIETNAM) – S’exprimant avec la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), Vo Van Ai, Président du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme, a dénoncé devant le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, les atteintes organisées et planifiées à la liberté d’expression sur internet au Vietnam.

S’appuyant sur le récent rapport du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme et de la FIDH « Blogueurs et cyberdissidents derrière les Barreaux », il a fait valoir que la répression, fondée sur les exactions de la police et des lois fourre-tout anti-droits de l’Homme, était en totale contradiction avec l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politique auquel a accédé le Vietnam en 1982.

Vo Van Ai s’est en particulier inquiété du recours croissant à l’internement psychiatrique pour réprimer les cyberdissidents, arbitrairement autorisé par l’Ordonnance 44 (2002), ainsi que du nouveau projet de décret sur l’internet qui renforcerait la censure et obligerait les entreprises du secteur, y compris étrangères, à participer à la « traque des cyberdissidents ». (Voir le texte intégral de l’intervention de Vo Van Ai plus bas).

Mme Penelope Faulkner, s’exprimant pour l’organisation Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme, a également soulevé la question des violations de la liberté d’expression au Vietnam et fait part de son inquiétude concernant les blogueurs et dissidents Dieu Cay, Nguyen Hoang Vi et Thich Quang Do. Elle a conclu que la libération des cyberdissidents et la réforme des lois incompatibles avec le liberté d’expression sont « indispensables alors que le Vietnam se propose d’entrer au Conseil des Droits de l’Homme en 2014 » (Voir extraits de l’intervention plus bas).

Vo Van Ai s’exprimant devant le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, 8 mars 2013 - Photo QUE ME  
Vo Van Ai s’exprimant devant le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, 8 mars 2013 – Photo QUE ME
 

Texte intégral de l’intervention de Vo Van Ai :

« La FIDH et son affiliée, le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme, voudraient porter à l’attention du Conseil la brutale campagne de répression du Vietnam contre la liberté d’expression de ses citoyens, en violation de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Celle-ci montre que le Vietnam prend l’exact contrepied de la Résolution L13 de 2012 du Conseil des droits de l’Homme sur « La promotion, la protection et l’exercice des droits de l’Homme sur l’Internet » et des recommandations acceptées lors de son Examen périodique universel en 2009.

« Comme nous l’avons exposé dans notre dernier rapport « Blogueurs et Cyberdissidents derrière les barreaux, Mainmise de l’État sur l’internet au Vietnam » — que nous tenons à la disposition du Conseil —, ceux qui s’expriment en ligne sont harcelés, intimidés, molestés, emprisonnés, condamnés. 32 blogueurs et cyberdissidents sont actuellement emprisonnés, condamnés ou en attente d’être jugés. Leurs peines vont jusqu’à 16 ans d’emprisonnement.

« Par cette répression, les autorités vietnamiennes ne protègent nullement la « sécurité nationale » comme elles le prétendent, mais étouffent la voix d’une société civile émergente préoccupée par la corruption, les abus de pouvoir, le sort des paysans dépossédés, les droits de l’Homme et les réformes démocratiques.

« Cyniquement, elles répriment également ceux qui donnent leur avis dans le cadre de la consultation de la population sur la réforme constitutionnelle. Ainsi, la semaine dernière, le journaliste Nguyen Dac Kien a été licencié du journal Gia dinh & Xa hoi (Famille & Société) moins de 24 heures après avoir critiqué, sur son blog personnel, le Parti Communiste et son Secrétaire général.

« Le Vietnam ne se contente pas des violences et harcèlements policiers, il organise par des lois vagues et fourre-tout l’annihilation de la liberté d’expression en violation flagrante de l’article 19 du PIDCP. L’article 88 du Code pénal sur la «  propagande anti-socialiste » ou l’article 258 sur « l’abus des libertés démocratiques pour nuire aux intérêts de l’Etat » sont fréquemment utilisés contre les cyberdissidents.

« L’Ordonnance 44 de 2002, qui permet la détention sans procès de quiconque est soupçonné de pouvoir menacer la « sécurité nationale », est également de plus en plus employée contre les blogueurs, en particulier la possibilité qu’elle offre de les interner en hôpital psychiatrique, comme ce fut le cas de Nguyen Trung Linh et Le Anh Hung.

« Dans le cadre de réformes légales financées par la communauté internationale, cet arsenal anti-liberté se renforce sans cesse. Un nouveau décret sur l’internet est en préparation et suscite de graves inquiétudes. En effet, s’il devait entrer en vigueur en l’état, il mettrait en place tout un système de filtrage des informations, de censure et de sanction contre des «  comportements interdits » trop vaguement définis. Il obligerait en outre les sociétés du secteur internet, y compris étrangères, à aider le gouvernement dans sa surveillance et sa traque arbitraires des cyberdissidents.

« Ces actions et exactions vont à contre-courant des obligations internationales du Vietnam, qui a accédé au PIDCP en 1982, et des 13 recommandations concernant la liberté d’expression faites lors de son Examen universel périodique.

« Nous en appelons donc au Conseil de presser le Vietnam à mettre fin à la répression, à abroger l’Ordonnance 44 et tous les autres textes incompatibles avec le droit international, et à revoir son projet de décret internet en vue de garantir le droit à la liberté d’expression. Il est également impératif que le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression puisse se rendre au plus vite au Vietnam. »

Penelope Faulkner s’exprimant devant le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, le 8 mars 2013 – Photo QUE ME  
Penelope Faulkner s’exprimant devant le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, le 8 mars 2013 – Photo QUE ME
 

Extraits de l’intervention de Penelope Faulkner :

« La situation du blogueur Nguyen Van Hai (Dieu Cay) est particulièrement alarmante. Inculpé pour « propagande anti-socialiste » (article 88 du Code pénal), il a été condamné à 12 ans d’emprisonnement et cinq ans d’assignation à résidence en septembre 2012, lors d’un procès qui violait toutes les normes internationales. Le procès était fermé au public et la Cour coupait le microphone lorsque l’accusé parlait pour se défendre. Aujourd’hui, la sécurité de Dieu Cay n’est pas assurée. Le Lieutenant-Colonel de la police Hoang Van Dung a dit qu’il allait ruiner sa santé et s’assurer qu’il mourrait en prison.

« Les netizens sont régulièrement soumis par la police aux passages à tabac, aux mauvais traitements et même aux agressions sexuelles. Le 28 décembre 2012, Melle Nguyen Hoang Vi, une blogueuse de 25 ans, a été sauvagement battue par la police, déshabillée et soumise à une humiliante fouille corporelle qui a été filmée par des policiers de sexe masculin. La police l’avait arrêtée sous prétexte d’un « contrôle d’identité » alors qu’elle se tenait devant le tribunal lors du procès en appel de Dieu Cay.

« D’autres usagers d’internet sont détenus en résidence surveillée sans procès. Le bonze bouddhiste et célèbre dissident Thich Quang Do est assigné à résidence au Monastère Zen Thanh Minh depuis 2003 pour ses appels en faveur de la démocratie et des droits de l’Homme diffusés sur internet (1).

« Le Vietnam prétend qu’il arrête ceux qui critiquent le gouvernement parce qu’ils violent la loi vietnamienne. Cependant, dans l’avis 27/2012 sur le Vietnam, le Groupe de travail sur la détention arbitraire a souligné que si la détention est conforme à la législation nationale, elle doit également être compatible avec le droit international. Le Groupe de travail a insisté sur le fait que « le droit d’avoir ou d’exprimer des opinions, notamment celles qui ne sont pas conformes à la politique officielle du Gouvernement, est protégé par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ».


(1) En dépit de sa détention en résidence (très) surveillée au Monastère Zen Thanh Minh à Ho Chi Minh Ville, Thich Quang Do vient de réussir à lancer sur internet une déclaration sur le pluralisme et la démocratie, comme contribution à l’actuel débat sur la réforme de la Constitution vietnamienne (voir Le leader bouddhiste Thich Quang Do lance une Déclaration sur le pluralisme et la démocratie au Vietnam, BIIB, 6 mars 2013).

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