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Lettre Ouverte au Premier Ministre vietnamien à l’occasion au Sommet de l’ASEM 6 à Helsinki (10-11 septembre 2006) : Le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme demande la libération effective des dissidents emprisonnés ou assignés à résidence et l’abolition des lois scélérates

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M. Vo Van Ai, Président du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme et Vice-Président de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), a envoyé au Premier ministre vietnamien nouvellement nommé, M. Nguyen Tan Dung, une Lettre Ouverte pour lui suggérer de profiter de sa venue au Sommet de l’ASEM 6 à Helsinki, pour prendre de mesures radicales afin d’engager le Vietnam sur la voie de sa réintégration dans le concert des nations et d’une véritable réconciliation nationale.

Le Sixième Sommet de l’ASEM se tiendra à Helsinki, en Finlande, les 10 et 11 septembre 2006, et réunira 38 Chefs d’Etat et de gouvernement des 25 membres de l’Union Européenne, des 10 membres de l’ANASE, de la Chine, de la Corée du Sud et du Japon, ainsi que la Commission Européenne.

Veuillez trouver ci-dessous le texte intégral de la Lettre Ouverte :

Lettre ouverte à M. Nguyen Tan Dung
Premier Ministre de la République Socialiste du Vietnam
à l’occasion de l’ASEM 6 (Helsinki, 10-11 septembre 2006)

Monsieur le Premier Ministre,

Vous vous rendez en Europe à l’occasion de l’ASEM 6 afin de réintégrer la communauté internationale et d’en retirer de substantiels capitaux. Peut-être pensez-vous que votre nouvelle nomination, alliée aux opportunités commerciales qu’offrirait le Vietnam, suffira à charmer les Européens et, derrière eux, les Etats-Unis, et à obtenir votre ticket d’entrée si convoité à l’Organisation Mondiale du Commerce, ou le précieux statut américain de Relations Commerciales Normales Permanentes (PNTR, clause de la nation la plus favorisée).

Vous devez savoir que lorsque l’on veut intégrer la communauté des nations, il faut respecter les obligations que l’on a contractées auprès d’elle, au premier chef celles concernant les droits de l’Homme auxquelles la République Socialiste du Vietnam s’est engagée en 1982 en accédant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Nous vous rappelons que ces droits sont inscrits dans la Constitution vietnamienne par laquelle votre régime s’est obligé envers le peuple vietnamien.

Vous arrivez donc à Bruxelles, siège de l’Union Européenne, avant de rejoindre Helsinki pour les rencontres de l’ASEM 6, avec l’apparat d’un chef de gouvernement respectable, surtout après la publicitaire amnistie du début du mois, qui a bénéficié à quatre dissidents perdus au milieu de plus de 5000 détenus chanceux.

Mais vous vous présentez aussi devant les Européens avec ces nouvelles arrestations, à la mi-août, des dissidents Cong Thanh Do (citoyen américain d’origine vietnamienne), Nguyen Hoang Long et Huynh Viet Lang pour des motifs visiblement farfelus et infondés de terrorisme, puisque le Consulat américain, cible présumée, vient de considérer qu’aucune preuve ne venait étayer un projet d’attentat de leur part. En fait de « terrorisme », ce sont leurs articles en faveur de la démocratie, diffusés sur internet, qui ont déclenché vos foudres répressives.

Monsieur le Premier Ministre, ces arrestation arbitraires et le sort fait aux prisonniers de conscience que vous dites relâcher constituent un bien mauvais départ pour votre nouveau gouvernement et ne paraît pas présager de l’ouverture que souhaitent la communauté internationale et le peuple vietnamien.

Vos libérations de dissidents au compte-gouttes ne signifient rien dans un contexte où votre gouvernement et votre Parti communiste inscrivent dans le marbre de la loi l’oppression du peuple et accroissent la terrible répression des dissidents. Elles ne signifient rien quand on sait ce que vous réservez aux dissidents amnistiés : Si Pham Hong Son a bien quitté sa prison, le 30 août dernier, c’était pour trouver dès midi 20 policiers chargés de sa surveillance devant sa maison. Vous avez coupé son téléphone, confisqué son téléphone portable et, dans un élan d’inhumanité, ne lui avez pas permis de se rendre auprès de sa mère alors que son père est décédé une semaine avant sa libération.

Il est vrai que votre régime n’amnistie jamais les dissidents de leur peine de « détention probatoire » (article 38 du Code pénal) qui les place « sous la supervision et la rééducation des autorités locales », autrement dit les envoie en prison à domicile, avec interdiction de quitter leur quartier et pression constante d’une police omniprésente. Libéré mais pas libre, Pham Hong Son va connaître pour les trois ans à venir (selon sa condamnation officielle) l’insécurité, les harcèlements et une incarcération qui ne dit pas son nom.

C’est ce que vivent actuellement deux autres dissidents « libérés » : Thich Thien Minh, amnistié en février 2005, vit aujourd’hui à Bac Lieu sous le harcèlement constant de la police et est menacé de mort pour l’empêcher qu’il parle à la presse étrangère. De son côté Nguyen Khac Toan, cyberdissident libéré au début de cette année, est confiné chez lui, sous la menace constante d’une intervention de la police et dans un climat d’insécurité permanent. Il n’a pas non plus le droit de quitter son quartier sans autorisation, sous peine d’une amende de 500.000 dongs.

La prison à domicile est d’ailleurs devenue le type d’emprisonnement massivement privilégié de votre gouvernement pour étouffer les dissidents et les défenseurs des droits de l’Homme. Vous l’appelez « détention probatoire », « détention administration » ou, avec mauvaise foi, « totale liberté », mais il s’agit bien de prison où vous enfermez arbitrairement, sans procès, ceux qui exercent leurs droits fondamentaux les plus légitimes. Ils sont constamment harcelés par votre police et leurs communications avec l’extérieur sont coupées ou peuvent l’être à tout moment.

Hoang Tien, Nguyen Khac Toan, Nguyen Van Dai, Duong Thi Xuan et Bach Ngoc Duong, qui prévoyaient de publier un journal indépendant, « Liberté et Démocratie », ont été convoqués, dès le 12 août 2006, à des interrogatoires quotidiens pendant 10 jours d’affilée. Leurs domiciles ont été perquisitionnés, leurs ordinateurs, téléphones portables et dossiers confisqués. Ils sont cloîtrés chez eux, n’ont pas le droit de se revoir ni de quitter leur quartier à Hanoi. Le journal n’a évidemment jamais vu le jour et une fois de plus, les libertés d’opinion et d’expression, pourtant garanties par la Constitution, ont été bafouées.

De leur côté, tous les dignitaires de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique et indépendante, interdite en 1981) sont aussi confinés dans leurs pagodes-prison, en particulier le Patriarche Thich Huyen Quang (87 ans) enfermé dans le Monastère Nguyen Thieu (province de Binh Dinh, centre du pays) et son second, le Très Vénérable Thich Quang Do (78 ans) incarcéré dans le Monastère Zen Thanh Minh, à Ho Chi Minh Ville.

En règle générale tous les dignitaires des « religions non-reconnues » sont assignés à résidence et harcelés, sans parler du sort déplorable (occupation militaire des villages, arrestations arbitraires, conversions forcées, bastonnades, torture…) que vous réservez aux Protestants des minorités ethniques des Montagnards.

Non content de transformer toutes les maisons du pays en prison potentielle, vous multipliez les lois iniques, imprécises et grossièrement contraires au droit international, réduisant le corpus législatif à un règlement intérieur de pénitencier : Vous dissimulant derrière les notions fourre-tout comme la « sécurité nationale », l’« ordre public », le « sabotage de la solidarité nationale », le fait de « semer la division entre les croyants et les non-croyants », etc., votre gouvernement et votre Parti ont en fait « légalisé » les pratiques les plus arbitraires comme la détention sans procès (décret 31/CP sur la « détention administrative » qui permet de détenir une personne pendant 2 ans sur simple soupçon d’atteinte à la « sécurité nationale »), interdit de manifester pacifiquement (décret 38/2005/ND-CP du 18 mars 2005), restreint, par la censure et l’autocensure, la liberté de la presse (Loi sur la presse) et la liberté d’expression sur l’internet (décret 56/2006/ND-CP sur les « sanctions administratives » de juin 2006), etc..

Monsieur le Premier Ministre, les discours mensongers, la mauvaise foi et une répression furtive ne vous feront pas entrer dans la communauté internationale mais vous placeront au ban des Nations. Si vous désirez réellement réintégrer le concert des Nations, nous vous proposons, Monsieur le Premier Ministre, de profiter de votre présence aux réunions de l’ASEM 6 à Helsinki pour annoncer des décisions que vos prédécesseurs n’ont jamais osé prendre depuis la fin de la guerre du Vietnam en 1975, à savoir :

l L’amnistie générale pour tous les prisonniers politiques ou religieux qui croupissent dans les quelques 800 prisons et camps du Vietnam (pour ne citer que les décomptes effectués par Nguyen Khac Toan et Thich Thien Minh, il y a déjà 307 prisonniers de conscience dans les seuls camps de Ba Sao dans la province de Nam Ha, près de Hanoi, et Z30A dans la province de Dong Nai, près de Ho Chi Minh Ville), ainsi que dans les prisons à domicile, à commencer par le Patriarche Thich Huyen Quang, le très Vénérable Thich Quang Do et M. Nguyen Vu Binh ;

l L’abolition de la « détention probatoire » (article 38 du Code pénal) ainsi que toutes les formes de détention arbitraire sans procès (comme la « détention administrative » du décret 31CP) et, par voie de conséquence, cesser la surveillance étroite et les harcèlements contre les prisonniers de conscience libérés mais pas libres, et contre les citoyens qui ne font qu’exercer pacifiquement et légitimement leurs droits fondamentaux ;

l La cessation immédiate de tous les harcèlements et autres mesures répressives contre les religions « non-reconnues » (Bouddhistes, Hoa Hao, Cao Dai, Protestants, etc.) et les minorités ethniques (Montagnards), en particulier contre les membres des Comités représentatifs de l’EBUV fondés dans 17 provinces ;

l La légalisation de toutes les religions « non-reconnues », et au premier chef le rétablissement du statut légal de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam et la restitution de ses biens confisqués depuis 1975 ;

l Ainsi que l’avait suggéré le Patriarche de l’EBUV Thich Huyen Quang en 2000, l’inauguration d’une nouvelle ère de réconciliation nationale par une « Journée nationale de repentir du Parti Communiste Vietnamien » pour les crimes commis à l’encontre du peuple vietnamien.

Vo Van Ai
Président
Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme
Vice-Président
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH)

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