GENEVE, 24 février 2012 (VCHR) – Le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme regrette que le Vietnam ait raté l’occasion d’un dialogue honnête sur les droits de l’Homme avec les Nations Unies. Les 21 et 22 février 2012, le Comité pour l’Élimination de la Discrimination Raciale (CERD) examinait les 10ème au 14ème rapports périodiques du Vietnam en vue d’améliorer la situation des minorités ethniques. Le Vietnam a malheureusement choisi la voie de la propagande et du déni de réalité. « Jaugeant son Etat de droit au nombre de textes adoptés, le Vietnam fait semblant de croire qu’il suffit de dire que tout va bien pour que tout aille bien. En vérité, les lois vietnamiennes, produites de façon industrielle, ne sont souvent pas appliquées, et c’est la politique anti-droits de l’Homme du Parti qui est la réalité quotidienne des minorités », a jugé Vo Van Ai, Président du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme.
« La présentation du rapport du Vietnam au CERD était surréaliste », a-t-il continué. « La délégation vietnamienne a tout d’abord affirmé que tout allait bien au Vietnam, que l’aide aux minorités ethniques était un plein succès, fournissant des chiffres de réussite à la soviétique : 100% des villes ont une école primaire et une clinique gratuites ! Mais ensuite la délégation avouait que l’éloignement des régions où vivent les minorités, il était très difficile de leur fournir éducation et santé. En réalité, la présentation du Vietnam s’apparentait d’avantage à de la mauvaise propagande qu’à un travail honnête sur la discrimination raciale ».
Les experts du CERD ne s’y sont pas trompés et ont critiqué le Vietnam pour ne fournir qu’une vision théorique de la discrimination raciale, livrant une liste de lois mais se gardant bien de donner des détails concrets. L’expert français Régis de Gouttes a ainsi regretté que le Vietnam ne fait aucune mention d’affaires liées au racisme, or « l’absence ou l’insuffisance du nombre de plaintes pour racisme n’est pas en soi une indication qui est nécessairement positive. Ce peut être la révélation d’une mauvaise connaissance par les victimes de leurs propres droits et parfois d’un manque de confiance à l’égard des autorités policières ou judiciaires, d’un manque de sensibilité de ces autorités aux actes de racisme ». Il a également questionné le système du permis d’enregistrement des familles, ou ho khau, qui est à la base de toute la discrimination. L’expert américain Carlos Manuel Vazquez a prévenu que déclarer avoir interdit la discrimination raciale, comme le fait le gouvernement vietnamien, ne garantit nullement qu’il n’y a pas de discrimination raciale.
Parallèlement, les experts ont critiqué certaines lois, comme l’article 87 du Code pénal qui punit le crime de « saper l’unité, semer la haine entre les communautés ethniques, semer la division entre les croyants et les non-croyants » et qui, d’après le Vietnam, protège les minorités. M. Vazquez était ainsi préoccupé que cet article, « de par sa rédaction trop vague, peut servir à arrêter les membres des minorités engagés dans des manifestations pacifiques » et a appelé à amender cet article. La délégation vietnamienne, qui n’a d’abord pas voulu répondre sur cet article, s’est contentée de dire que le Vietnam allait « y réfléchir », ajoutant peu après que si les minorités ethniques avait des droits, il ne fallait pas « abuser » de ces droits et qu’il y avait « des gens qui trompent et qui nuisent. Il faut les mater par la loi ». Dès 1995, les Nations Unies avaient demandé au gouvernement vietnamien de revoir la rédaction des articles fourre-tout du Code pénal sur la « sécurité nationale », dont fait partie l’article 87, et qui servent à réprimer l’exercice légitime des droits fondamentaux des citoyens vietnamiens.
Avertis par les ONG, en particulier le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme, les experts du CERD se sont d’ailleurs inquiétés de l’existence de stéréotypes sur le caractère « non-civilisé » ou « arriéré » des minorités ethniques qui les défavoriseraient. La délégation vietnamienne s’en est défendue en affirmant, encore une fois, que de tels stéréotypes étaient « interdits ». « En fait, ces stéréotypes existent bel et bien. Le gouvernement vietnamien et les Vietnamiens en général continuent de se référer aux minorités ethniques en employant le terme « Moi » qui signifie « sauvage » ; et le terme « Kinh » qu’on emploie pour désigner l’ethnie majoritaire des Viets a une connotation de supériorité », a commenté Vo Van Ai.
Le CERD s’est également inquiété des violations des droits de l’Homme que subissent les minorités ethniques au Vietnam : Expropriations de terres ancestrales, déplacements forcées de populations, limites de la liberté de circulation, de la liberté d’expression, violences, arrestations arbitraires, persécutions religieuses comme celles, citées par Régis de Gouttes, contre « les Khmers Krom qui sont bouddhistes, liés à l’Eglise Bouddhiste Unifiée, et les Montagnards Hmongs qui sont majoritairement chrétiens ». L’expert chinois Huang Yong An, qui est aussi le rapporteur du CERD sur Vietnam, a mis en cause l’État vietnamien sur les conflits souvent violents touchant les minorités ethniques : « Il y a un proverbe chinois qui dit qu’un gouvernement oppressif pousse le peuple à la rébellion. Lorsque nous regardons les incidents dans les régions des minorités ethniques de l’État Partie, nous trouvons que beaucoup [de ces incidents] sont liés aux droits sur la terre. Il y a un This post is also available in: Anglais Vietnamien